On peut d'abord juger indécente la sollicitude affichée envers les sans-abris, alors que le candidat Macron avait promis que plus personne ne dormirait dehors fin 2017, et surtout que le gouvernement a diminué de 57 millions sur quatre ans (dont 20 millions dès 2018) le budget des hébergements d'urgence (Libé précise néanmoins que le nombre de places a augmenté au cours de l'hiver 2017-2018. On n'a pas encore les chiffres pour l'hiver actuel). C'est le plus évident. C'est d'ailleurs sur ce thème que s'est notamment déchaîné le hashtag #MaraudecommeMacron.
- "C'est vrai , mon gouvernement a fait une coupe budgétaire de 57 millions d'euros pour les centres d'accueils et d'hébergements pour les sans abris ; mais là , il y a un photographe , alors je vais faire semblant de vous donner 1 euro"
#MaraudeCommeMacronpic.twitter.com/gnGIbSDBgQ
— MonChatMoeRugit (@GabinFrederic) 25 février 2019
La photo elle-même trahit l'artifice de communication.
Dans le style faussement décontracté auquel se cramponne sa photographe officielle Soazig de la Moissonnière, dans sa perpétuelle tentative d'égaler le photographe d'Obama Pete Souza (voir ici notre malicieux comparatif), elle est trop parfaite pour être honnête.
Le jeans et le flight jacket. Le genou à terre, façon chevalier à l'adoubement. La position. L'angle. Le cadrage. Tout est trop parfait.
Et resurgit immanquablement le souvenir d'une com' déjà insupportable dans les années 90, manière Kouchner et son sac de riz. Programme de première année : le pouvoir penché sur la misère, illustrez l'allégorie. Voir photo ci-dessus
A ces deux niveaux d'imposture, se superpose le troisième : le mode de publication faussement inopiné de la photo.
Il s'agit justement d'éviter la posture Kouchner, et le reproche d'avoir voulu "faire image". Ne croyez surtout pas que j'ai voulu faire de la gesticulation semble protester Macron : la preuve, cette visite s'est déroulée en toute discrétion, sans médias, sans personne d'autre que ma photographe personnelle, pour mes archives, ou pour les siennes. La preuve, on n'a pas posté la photo sur le site de l'Elysée.
La preuve : elle n'a même pas fuité tout de suite. La preuve, on a attendu une semaine, une bonne semaine, pour annoncer au bon peuple la bonne nouvelle de ma sollicitude. Et d'ailleurs je n'y suis pour rien : la photo n'est sortie que dans la pénombre du compte Instagram de Soazig de la Moissonnière.
A chacun, devant ces trois niveaux, de décider où est la pire obscénité.