Pourquoi donc s'en prendre au système des concours internes à la fonction publique ?
Jusqu'à preuve du contraire, ils ont montré leur efficacité. Ils placent tout le monde sur un pied d'égalité. Ils permettent aux postulants de se qualifier et de faire évoluer leur carrière tout au long de leur vie professionnelle. Enfin, ils protègent les agents du piège du favoritisme puisque leur parcours ne dépend en rien de l'étiquette politique de leurs employeurs.
C'est l'un des grands acquis du statut de la fonction publique mis en œuvre par le ministre communiste Maurice Thorez à la Libération, dans une France marquée par le débauchage des fonctionnaires sommés de prendre fait et cause pour le régime de Vichy.
Le statut était expressément conçu comme le moyen d'échapper au diktat du pouvoir politique. Les concours en furent l'un des passages obligés, préservant l'indépendance d'esprit des heureux élus, à charge pour eux de remplir leur fonction sans avoir à exhiber la singularité de leur engagement personnel.
Pour justifier le virage annoncé, Stanislas Guerini a lancé un nouveau mantra: « Il faut qu'on puisse casser les plafonds de verre. »
Mais, quels plafonds de verre ? Les concours en question sont ouverts à tous en fonction des diplômes des uns et des autres. Nonobstant les coups portés au fil des réformes mises en place par les différents gouvernements, tous les fonctionnaires peuvent évoluer au cours de leur carrière. En finir avec ce système, ce serait ouvrir la porte à la contractualisation déjà largement installée en vue de substituer au statut protecteur des fonctionnaires celui, bien plus aléatoire, des agents contractuels, que l'on peut virer à la première occasion.
Tel est bien l'objectif recherché.
Dès lors que le service public est jugé archaïque, les fonctionnaires sont inutiles. On a commencé par expliquer qu'il fallait favoriser leur licenciement (ce qui est déjà possible aujourd'hui). Maintenant arrive le second étage de la fusée, avec la mise en cause du rôle des concours. Il faudrait absolument s'inspirer du privé et promouvoir l'emploi précaire qui permet de se débarrasser des salariés comme on se débarrasse d'un objet encombrant.
Jamais on ne s'interroge sur le rôle de la fonction publique pour permettre à l'État régulateur d'assumer ses responsabilités. C'est normal puisque l'État est le mal absolu alors que le marché est le bien suprême.
Jack Dion
## Historique du Statut de la Fonction Publique en France
### Origines et Évolution
La fonction publique française trouve ses racines dès l'Ancien Régime, où les employés des villes et les serviteurs de la monarchie commencent à préfigurer la fonction publique moderne. À partir de 1679, certains emplois techniques sont pourvus par concours, marquant le début d'une professionnalisation des agents publics[1]. Cependant, ce n'est qu'au XIXe siècle que la fonction publique commence à se structurer véritablement, avec la constitution progressive de corps divisés en grades ou classes, bien que le clientélisme et la corruption soient encore omniprésents[1].
### Le Statut Général des Fonctionnaires
Le premier statut législatif propre aux fonctionnaires est instauré par la loi du 19 octobre 1946, qui codifie en un texte unique les prescriptions relatives aux personnels, éparses jusque-là dans divers textes[6][9]. Ce statut, voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale constituante, vise à rationaliser et à centraliser la gestion des fonctionnaires, tout en garantissant leurs droits et libertés[9]. Il marque une rupture avec le statut restrictif de 1941, instauré sous le régime de Vichy, qui mettait l'accent sur l'autorité de l'État et interdisait le droit de grève[17].
### Réformes et Modernisation
Les années 1983-1986 voient une refonte majeure du statut général des fonctionnaires avec l'adoption de quatre lois dites « Le Pors » : la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et les lois des 11 janvier 1984, 26 janvier 1984, et 9 janvier 1986, relatives respectivement à la fonction publique de l'État, territoriale, et hospitalière[8][11]. Ces lois visent à harmoniser les règles tout en tenant compte des spécificités de chaque fonction publique.
### Importance et Reconnaissance
Le statut général des fonctionnaires a joué un rôle crucial dans la reconnaissance de l'administration française comme l'une des meilleures du monde.
Il a permis de constituer une fonction publique intègre, professionnelle et impartiale, capable de répondre aux besoins de la nation avec efficacité et adaptabilité[12]. La codification des droits et des obligations des fonctionnaires a non seulement renforcé la cohérence et l'unité de la fonction publique, mais a également assuré une continuité et une stabilité dans l'administration publique, contribuant ainsi à la qualité du service public en France[11].
### Conclusion
L'évolution du statut de la fonction publique en France, de ses origines sous l'Ancien Régime à sa modernisation au XXe siècle, a été marquée par des efforts constants de rationalisation et de centralisation. Ce cadre juridique a non seulement structuré la fonction publique, mais a également assuré la reconnaissance de l'administration française comme un modèle d'efficacité et de professionnalisme, contribuant ainsi à son prestige international.
N.D.L.R
Le but de la manœuvre est clair : il s'agit de privatiser la fonction publique et de virer quand on le souhaite tous ces fonctionnaires titulaires qui empêchent Micron et ceux qui le soutiennent de gagner encore plus d'argent.
Pour (triste) mémoire, Claude version Opus nous rappelle qui s'est passé quand, en 1940, le gouvernement de Vichy s'est attaqué aux fonctionnaires qui n'étaient pas d'accord avec sa politique.
Références :
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_publique_fran%C3%A7aise
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000501099
[4] https://cours-de-droit.net/histoire-de-la-fonction-publique/
[7] https://www.fonction-publique.gouv.fr/la-dgafp/nous-connaitre/notre-histoire
[9] https://hal.science/hal-01722251/document
[10] https://www.cairn.info/la-fonction-publique--9782707157256-page-7.htm
Pendant le gouvernement de Vichy en 1940, la fonction publique française a subi des transformations et des purges significatives, marquées par des mesures répressives et discriminatoires.
### Épuration et Réorganisation
1. **Épuration Administrative** : Dès l'été 1940, le régime de Vichy a entrepris une épuration de la fonction publique. La loi du 17 juillet 1940 a permis de révoquer les fonctionnaires jugés indésirables, souvent pour des raisons politiques ou raciales[7]. Cette loi est considérée comme l'acte fondateur de la législation répressive de Vichy.
2. **Exclusion des Juifs** : Le 3 octobre 1940, le premier statut des Juifs a été promulgué, excluant les Juifs de la fonction publique ainsi que de nombreuses autres professions[6]. Cette mesure a été renforcée par un deuxième statut des Juifs le 2 juin 1941, qui a élargi les critères d'exclusion et les interdictions professionnelles[3].
3. **Collaboration avec l'Allemagne** : Les fonctionnaires de la zone occupée ont été contraints de collaborer avec les autorités allemandes, souvent de manière minimale mais inévitable[7]. En zone libre, la collaboration était plus explicite, notamment après l'entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler en octobre 1940, qui a officialisé la politique de collaboration[4].
### Réformes et Contrôle
1. **Réorganisation des Services** : Le régime de Vichy a réorganisé les services publics pour mieux contrôler et encadrer la société. Par exemple, la loi du 14 septembre 1941 a codifié un statut général de la fonction publique, bien que ce statut ait été répressif et discriminatoire[9].
2. **Monopole des Appels à la Générosité Publique** : En 1940, Vichy a instauré une loi donnant au gouvernement le monopole des appels à la générosité publique, centralisant ainsi les efforts de secours et de bienfaisance sous le contrôle de l'État[11].
### Conséquences
1. **Dénaturalisations** : Le décret-loi du 22 juillet 1940 a révisé les naturalisations établies depuis 1927, dénaturalisant environ 15 000 personnes, dont 8 000 Juifs, qui sont devenus apatrides[3].
2. **Internement des Juifs Étrangers** : La loi du 4 octobre 1940 a autorisé l'internement des Juifs étrangers dans des camps spéciaux, une mesure qui a conduit à l'internement de 40 000 Juifs étrangers dans divers camps en France[6].
Ces mesures ont profondément marqué la fonction publique française, la transformant en un outil de répression et de collaboration avec l'occupant nazi, tout en excluant et persécutant des milliers de fonctionnaires pour des raisons raciales et politiques.
N.D.L.R
Ce qui précède n'a rien à voir avec le point Godwin !
En 1946, le statut de la fonction publique a été mis en place pour éviter précisément que ce genre de dévoiement tragique de la fonction publique ne se reproduise.
Enfin, je précise que ce statut de 1946 a certes instauré des droits pour les fonctionnaires, mais aussi des obligations.
Résultat : depuis 1946, on a pu reprocher beaucoup de choses aux fonctionnaires, mais très rarement la corruption, car le statut est fait, et bien fait, non seulement pour sanctionner ce genre de pratiques, mais surtout pour les prévenir.
Je suis très bien placé pour en parler puisque j'ai exercé pendant 30 ans dans la fonction publique comme comptable public. Je rappelle à cet égard qu'en France, les comptables publics sont les seuls fonctionnaires responsables de leurs actes sur leurs propres deniers, et éventuellement ceux de leur épouse.
Lorsqu'un inspecteur du Trésor public procède à une inspection des services d'un comptable public, quel qu'il soit, s'il constate des « anomalies » financières, il ne discute pas : le comptable public doit payer le montant incriminé, qu'il soit de 100 euros ou d'un million d'euros. Nous avons bien sûr une assurance, mais, si la fraude est avérée, elle ne paie pas et le dossier transmis au pénal.
Ainsi, il existe beaucoup de fonctionnaires qui manient des sommes très importantes à longueur de journée. pourtant, les cas de fraude, vol ou corruption dans ce milieu sont extrêmement rares. Si l'on venait à privatiser la fonction publique, il n'y a aucun doute que les choses changeraient très rapidement. Et, pas en bien !
Au demeurant, le secteur privé a déjà un bon pied dans la fonction publique. On l'a vu lors de la crise sanitaire récente avec l'intervention des cabinets de conseil (McKinsey) au plus haut niveau de l'administration.
Le cout a été faramineux pour des résultats lamentables. Et, en dépit des cabinets de conseil, le gouvernement de Micron a été parmi ceux qui ont le plus mal géré cette crise.
De la même façon qu'on ne peut pas laisser la police ou la justice au secteur privé, on ne peut pas laisser l'administration française aux requins de la finance.
Références
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernement_Pierre_Laval_%285%29
[2] https://www.lesechos.fr/2016/10/le-statut-des-fonctionnaires-a-70-ans-218353
[4] https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/gouvernement_de_Vichy/148768
[5] https://www.lhistoire.fr/vichy-et-le-%C2%AB%C2%A0cas%C2%A0%C2%BB-mitterrand
[6]https://fr.wikipedia.org/wiki/Lois_sur_le_statut_des_Juifs_du_r%C3%A9gime_de_Vichy
[7] https://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2007-2-page-12.htm
[8] http://www.focom-laposte.fr/fonction-publique-pilier-essentiel-de-republique/
[9] https://hal.parisnanterre.fr/hal-01647289/file/Lochak_oeuvre-legislative-Vichy_2016.pdf
[10]https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/chronologie-ra-pression-et-persa-cution-en-france-occupa-e-1940-1944.html