Au plan physique la pub me donne véritablement des boutons. Au plan intellectuel la seule vision ou audition d'une pub me met de mauvaise humeur pour la journée.
Aux agressions de la radio et de la télévision j'ai trouvé depuis longtemps la parade. C'est de couper le son. A la radio l'effet est évident ; à la télévision c'est également très efficace. Faites l'expérience ; coupez le son d'une pub et vous constaterez que la pub perd immédiatement ses aspects les plus nocifs. Elle n'agresse plus et vous permet de penser à autre chose. Quand aux images, avec la manie qu'ont les réalisateurs de produire des images n'ayant aucun rapport avec la pub, ça en devient presque reposant. En fait cela produit un espèce de screensaver aux belles couleurs qui remplace avantageusement l'aquarium à poissons. Et il n'y a pas besoin de changer l'eau !
Pourquoi ne pas simplement zapper sur une autre chaîne me direz-vous ? Tout simplement parce que sur les autres chaînes c'est la même chose ; la pub y sévit également. C'est pourquoi je ne suis pas un zappeur. Je suis un mutant (de "mute" le bouton qui coupe le son sur les télécommandes) De plus, je n'ai pas un grand respect pour les zappeurs : ils me rappellent furieusement ces gens qui ne regardent dans les journaux que les images.
Pourquoi cette haine de la pub ? Je vais vous donner mes raisons, puis je laisserai la parole à des spécialistes beaucoup plus calés que moi sur la question.
Avant tout, la publicité est un insulte répétée à notre intelligence. Comment peut on s'imaginer que, parce qu'une pub pour shampoing est basée sur la vision insistante des charmes d'une jolie femme, nous allons acheter ce shampoing. Comme si la jolie femme était fournie avec le shampoing. Et d'abord je suis chauve !
Vous me direz que ce genre de pub s'adresse à la ménagère de moins de 50 ans et pas à moi, chauve de plus de 50 ans. Et alors ? la ménagère de moins de 50 ans serait stupide ? De toutes façons les pub pour les voitures utilisent le même genre de ressort et celles là, en principe, s'adressent bien à moi .
Par ailleurs il faut tout de même savoir que cela fait 50 ans qu'en France on fait les mêmes publicités. En utilisant les mêmes grosses vieilles ficelles, et en faisant preuve du même mépris pour le consommateur. Il n'y a aucune différence, si ce n'est du point de vue de la technique, qui a certes évolué, entre une pub des années 50 sur Monsavon et une pub sur le savon Machin des années 2000. Les deux sont d'une bêtise crasse. Ce qui, vous l'avouerez, est un comble pour des produits dédiés à l'hygiène.
J'ajoute que, le plus souvent, la publicité française manque totalement d'humour. Tout simplement, aux dires de ces messieurs de la pub eux-mêmes, parce que les annonceurs français sont très frileux et refusent obstinément toutes les pubs qui pourraient paraître un tant soit peu anticonformistes. Le meilleure preuve en est que dans les concours internationaux de pub, la France est généralement très mal classée. L'esprit français, que le monde nous envie, est incompatible avec la publicité. C'est pourquoi la pub en France est commise par des besogneux prétentieux, bornés, avides, machos et totalement dénués d'humour. Et oui M. Seguala on aurait du le dire à votre mère ; entre un bordel et le monde de la pub, on peut effectivement se tromper !
Ensuite, la pub me dérange. Lorsqu'il m'arrive, exceptionnellement de regarder un film sur TF1 ou TF2 (jamais vu la différence) la ou les coupures publicitaires me rendent fou furieux. C'est pour cela que je ne regarde pas la télé hertzienne, mais uniquement les chaînes satellites. Les coupures et la pub y sont beaucoup moins envahissantes. Comme le dit si bien le slogan ; je ne regarde pas la télé, je regarde Canal Satellite.
Enfin j'ai eu la chance, en dépit de mes origines plus que modestes et grâce à Jules Ferry, de bénéficier d'une éducation comme on en faisait dans les années 60. A savoir qu'à 14 ans j'avais lu presque tout Balzac et que, sans être jamais sorti de mon quartier, j'avais appris le monde dans les livres. De mon temps (Oh oui grand père, raconte nous les années 60 !) on se cachait sous les draps pour lire tard dans la nuit, en cachette de ses parents. Bref, pour beaucoup de mes concitoyens de l'époque, la culture n'était pas un vain mot.
Elle était obligatoire à l'école et même, les jeunes ne me croiront pas, à la télé de l'époque. Les Perses en prime time c'était tout de même autre chose que le Bigdil ! Et on peut dire ce qu'on veut de Pierre Bellemarre c'est tout de même autre chose que Lagaff. Je rappelle à l'occasion qu'à l'époque la pub, comme les jeux de hasard, était interdits à la TV pour "cause de moralité" !!! J'ai pu constater que du jour où ces deux saletés ont été introduites à la Télé la qualité a dégringolé jusqu'à aboutir aujourd'hui à Loft Story et ses zombies décérébrés. Pardon pour le pléonasme mais je tenais à insister.
Ce que je voulais dire, avant d'être interrompu par moi même, c'est qu'il me semble que la seule culture des jeunes d'aujourd'hui'hui, c'est essentiellement la pub. Ainsi, les articles suivants vous le démontreront, la pub est arrivée à lobotomiser une bonne partie de notre population d'aujourd'hui, qui n'a plus de culture (Hugo ? c'est qui ce bouffon ? Qu'est ce qu'il vend ?) Plus de langage si ce n'est une accumulation d'interjections standardisées, plus d'orthographe, et plus de références communes, hormis la pub.
N'ayant plus de culture et soumis au bombardement intensif de la télé trash et de la pub beaucoup de gens, dont les plus fragiles à savoir les jeunes, ne pensent plus par eux mêmes, et sont capables de tuer pour un pull Benetton ou des lunettes Oakley. J'exagère à peine car il est sûr que la pub n'est pas étrangère à la violence de nos sociétés actuelles.
Dans de telles conditions il n'est pas étonnant que des communistes votent Fhaine et que nombre de français ne fassent désormais aucune différence entre la gauche et la droite.
Je pense véritablement que le plus grand responsable de la société de merde dans laquelle nous vivons maintenant c'est avant tout la pub. Et qu'est ce que la pub sinon le valet aux ordres de la mondialisation, c'est à dire de l'ultralibéralisme ?
Rappelons que naguère, en 1968 exactement, j'y étais, des millions de jeunes se sont révoltés contre la société de consommation. Cela fut rendu possible parce que la pub commençait à peine à s'installer. De nos jours les jeunes ne contestent plus ; à la rigueur ils cassent, mais ils ne discutent plus. Ils n'ont plus de problème d'intégration, ils sont tellement intégrés au système que les publicitaires sont désormais capable de prédire avec certitude le moindre de leur comportement. Et d'en tirer de substantiels bénéfices.
Entendons nous, je ne reproche pas à la pub de répéter partout que tel produit est le meilleur dans sa catégorie, c'est son boulot. Je lui reproche de convaincre une bonne partie des gens que sans le produit Machin ils ne sont rien.
Orwell nous avait prédit Big Brother pour 1984. Nous y sommes. La seule différence est qu'Orwell prédisait le triomphe du totalitarisme et que c'est l'ultralibéralisme qui s'est imposé. Et pas par la force, mais par la persuasion suave et toujours recommencée de la publicité. Et avec l'aide, pas toujours désintéressée, de nos hommes et femmes politiques.
Désormais tout le monde pense pareil, s'habille pareil, roule dans les mêmes voitures pour aller l'été dans les mêmes endroits. Comme l'a bien compris Berlusconi, l'archétype des dirigeants de demain, plus besoin de jeter les contestataires dans les prison. Il suffit d'acheter tous les journaux et toutes les télés. Et tout le monde sait qu'il n'y a de pire servitude que celle qui est volontairement acceptée, voire réclamée par les asservis eux mêmes.
C'est pourquoi si vous ne faîtes pas comme moi, et quelques autres, de la résistance active, si vous ne vous forcez pas à vous lever de votre fauteuil, ou à vous jeter sur votre télécommande pour couper le son des publicités lorsqu'elles vous agressent, si vous ne vous obligez pas à détourner le regard des pubs omniprésentes de notre univers urbain actuel, vous en arriverez à ressembler à ces gens qui vous disent :
La pub ? Quelle pub ? Mais mon bon monsieur vous retardez, la pub fait partie de notre vie et il n'y aucun moyen d'y échapper ? Et puis pourquoi vouloir y échapper ? C'est marrant la pub. Plus marrant que notre boulot ! Moi le singe dans la pub sur la lessive, qui parle presque comme nous, il m'éclate ! Même notre bébé ça le fait rire ! Quand à notre fils de 14 ans il parle couramment comme le singe, monsieur, et si je coupe cette pub il m'égorge ! Il faut être de son temps mon bon monsieur !
Vous trouverez ci-après quelques articles qui vous démontreront, s'il en est besoin que je ne suis pas le seul à vomir la publicité.
"Petit dico de la pub
par Paul Ariès
politologue, écrivain, conférencier
A comme Aliénation.
La pub, ça rend dépendant, ça rend malade. Des labos américains ont lancé un médicament pour guérir de la fièvre acheteuse, celle des consommateurs accrocs à la dépense inutile. Le Celexa agit directement sur la pulsion d'achat via la sérotonine. Les hypermarchés ne doivent pas s'inquiéter pour autant : la société Upromise vient d'inventer, elle, la recette miracle pour apprendre à dépenser toujours plus, et, tout ça, sans aucune culpabilité : plus vous achetez, plus la société finance le compte d'épargne de vos gosses. L'objectif caché : faire de la surconsommation une bonne action mais aussi rendre le consommateur dépendant d'une marque à perpétuité !
B comme Bureau de Vérification de la Pub.
Faut faire confiance ! Le BVP, c'est un peu comme si on confiait leur autodiscipline aux dealers. Ça ne le gêne pas, la propagande pour le tabac qui tue des gosses ou pour des bagnoles pitbulls ou des femmes nécessairement salopes, mais pas question qu'Amnesty International critique la Chine ou les états-Unis, ça nuirait aux bonnes relations entre les grands États. Pas question non plus de passer un clip pour la Journée sans achat. Le BVP champion de la protection des valeurs à géométrie variable.
C comme Crétin c'est-à-dire comme propagation de contre-valeurs.
La pub, ce n'est pas seulement inutile, c'est sacrément méchant et con. Mercédes a dû retirer une pub mettant en scène des pitbulls, c'est vrai qu'un molosse pareil, ça fait peut-être vendre des bagnoles, mais c'est pas ce qu'il y a de mieux pour combattre l'agressivité au volant. Le PDG d'Intersports et le directeur de l'agence publicitaire BDDP ont comparu en correctionnelle pour une campagne d'affichage exhibant un pitbull agressif au risque d'aggraver encore la violence urbaine, y paraît que c'était par souci de connivence avec les jeunes des banlieues. Coca-Cola propose, lui, de remplacer les cours de philo par la vraie vie. Faut pas croire que tout ça soit insignifiant, ça vous formate une génération. Le danger publicitaire est d'autant plus fort qu'il favorise le recul des autres activités portant sur des signes, il tue l'imaginaire des gosses. La pub, c'est l'anticulture par excellence ; la culture, plus on la fréquente tôt, plus on devient un citoyen responsable ; la pub, plus on y est soumis jeune, plus on en devient accroc des marques, genre malade de l'achat.
D comme Dégradant.
La pub, c'est pas fait pour faire réfléchir mais pour faire acheter. Pour être efficace, soyons le plus régressif possible. Une femme nue à quatre pattes à côté d'un mouton (pub de La City). La pub exploite les fantasmes et phobies les plus éculés et partagés. Elle fait avec le corps de l'enfant ce qu'elle réalise depuis des lustres avec le corps dénudé de la femme (et depuis peu de l'homme). Elle fait fantasmer le client avec ce corps puis transfère ce désir sur le produit. La pub pour Opium propage une image dégradante de la femme : posture couchée suggestive, jambes écartées, main posée sur un sein. La femme n'a conservé que ses hauts talons naturellement dorés, une marque de chaussures exhibait la godasse de luxe d'un type invisible mais appuyé sur le sexe d'une splendide femme à moitié nue, etc. La leçon de ce type de pub : qui peut acheter l'une peut se payer l'autre. Dunlopillo exhibe un homme traité en animal par une dominatrice, Kookaï présente ses clientes comme des mangeuses d'hommes, etc. Le sexe ? D'accord mais quand je veux et avec qui je veux ! Le hic, dans la pub, ce n'est pas la pornographie, c'est le viol systématique de l'intimité. La pub et Loft Story ? Une même saloperie contre le respect de l'autre ! La résistance contre la pub, ce n'est pas le retour des ligues de vertu, c'est l'affirmation que le cul, ça doit rester du domaine du don (pas du fric). Est-ce un hasard si le sado-maso et la bestialité vont bien avec le luxe ? Quelle est l'image que la pub tente d'imposer du bon peuple ? Est-ce une sous-humanité composée de "beaufs" vulgaires regardant un match de foot à la TV en buvant de la bière Budweister tout en rotant ?
E comme école.
L'école publique ou privée se prostitue avec la pub. Elle est le nouvel Eldorado des grandes marques dévoreuses de têtes blondes : poubelles (mais oui...) de classe sponsorisées par des hyper, kits pédagogiques gratuits, manuels éducatifs servant la soupe à des grandes marques, bons d'achat ou de réduction offerts à la place des bons points et images d'antan, spectacles scolaires sponsorisés par McDo, activités sportives financées par des marques de sport, etc. Faut comprendre : l'école manque d'argent et les gosses sont influençables dès le sixième mois et prescripteurs d'achats dès deux ans ! Les firmes américaines sont parvenues à intégrer la pub dans les emplois du temps : scolaires : les sociétés fournissent des équipements et, en échange, les écoles s'engagent à ce que les enfants assistent quotidiennement au programme Channel One (2 minutes de pub toutes les 10 minutes). Et si on (re)fondait la laïcité pour foutre le marché en dehors de l'école !
F comme Flicage.
Soyons sérieux : la pub n'existe pas sans la mise sous contrôle systématique de toute la population consommatrice. Tolérer le règne de la pub, c'est accepter d'être sans cesse espionné. Les instruments du flicage sont de plus en plus sophistiqués : tachytoscope pour contrôler la vision d'une annonce à des vitesses variables, "eye camera" pour enregistrer les mouvements oculaires, folder-test pour mesurer l'efficacité de différentes versions d'une pub, peoplemeter pour mesurer l'audience des spots publicitaires, datamining ou analyse des tickets payés par carte de fidélité (type Pass) ou de crédit (American Express), cookies c'est-à-dire mouchards qui suivent, pas à pas, votre trace sur internet, analyse de vos commandes par correspondance, etc. La Poste organise aussi ce flicage grâce à ses cellules géomarketing ("Dis-moi où et comment tu habites, je te dirai qui tu es") qui, en croisant des données géographiques, socio-démographiques et comportementales, établissent les profils types de "clients" vendus ensuite "confidentiellement" à la Halle aux Vêtements, Pier Import, Conforama, etc.
G comme Gaspillage.
La pub ne crée pas de vraies richesses, contrairement à ce qu'affirment les Séguela et autres dealers de faux espoirs, ou alors c'est de même façon que les marchands de mort que sont les cigarettiers et autres trafiquants d'arme. La pub, c'est un gaspillage de matières et d'énergie, c'est des montagnes de déchets, c'est un gaspillage d'objets censés offrir le bonheur clés en main. C'est un gaspillage d'imaginaire détourné au seul profit du fric, de la "gagne".
H comme Hypermarché.
Le dressage du consommateur par la pub se poursuit dans les Hypers : largeur des travées, luminosité variable, etc. Il existe même des vrais-faux magasins type Magali pour Carrefour pour tester les innovations marketing augmentant les achats impulsifs. Les autres groupes utilisent les mêmes ficelles pour dresser les clients : une armée de sociologues et de psychiatres déterminent ce qui nous pousse à acheter pour pouvoir ensuite instrumentaliser nos réactions.
I comme Invasion.
Les sectes ont inventé le bombardement émotionnel, la pub invente le bombardement par des messages non sollicités. Les experts du phoning ont toute une panoplie pour forcer ta volonté comme le piège de la fausse alternative (on se voit jeudi ou vendredi ?). Les webistes ont inventé le spamming, histoire de te bourrer la tête, mais bientôt t'auras de la pub au milieu de tes appels téléphoniques. Imagine : tu déclares ta flamme et au beau milieu de tes roucoulades une petite pub pour une marque de briquet ou pour du Viagra, etc. Bien sûr, tu seras pas obligé, mais faudra payer plus pour pas être violé. La Poste inonde ta boîte aux lettres avec 18 milliards de pubs par an tout en sachant que 47 % n'aiment pas cela, que 38 % n'en ont rien à faire.
J comme Jeunisme.
La pub aimerait les jeunes au mépris des vieux. Les valeurs collées au jeunisme font davantage vendre que celles de l'âge. On imagine mal aujourd'hui une crème pour favoriser les rides. Ce jeunisme est en fait un déni d'enfance car elle rabat l'enfant sur le client : on expose le corps de gamins dénudés, on déguise des gamines en objets sexuels, on fait croire aux gamins que le bonheur est à vendre. Les services télématiques pour gosses se développent avec numéros surfacturés pour des conseils du type "100 % Boys", "Mega flirt line". On suggère d'avoir l'accord des parents ou "téléphone d'une cabine".
K comme Kulture.
La pub, c'est l'inverse de la culture qui humanise. Elle est au service des pulsions les plus morbides, des fantasmes les plus moches. Culte de la mort, de la toute-puissance, de la purification. La pub, c'est l'antitravail par excellence, l'antifamille par excellence. Le bonheur, c'est simple comme un coup de fil, la vie, c'est Auchan. Moulinex libère la femme et Disney nous fait le coup de la famille. Papa et ses gosses sont chez Disneyland mais c'est papa qui fait du manège et c'est l'enfant qui lui fait un petit coucou rassurant. Un Disneyland, ça va, deux et bientôt trois parcs, bonjour les dégâts ! Et si la violence dans les écoles, c'était un peu la rançon de cette régression ?
L comme dégradation du langage.
La pub tue toutes les langues. Elle a seulement besoin de quelques messages simplistes à l'échelle planétaire. Elle valorise ses produits en leur collant une pseudo-identité. La loi du 4 août 1994 impose pourtant l'usage du français dans la pub écrite, parlée et audiovisuelle, sauf pour les produits typiques. Mais que fait le BVP ? Le CSA a dû sévèrement le rappeler à l'ordre comme un mauvais élève ! Il paraît qu'on peut pas faire autrement ! C'est à cause de la mondialisation, c'est à dire du Dieu fric-frac ! Défendre sa langue, c'est pourtant défendre le droit de comprendre.
M comme Morbide.
La pub entretient un rapport intime à la mort. Elle repose sur l'idéologie de la consommation-destruction de toutes choses. Elle transforme en objets les humains ou leurs sentiments : Kronenbourg fait les copains, Yoplait fait la tendresse, Câlin de Chamboursy, "Perrier, c'est fou", "avec Badoit, y'a de la joie", "Evian l'équilibre", etc. Elle fantasme que ses produits, ce seraient comme des humains : Grand-Mère qui fait du café, Germaine qui fait des pâtes Lustucru, Tartes Julie, Tante Marie, Père Dodue, Manie Nova, Oncle Bens, etc. La pub ne fonctionne pas toujours avec des images de rêve et de plaisir. Elle utilise de plus en plus des images chocs soit pour s'en démarquer (grâce à telle voiture, vous échapperez à la mort), soit pour choquer. Benetton s'était spécialisé dans cette stratégie : bébé ensanglanté et encordonné, figures de guerres et de massacres, mourant atteint du Sida, etc. Cette stratégie ne prend pas le contre-pied du monde enchanteur de la pub, elle emprunte "seulement" (?) l'autre face : exhiber ce qui est généralement sous-entendu (le malheur, la souffrance) et cacher ce qui est d'habiture exhibé (le produit, le bonheur). La leçon reste cependant la même : le bonheur ? Un bien de consommation ! Cette stratégie est doublement perverse car, en voulant tout montrer à l'état brut, elle finit par détruire le symbole lui-même, elle tue l'art. Elle subvertit également les valeurs humaines qui se trouvent mises au service exclusif du profit. Le but, c'est tout de même de vendre.
N comme Néophage.
La pub vit du renouvellement des produits. La pub vend de la nouveauté plutôt que de l'authentique ou du nécessaire. Elle transforme les traditions en archaïsmes, les valeurs en modes. Le hic, c'est que la mode, c'est par définition ce qui se démode (sic). La mode concernait au départ des domaines limités, elle s'étend à tout. Il existe même des stratégies d'éphémérisation des produits pour les rendre plus fragiles, pour préparer l'acheteur à de nouveaux achats : laques qui vieillissent mal sur l'électroménager, pièces fragilisées, etc. Et si, au lieu de changer sans cesse pour de faux, on changeait enfin pour de vrai, le culte de la nouveauté contre l'esprit de la révolution.
O comme Objet.
La pub fait croire que vivre c'est surconsommer. Elle joue pour cela avec les pulsions les plus archaïques des personnes : consommer toujours plus pour compenser la perte du sein maternel. N'est-il pas des façons plus humaines de compenser cette perte ? Pourquoi pas l'amour, l'amitié, l'activité créatrice, les utopies ?
P comme Politique.
La pub serait au service de la démocratie. C'est sans doute pour cela que les dictateurs font appel à ses services pour se donner une bonne image auprès de leur population ou des autres états. Dans les vraies démocraties, la pub tue aussi toute possibilité de débats. Les conseillers en communication n'ont de cesse de faire grossir la masse des électeurs flottants beaucoup plus influençables. Leur solution ? Dénoncer le poids des partis et des idéologies figées. La pub est toujours un déni du politique, qu'elle l'évite comme avant la chute du mur de Berlin ou qu'elle l'exploite en singeant ses slogans et rites : "Parce que la FNAC prend parti pour vous, prenez la carte", "Elles veulent être élues au suffrage émotionnel. Boléro soutient les femmes" ; Peugeot : "Rejoignez notre mouvement" ; Quick détourne, lui, la main de Touche pas à mon pote pour clamer "le droit à la différence", Mondial Scooter y va de sa petite profanation de l'histoire pour mieux sacraliser sa marque : "Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais... Paris libéré."
Q comme Quadrillage.
La population n'est qu'une réserve d'acheteurs. La pub ne veut connaître de différence ni de culture, ni de sexe, ni d'âge, etc. Elle psychologise les clients comme les pays totalitaires psychiatrisaient les dissidents. Puisque la demande solvable est prise en compte, cela veut dire que seuls les (besoins des) riches existent. Le Centre de Communication Avancée (CCA) du groupe Eurocom-Havas a élaboré depuis 1989 une typologie des consommateurs types afin de parvenir à vendre les mêmes produits par-delà les cultures : " L'Europe des styles de vie y est traitée comme un parc zoologique (...) le vieux continent est peuplé de "chats de gouttière", de "hérons", de "colombes", d'"éléphants", de "renards", d'"écureuils", de "hiboux", de "requins", de "mouettes", d'"albatros", de "loups", de "blaireaux" et d'"otaries". Les "chats de gouttière" vivent au-dessus de leurs moyens, s'offrent des produits de beauté, des sorties et des loisirs au détriment de l'alimentation de tous les jours ; ils aiment la publicité de type "hollywoodien" en couleurs, brillante " (A. Mattelart, M. Palmer).
R comme Résistance.
Le secret du système, c'est de nous avoir convaincus de notre impuissance. La résistance s'organise pourtant. Réclamons des courts-métrages à la place des pubs imposées au ciné. écrivons aux régies de transports pour nous plaindre de la pub dans les bus. Retournons à l'envoyeur avec mention "refusé, courrier non sollicité" toute pub adressée, le tout, bien sûr, sans affranchissement. Rendons à la poste les milliers de pubs dont elle inonde notre boîte, demandons à France-Télécom notre inscription sur la liste "safran", etc. La pub tue l'imagination. La résistance à la pub la libère. Libérez-vous !
S comme gros sous.
La pub c'est 92,4 milliards de francs de marché. Sa croissance est trois fois plus rapide que celle du reste de l'économie. Elle a dépassé cette année pour la première fois 1 % du PIB. Chacun de nous travaille l'équivalent de 2 500 F par an pour être manipulé.
T comme télévision.
La pub envahit la TV : pages de pub, coupures des films, pseudo-variétés servant surtout à vendre des marques. Les Tortues Ninja mangent des Pizzas Dominos, des Burger King et boivent du Pepsi. ET, ce foetus venu d'ailleurs, s'empiffre de Reese's Pieces ; le film les Visiteurs, c'est un bon voyage au pays des marques. Un gosse subit 40 000 pubs par an, souvent pour des produits malsains. La pub était autrefois interdite à la TV pour des questions d'éthique. La première réclame en France date de 1959 pour des pubs sans marque (du type "changez de cravate, une cravate vous changera"). La première vraie pub pour une marque date donc du 1er octobre 1968, mais la pub restait encore interdite à la TV les dimanches et durant les jours fériés. Il est encore interdit en Grèce de faire de la pub pour des jouets à des heures où un gosse peut se trouver normalement devant son poste. Eh oui, il peut exister d'autres valeurs que celles du marché, de la "gagne".
U comme Uniformisation.
La pub, c'est l'idéologie du système libéral. Elle a une double efficacité : celle directe et incertaine pour le produit vendu, l'autre indirecte mais plus solide pour cimenter le système. Elle diffuse l'idéologie du bonheur par soumission à la consommation : consommation des objets, des autres personnes et de soi-même. La logique de ce système tend donc à une standardisation généralisée. Même les plus chauds partisans du système doivent l'admettre : le Code de Bonne conduite de Prodimarques lance ainsi un appel pour s'opposer à cette uniformisation généralisée des emballages, des conditionnements et des produits vedettes de notre époque. Nestlé, Heineken, Gillette, Kellogg's, Lesieur, Suchard, l'Oréal, Lu, etc. au service de la bio-diversité, du respect des cultures : quel lapsus ! Le concept de globalisation a été imaginé aux états-Unis par le professeur d'Harvard Théodor Levitt puis repris par l'agence de pub Saatchi pour justifier les campagnes marketing banalisantes et appauvrissantes : "Vendre, avec un même slogan et une même image, un même produit dans un même emballage à travers le monde entier" (sic) ; "La grande barrière, aujourd'hui, ce n'est pas l'argent ni les programmes, encore moins la technologie. La grande barrière est réellement celle de la Loi et de la politique. Ces lois sont comme des piquets de clôtures tendues entre les nations, empêchant le libre flux de l'information. Il faut que les publicitaires du monde entier et les entreprises désireuses de développer les médias fassent alliance pour les communications mondiales. Les partisans du mégamarché mondial doivent faire usage des instruments de pouvoir, des relations publiques et de la politique pour renverser ses barrières" (M. Eger, ancien vice-président de la chaîne EBS et ancien conseiller de Richard Nixon, président des états-Unis).
V comme Ville défigurée.
La pub, ce serait le soleil de nos villes. Tristes banlieues pourtant, faites de zones commerciales identiques. Comment savoir où l'on est devant ces mêmes entrepôts hideux ! Paysages de France a du pain sur la planche pour faire respecter la loi puisque la moitié des panneaux publicitaires implantés seraient illégaux ! Cette appropriation de l'espace public est une véritable profanation : des banderoles publicitaires tractées par des avions sur les plages jusqu'aux rayons lumineux comme ceux qui signalent les Buffalo Grill, véritable pollution visuelle qui nous empoisonnent des kilomètres à la ronde !
W comme World-company.
La pub, c'est le luxe des plus gros. Le marché mondial de la pub est concentré dans les mains de quelques géants. Ne pas limiter la pub, c'est choisir les gros contre les plus petits, c'est préférer les transnationales de la mal-bouffe à l'agriculture paysanne. Le marché est toujours plus concentré dans les mains de quelques géants. La pub c'est une véritable métaphore de la jungle libéraletotalitaire.
X- Y : la pub est sexiste mais est-elle sexuée : phallus ou inceste ?
La pub joue sur l'image du père tout-puissant puisqu'elle vend du bonheur, puisqu'elle promet la jeunesse éternelle ou l'immortalité. Elle va cependant encore plus loin dans la régression puisque ce qu'elle propose, c'est une véritable fusion incestueuse avec le produit.
Z comme Zéro et comme Zeste.
La pub, c'est zéro comme le symbole mathématique, elle n'a pas de valeur en soi mais, placée au service d'une marque ou d'une idéologie (n'importe laquelle) elle fait des ravages. La pub, c'est zéro mais ce n'est pas seulement insignifiant et chiant. La pub, c'est toujours un zeste de connerie, un zeste d'accoutumance. Jacques Blociszewski écrivait dans le Monde diplomatique de mars 1993 que la pub rejette systématiquement ses opposants dans le clan des "pisse-froid", des "tristes-sires" et des "rabat-joie apocalyptiques" (sic). Elle révèle donc ainsi son fonctionnement totalitaire puisqu'elle ne peut supporter la contradiction : elle excommunie ses opposants en les psychologisant en attendant de pouvoir les psychiatriser. On a déjà, grâce à elle, ceux qui "positivent" (merci Carrefour !) et les méchants qui "négativent". Si tous les "pisse-froid" pouvaient se donner la main, on vivrait déjà un peu mieux !
La pub ou l'anti-culture
par Paul Aries
"Le problème principal, ce sont les systèmes culturels de ce monde, qui sont tellement différents"
Anton Schneider, directeur de Boston Consulting
La pub n'est pas une nouvelle culture, c'est l'anti-culture par excellence. La culture, plus on la fréquente tôt, plus on devient un adulte autonome. La pub, plus on y est soumis tôt, plus on en devient un adepte "accroc". C'est pourquoi, la pub est doublement régressive car elle ne peut être efficace qu'en visant les fantasmes, les pulsions de tout un chacun et parce que pour infantiliser les adultes autant commencer par les enfants. Les marques tentent ainsi de fidéliser les enfants avant l'âge de deux ans. Ce dressage des plus petits n'a rien en soi de naturel ou de légitime : il y a encore vingt ans, il était interdit, en France, d'utiliser directement des gosses pour vendre des produits et il est toujours interdit, en Grèce, de passer des pubs pour des jouets aux heures où ils sont devant la télé...
On sait combien c'est facile d'exploiter commercialement les rêves des gosses. Un enfant ne fait pas la différence entre une pub, une fiction, la réalité. La pub n'est pas seulement un supplément d'âme dont a besoin le système. Elle lui est indispensable à la fois pour vendre tel produit mais au delà pour faire régresser les individus au niveau de leurs fantasmes basiques. La culture avait pour fonction de museler ces fantasmes, ces phobies, pour nous rappeler que nous ne sommes pas tout-puissants, qu'on a besoin des autres et qu'aucune chose ne peut remplacer et combler ce désir de l'autre. La globalisation en cours appelle l'envahissement généralisé de la pub.
McDo n'existerait pas s'il ne pouvait nous bombarder de ses messages : il en a besoin pour balayer des siècles d'histoire, d'humanisation des pratiques alimentaires, de respect des figures parentales et des identités. La pub reste (pas pour longtemps ?) interdite de séjour dans les écoles. La protection des enfants passe pourtant aussi par le refus de les y soumettre. Les marques existent certes depuis longtemps mais avec un sens différent. On était autrefois fidèle à une marque parce qu'on croyait (à tort ou à raison) que ses produits étaient meilleurs, plus résistants, plus efficaces. La réclame visait à nous convaincre par des arguments pseudo-rationnels. L'attachement actuel aux marques se nourrit en revanche d'irrationnel parce qu'il vise, avant tout, à réaliser une identification primaire.
L'enfant qui exige des produits de telle marque ne justifie plus son choix par leur qualité (réelle ou fausse), mais par le seul attrait de leur nom (signe). On veut lui faire croire qu'il va obtenir, à travers lui, une identité propre. Les cultures spécifiques déclinent pour céder la place à cet ersatz culturel. Les jeunes des banlieux ne sont pas, à cet égard, insuffisamment intégrés mais beaucoup trop intégrés au système des marques, à la consommation. Cette recherche d'identification par le marché est génératrice de violence car il s'agit non seulement d'une mise en échec (comment se payer ses produits de marque) mais aussi d'un véritable marché de dupe : on ne peut jamais obtenir un équilibre social ou psychique en s'identifiant à la pub : on veut être un fil de pub comme les autres en exhibant sa conformité. L'enjeu est important : comment se définit-on ? Quelle est son identité ?
Nos grands parents portaient souvent des insignes religieux, nous, nous portions plus des insignes politiques, nos enfants portent des marques : on a des enfants Nike, des enfants Benetton, des enfants McDo ou Coca ! Essayez de faire enlever une casquette dans certains lycées : impossible car c'est vécu comme une violence, le viol de l'identité même du jeune.
La pub est parvenue à s'emparer des identités, à les manipuler et trafiquer. Ce n'est pas par hasard que le racket ne concerne que les marques, c'est bien une preuve de plus que le marché secrète en lui-même la violence. La pub doit pour rabaisser les personnes au rang de consommateurs inverser le profane et ce qui était considéré jusqu'alors comme sacré : elle profane les sentiments, les identités, les valeurs, les engagements. Elle nous vend de l'amour, de la tendresse, de l'amitié, de la générosité. Elle sacralise parallèlement le plus profane : "on se lève tous pour Danette" ! Mais devant quoi se lève-t-on si ce n'est devant un (nouveau ) Dieu ? La pub enlève toute dignité à l'humain pour la transférer à la marchandise. C'est elle qui fera de vous quelqu'un, sinon vous appartenez à la masse.
Comment la pub représente-t-elle les consommateurs, bref les humains ? Tel constructeur automobile vous imagine en troupeau de mouton, tel autre nous voit parqués uniformément comme des places de parking. La vie sans marque serait celle de la grisaille, vaudrait-elle d'être vécue ? L'humain est identifié à un mouton, à une chose banalisée, inexpressive. Merci à Renault de nous faire sortir du troupeau, Merci à McDo d'exister. C'est le produit qui créé la surprise, qui singularise et non plus l'humain. C'est le produit qui rend libre, qui rend irrésistible, qui rend tout-puissant. La société vue par la pub est celle de la grisaille et de la monotonie. Vous ne pourriez plus rien pour vous, pour votre liberté, votre bonheur ; si ce n'est bien sûr en vous identifiant à des marques qui vous donnent un sens. La consommation de marque créerait seule un sentiment d'existence. Encore devrait-elle porter seulement sur son nom ou son logo et non sur l'utilité véritable de l'objet : une casquette Nike c'est d'abord son logo !
Cessons de croire que tout cela n'est pas grave, qu'on a un second degré. Ce n'est pas vrai que les jeunes s'approprient la pub pour la désarmer. La réclame cherchait auparavant à parler comme les gens, aujourd'hui ce sont eux qui singent le pub, qui reproduisent ses gestes, répètent ses formules. La pub, c'est une monstrueuse opération de formatage qui vise à faire régresser l'individu jusqu'au niveau de ses images les plus archaïques : on se croit, grâce au marque, tout-puissant, on devient un killer (tueur). On en libère pas ces archaïsmes sans dommage individuel et collectif. L'individu profané par le marché n'a pas d'autre solution que de s'identifier à une marque, ou plutôt à cette part d'humanité qu'elle croit vendre. "Loréal parce que je le vaux bien", Kronenbourg pour avoir des amis, etc. La pub en jouant sur le mimétisme enfantin développe une sorte de normopathie c'est à dire un besoin infantin de se soumettre à des normes. Elle tue l'imagination et la créativité chez les individus et les peuples.
La pub si soft en apparence a pour cousine la propagande la plus hard. Elle est donc la fille d'un nouveau totalitarisme dans ses moyens et ses buts. La pub ne repasse pas pourtant les plats du nazisme et du stalinisme. Elle est bien plutôt ce dont a besoin la société des "deux dixièmes" c'est à dire celle, de demain, où 20% de la population mondiale suffira à faire fonctionner l'économie et où il faudra s'occuper des 80 % restant. Faut-il rappeler la proposition immonde de Zbigniew Brzezinski - ancien conseiller de Jimmy Carter et fondateur du club très fermé de la Trilatérale - de créer sous le nom de tittytainment (de tits, les seins en argot américain et de Entertainment pour divertissements) un "cocktail de divertissement abrutissant et d'alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète" ? On sera alors très proche de la Rome Antique (du pain et des jeux) puisqu'elle permettra le décervelage et l'endormissement de milliards d'humains.
Le "je positive" de Carrefour prendrait alors toute sa véritable signification. la pub est donc bien au delà de sa fonction commerciale immédiate un enjeu véritable car elle participe à tout ce qui fait régresser l'humain. Elle est ainsi ce qui permet de rabaisser les personnes au rang de simple consommateur qui commence par consommer des produits puis consomme ensuite d'autres humains (management moderne, violences sexuelles) et finit par se consommer lui-même (dopage, sectes). La résistance contre la pub est aujourd'hui un véritable enjeu citoyen : Les lycéens américains ont montré l'exemple en menant des grèves contre les programmes de pub obligatoires tous les matins dans certains Etats. Il faut préserver l'espace public en imposant déjà le respect des règles. Il faut former les enfants à la lecture (critique naturellement) des pubs.
Paul Aries
La publicité, tueuse de la planète.
par Anne Rabhiria
Nous venons tout juste de quitter le XXe siècle. Au cours de ce siècle, la planète a vu sa population multipliée par quatre. De 1 milliard et demi en 1900, nous allons passer à 7 milliards en 2006. Durant le siècle écoulé, la consommation d'énergies et de matières premières a explosé. Mais cette consommation est très inégalement répartie : un cinquième de la population, les pays riches, s'accapare 80 % des ressources naturelles de la planète. L'accroissement du niveau de consommation se démultiplie avec le nombre toujours accru d'individus. La conséquence est une explosion de la pression exercée par l'humanité sur la planète. Cela se traduit, par exemple, par l'effet de serre, qui augmente la température du globe et entraîne des catastrophes climatiques. Toujours à l'échelle de la Terre, cette démultiplication de la consommation risque de se conclure par la fin de la majeure partie des ressources fossiles au cours du présent siècle : il reste, au rythme de consommation actuel, 41 années de réserves prouvées de pétrole, 65 années de gaz, 55 années d'uranium. Contrairement au XXe siècle, nous consommons désormais plus de ces ressources que nous en découvrons de nouvelles. De plus, Il est prévu, d'ici à 20 ans, un doublement du parc automobile mondial ainsi qu'un doublement de la consommation énergétique mondiale. Enfin, plus nous approchons du terme des ressources, plus celles-ci sont difficilement extractibles.
C'est la première fois, depuis environ 100 000 ans que l'humain est sur Terre, qu'il menace la planète à l'échelle globale et par là même sa propre survie. Mais des civilisations ont déjà péri sur notre planète après avoir pillé et détruit leur environnement. Les habitants de l'île de Pâques en sont un exemple célèbre. La Terre, la biosphère, arrive aujourd'hui au bout de ce qu'elle peut nous donner, nous touchons le terme de sa capacité d'absorption de notre expansion. Pourtant, la sauvegarde de la planète conditionne tous les autres problèmes. La Terre fortement altérée, nous n'aurions alors plus de problème de chômage, d'éducation, de culture, d'économie, car nous aurions disparu. Une analyse rationaliste simple amène rapidement à intégrer que nous ne pouvons sans cesse accroître notre consommation dans un écosystème où les ressources sont limitées. La plus simple justice exigerait un partage équitable des ressources entre tous les habitants de la Terre, donc une réduction de la consommation des habitants des pays riches. Aujourd'hui, même pour des raisons égoïstes, et tout simplement pour nous sauver, notre intérêt est d'apprendre très vite à consommer mieux, pour consommer moins, afin de soulager l'écosystème.
Or, nous nous trouvons dans une société délivrant, de manière continuelle et de façon unilatérale, le message à l'exact opposé. La publicité nous dicte son idéologie de consommation, directement, ou de manière détournée au travers des médias qu'elle possède (en France, seuls deux journaux grand public, le Canard enchaîné et Charlie Hebdo, n'ont pas de pub). Elle nous répète inlassablement, en envahissant tous les espaces vierges, que rien n'existe en dehors de la consommation, que notre raison d'être et notre seule façon d'exister est de consommer sans cesse plus, frénétiquement. Si la réclame vantait les mérites d'un produit - " Les pantalons Michel sont solides et pas chers " - la publicité, elle, délivre un message idéologique : " Pour être une personne moderne, bien dans sa peau et la société, vous devez porter un pantalon Green River. " La publicité est ainsi progressivement passée du rang d'information commerciale au statut de système de propagande, véhiculant l'idéologie de la croissance, du progrès, de la technoscience, du nouveau. Produite par les multinationales, elle possède des moyens à la hauteur de ces firmes : le chiffre d'affaires de Général Motors est le double du PNB du Venezuela. Si nous voulons nous sauver d'une catastrophe écologique globale, la première étape devra être de mettre la publicité hors d'état de nuire .
Mais le danger que contribue à faire peser la publicité sur l'écosystème, et par là même à la survie de l'humanité, doit-il être notre unique motivation pour réagir ? Non, si nous devons d'abord la combattre, c'est avant tout dans un souci humaniste. Car la publicité véhicule un message qui par essence nie ce qui fait notre qualité d'humain, c'est-à-dire la recherche de sens. Comment vivre bien, pleinement, au quotidien quand le discours dominant réduit incessamment notre existence à la consommation et à l'argent ? La publicité est par nature l'antiphilosophie. Elle n'a de cesse de nous déshumaniser pour mieux nous marchandiser. Elle exclut d'emblée toute valeur non marchande. Elle exacerbe continuellement nos pulsions de possession, de domination, de jouissance immédiate. Elle flatte le pire côté de l'humain. Au contraire de la chose amusante et anodine décrite par ses promoteurs, elle constitue un enjeu de civilisation majeur. Les antivaleurs qu'elle prône sont directement responsables de notre manque d'appétit d'exister pleinement. La publicité engendre une civilisation mortifère ou les individus, réduits à l'état de consommateurs, deviennent inaptes à réformer la société. Les violences des banlieues, le sexisme, l'égoïsme, une grande part du mal-être propre à nos civilisations, le culte du fric et ses conséquences sociales dramatiques... trouvent largement leur source dans son message. Quant à ceux, toujours intéressés, qui rêvent de faire de la pub " éthique ", ils ne font que cautionner le système et l'encouragent d'autant.
La réponse à la crise écologique procède de la même logique : si nous devions réagir de façon purement scientifique face à la menace qui pèse sur la biosphère, nous amènerions immanquablement une réponse qui se solderait par un échec. Si nous sommes incapables de poser un regard humaniste sur le monde, si nous restons passifs devant l'injustice sociale, devant l'affaiblissement de la démocratie, devant le fléau automobile, devant le supermarché qui tue la vie de la cité ou encore face un élevage industriel, nos solutions réduites à la technique ne seraient alors que la préface au Meilleur des mondes. Seul un regard sensible et humain peut être porteur d'un avenir désirable.
Mais qu'il est douloureux de s'extraire d'un conditionnement idéologique ! Cela exige d'abord une remise en question individuelle. Lorsque le mouvement écologiste tire la sonnette d'alarme face à l'épuisement des ressources naturelles, les prisonniers de l'idéologie du progrès et de la technologie clament en choeur : " On trouvera autre chose ! " Un argument symptomatique de ceux qui croient et ne doutent plus, révélateur d'une pensée établie sur une idéologie, c'est-à-dire sur un système niant la réalité au profit d'une construction intellectuelle.
Alors comment résister à l'idéologie publicitaire ? Cela passe par un aspect réglementariste : le politique. Mais si son rôle est fondamental, celui-ci ne pourra que partiellement contrer ce système de propagande, sous peine de sombrer dans le totalitarisme. La majeure partie de la solution réside dans une évolution vers des modes de vie qui ne laissent pas ou peu de prise à la publicité. Nous devons d'abord refuser la société de consommation, la voiture, la télévision, les grandes surfaces, le tourisme de consommation... au profit d'un mode de consommation sobre, de la bicyclette, de l'autoproduction alimentaire (le potager), de l'engagement politique, de la poésie. Soit un mode vie à l'exact inverse de celui prôné par la publicité. Un mode de vie qu'elle décrit évidemment comme ringard, passéiste... et qui, comme par hasard, est le seul qui pourrait nous permettre de vivre bien, pleinement, joyeusement et longtemps sur ce petit vaisseau spatial biologique fragile qu'est la planète terre.
L'utopie ?
par Denis Cheynet
"Vivre sans voiture, sans télé ? Mais c'est de l'utopie !"
"Consommer moins ! Et puis quoi encore ! Tu veux revenir en arrière ? Allez, soit raisonnable !"
"Arrête de rêver, tu ne peux pas changer le monde."
Avez-vous déjà entendu ces réflexions ? Si oui, c'est que vous êtes un utopiste, une personne qui n'accepte pas le monde tel qu'il est et qui croit pouvoir le faire évoluer. Vous êtes totalement immature, dénué de bon sens et de raison. La société dans laquelle nous vivons ne saurait tolérer un extrémiste de votre genre qui philosophe pendant que les autres travaillent et s'occupent d'élever correctement leurs enfants.
Mais qui est utopiste ? Les quelques personnes qui prennent conscience du gaspillage de nos ressources où les publicités qui nous font croire que l'on peut toujours consommer plus dans un monde aux limites finies ? N'est-ce pas une utopie de penser que nous pouvons tous rouler en voiture alors que la fin des réserves pétrolières sont prévues pour 2040 et que l'on commence à mesurer les conséquences de l'effet de serre ? Avons-nous le droit de penser que le bonheur passe par l'acquisition toujours croissante de bien matériels alors qu'une grande partie de la population mondiale meurt de faim ? Pouvons-nous penser que notre civilisation occidentale est raisonnable alors que nous ne sommes que 20% de la population mondiale à consommer 80 % des ressources de la planète ?
Il faut avoir une bonne part de bon sens et de raison pour mesurer l'importance des dégâts qu'engendre de manière croissante notre boulimie de consommation. Il faut avoir du courage pour accepter le monde tel qu'il est. Cela n'est pas facile de sortir de la masse et de soulever des idées qui bouleversent nos habitudes, notre désir d'individualité et notre confort matériel. Il n'y a qu'une seule terre. Autant faire en sorte de ne pas la détruire et de ne pas la laisser en trop mauvais état aux suivants. Nous devons nous inscrire dans la durée et la globalité du monde. Cela n'est pas chose aisée lorsque notre modèle économique nous pousse à vouloir toujours plus et nous masque les conséquences de nos modes de vies à long terme.
Il faut être complètement aveugle et immature pour penser que la terre va supporter encore longtemps la folie humaine. Il faut être complètement déraisonnable pour penser que la croissance peut-être infinie, que nous pouvons posséder toujours plus de biens matériels alors que les ressources de la planète sont limitées. La publicité, les médias, notre éducation, tout tend à nous conforter dans cette douce innocence. Consommez, consommez, vous serez heureux et tout ira bien ! Nous sommes rendus aveugles et sourd par le matraquage publicitaire et l'idéologie consommatrice qui ne laisse aucune place aux messages non rentables économiquement. Quelle chaîne de télévision aurait le courage de parler des méfaits de l'automobile entre deux spots publicitaires ventant les mérites du nouveau V6 à injection ?
Alors sortons de cette utopie qui berce notre monde. Ayons le courage d'ouvrir les yeux et de regarder les choses en face. Cela ne signifie pas que nous "reviendrons en arrière", que nous serons malheureux et ternes. Au contraire, cela nous donnera le courage d'aller de l'avant, de donner un sens à nos vies et nos désirs. Vivons pleinement, vivons heureux, mais pas n'importe comment. En tant que doux rêveur, je crois en une croissance infinie de nos joies et de la plénitude de nos vies. "
Ô tempora ! Ô mores !
Quelques adresses
Casseurs de pub
Adbusters
Résistance à l'agression publicitaire
Rap
Quelques citations
"La publicité c'est quatre-vingt-cinq pour cent de confusion et quinze pour cent de commission "
Fred Allen
" La publicité, c'est l'art de stopper l'intelligence humaine assez longtemps pour lui soutirer de l'argent "
Stephen Leacock
"La publicité pousse les gens à ne pas se fier à leur jugement ; elle leur apprend à être stupides" Carl Sagan
"La pub c'est l'organisation du mensonge" Daniel Boulanger
Aux agressions de la radio et de la télévision j'ai trouvé depuis longtemps la parade. C'est de couper le son. A la radio l'effet est évident ; à la télévision c'est également très efficace. Faites l'expérience ; coupez le son d'une pub et vous constaterez que la pub perd immédiatement ses aspects les plus nocifs. Elle n'agresse plus et vous permet de penser à autre chose. Quand aux images, avec la manie qu'ont les réalisateurs de produire des images n'ayant aucun rapport avec la pub, ça en devient presque reposant. En fait cela produit un espèce de screensaver aux belles couleurs qui remplace avantageusement l'aquarium à poissons. Et il n'y a pas besoin de changer l'eau !
Pourquoi ne pas simplement zapper sur une autre chaîne me direz-vous ? Tout simplement parce que sur les autres chaînes c'est la même chose ; la pub y sévit également. C'est pourquoi je ne suis pas un zappeur. Je suis un mutant (de "mute" le bouton qui coupe le son sur les télécommandes) De plus, je n'ai pas un grand respect pour les zappeurs : ils me rappellent furieusement ces gens qui ne regardent dans les journaux que les images.
Pourquoi cette haine de la pub ? Je vais vous donner mes raisons, puis je laisserai la parole à des spécialistes beaucoup plus calés que moi sur la question.
Avant tout, la publicité est un insulte répétée à notre intelligence. Comment peut on s'imaginer que, parce qu'une pub pour shampoing est basée sur la vision insistante des charmes d'une jolie femme, nous allons acheter ce shampoing. Comme si la jolie femme était fournie avec le shampoing. Et d'abord je suis chauve !
Vous me direz que ce genre de pub s'adresse à la ménagère de moins de 50 ans et pas à moi, chauve de plus de 50 ans. Et alors ? la ménagère de moins de 50 ans serait stupide ? De toutes façons les pub pour les voitures utilisent le même genre de ressort et celles là, en principe, s'adressent bien à moi .
Par ailleurs il faut tout de même savoir que cela fait 50 ans qu'en France on fait les mêmes publicités. En utilisant les mêmes grosses vieilles ficelles, et en faisant preuve du même mépris pour le consommateur. Il n'y a aucune différence, si ce n'est du point de vue de la technique, qui a certes évolué, entre une pub des années 50 sur Monsavon et une pub sur le savon Machin des années 2000. Les deux sont d'une bêtise crasse. Ce qui, vous l'avouerez, est un comble pour des produits dédiés à l'hygiène.
J'ajoute que, le plus souvent, la publicité française manque totalement d'humour. Tout simplement, aux dires de ces messieurs de la pub eux-mêmes, parce que les annonceurs français sont très frileux et refusent obstinément toutes les pubs qui pourraient paraître un tant soit peu anticonformistes. Le meilleure preuve en est que dans les concours internationaux de pub, la France est généralement très mal classée. L'esprit français, que le monde nous envie, est incompatible avec la publicité. C'est pourquoi la pub en France est commise par des besogneux prétentieux, bornés, avides, machos et totalement dénués d'humour. Et oui M. Seguala on aurait du le dire à votre mère ; entre un bordel et le monde de la pub, on peut effectivement se tromper !
Ensuite, la pub me dérange. Lorsqu'il m'arrive, exceptionnellement de regarder un film sur TF1 ou TF2 (jamais vu la différence) la ou les coupures publicitaires me rendent fou furieux. C'est pour cela que je ne regarde pas la télé hertzienne, mais uniquement les chaînes satellites. Les coupures et la pub y sont beaucoup moins envahissantes. Comme le dit si bien le slogan ; je ne regarde pas la télé, je regarde Canal Satellite.
Enfin j'ai eu la chance, en dépit de mes origines plus que modestes et grâce à Jules Ferry, de bénéficier d'une éducation comme on en faisait dans les années 60. A savoir qu'à 14 ans j'avais lu presque tout Balzac et que, sans être jamais sorti de mon quartier, j'avais appris le monde dans les livres. De mon temps (Oh oui grand père, raconte nous les années 60 !) on se cachait sous les draps pour lire tard dans la nuit, en cachette de ses parents. Bref, pour beaucoup de mes concitoyens de l'époque, la culture n'était pas un vain mot.
Elle était obligatoire à l'école et même, les jeunes ne me croiront pas, à la télé de l'époque. Les Perses en prime time c'était tout de même autre chose que le Bigdil ! Et on peut dire ce qu'on veut de Pierre Bellemarre c'est tout de même autre chose que Lagaff. Je rappelle à l'occasion qu'à l'époque la pub, comme les jeux de hasard, était interdits à la TV pour "cause de moralité" !!! J'ai pu constater que du jour où ces deux saletés ont été introduites à la Télé la qualité a dégringolé jusqu'à aboutir aujourd'hui à Loft Story et ses zombies décérébrés. Pardon pour le pléonasme mais je tenais à insister.
Ce que je voulais dire, avant d'être interrompu par moi même, c'est qu'il me semble que la seule culture des jeunes d'aujourd'hui'hui, c'est essentiellement la pub. Ainsi, les articles suivants vous le démontreront, la pub est arrivée à lobotomiser une bonne partie de notre population d'aujourd'hui, qui n'a plus de culture (Hugo ? c'est qui ce bouffon ? Qu'est ce qu'il vend ?) Plus de langage si ce n'est une accumulation d'interjections standardisées, plus d'orthographe, et plus de références communes, hormis la pub.
N'ayant plus de culture et soumis au bombardement intensif de la télé trash et de la pub beaucoup de gens, dont les plus fragiles à savoir les jeunes, ne pensent plus par eux mêmes, et sont capables de tuer pour un pull Benetton ou des lunettes Oakley. J'exagère à peine car il est sûr que la pub n'est pas étrangère à la violence de nos sociétés actuelles.
Dans de telles conditions il n'est pas étonnant que des communistes votent Fhaine et que nombre de français ne fassent désormais aucune différence entre la gauche et la droite.
Je pense véritablement que le plus grand responsable de la société de merde dans laquelle nous vivons maintenant c'est avant tout la pub. Et qu'est ce que la pub sinon le valet aux ordres de la mondialisation, c'est à dire de l'ultralibéralisme ?
Rappelons que naguère, en 1968 exactement, j'y étais, des millions de jeunes se sont révoltés contre la société de consommation. Cela fut rendu possible parce que la pub commençait à peine à s'installer. De nos jours les jeunes ne contestent plus ; à la rigueur ils cassent, mais ils ne discutent plus. Ils n'ont plus de problème d'intégration, ils sont tellement intégrés au système que les publicitaires sont désormais capable de prédire avec certitude le moindre de leur comportement. Et d'en tirer de substantiels bénéfices.
Entendons nous, je ne reproche pas à la pub de répéter partout que tel produit est le meilleur dans sa catégorie, c'est son boulot. Je lui reproche de convaincre une bonne partie des gens que sans le produit Machin ils ne sont rien.
Orwell nous avait prédit Big Brother pour 1984. Nous y sommes. La seule différence est qu'Orwell prédisait le triomphe du totalitarisme et que c'est l'ultralibéralisme qui s'est imposé. Et pas par la force, mais par la persuasion suave et toujours recommencée de la publicité. Et avec l'aide, pas toujours désintéressée, de nos hommes et femmes politiques.
Désormais tout le monde pense pareil, s'habille pareil, roule dans les mêmes voitures pour aller l'été dans les mêmes endroits. Comme l'a bien compris Berlusconi, l'archétype des dirigeants de demain, plus besoin de jeter les contestataires dans les prison. Il suffit d'acheter tous les journaux et toutes les télés. Et tout le monde sait qu'il n'y a de pire servitude que celle qui est volontairement acceptée, voire réclamée par les asservis eux mêmes.
C'est pourquoi si vous ne faîtes pas comme moi, et quelques autres, de la résistance active, si vous ne vous forcez pas à vous lever de votre fauteuil, ou à vous jeter sur votre télécommande pour couper le son des publicités lorsqu'elles vous agressent, si vous ne vous obligez pas à détourner le regard des pubs omniprésentes de notre univers urbain actuel, vous en arriverez à ressembler à ces gens qui vous disent :
La pub ? Quelle pub ? Mais mon bon monsieur vous retardez, la pub fait partie de notre vie et il n'y aucun moyen d'y échapper ? Et puis pourquoi vouloir y échapper ? C'est marrant la pub. Plus marrant que notre boulot ! Moi le singe dans la pub sur la lessive, qui parle presque comme nous, il m'éclate ! Même notre bébé ça le fait rire ! Quand à notre fils de 14 ans il parle couramment comme le singe, monsieur, et si je coupe cette pub il m'égorge ! Il faut être de son temps mon bon monsieur !
Vous trouverez ci-après quelques articles qui vous démontreront, s'il en est besoin que je ne suis pas le seul à vomir la publicité.
"Petit dico de la pub
par Paul Ariès
politologue, écrivain, conférencier
A comme Aliénation.
La pub, ça rend dépendant, ça rend malade. Des labos américains ont lancé un médicament pour guérir de la fièvre acheteuse, celle des consommateurs accrocs à la dépense inutile. Le Celexa agit directement sur la pulsion d'achat via la sérotonine. Les hypermarchés ne doivent pas s'inquiéter pour autant : la société Upromise vient d'inventer, elle, la recette miracle pour apprendre à dépenser toujours plus, et, tout ça, sans aucune culpabilité : plus vous achetez, plus la société finance le compte d'épargne de vos gosses. L'objectif caché : faire de la surconsommation une bonne action mais aussi rendre le consommateur dépendant d'une marque à perpétuité !
B comme Bureau de Vérification de la Pub.
Faut faire confiance ! Le BVP, c'est un peu comme si on confiait leur autodiscipline aux dealers. Ça ne le gêne pas, la propagande pour le tabac qui tue des gosses ou pour des bagnoles pitbulls ou des femmes nécessairement salopes, mais pas question qu'Amnesty International critique la Chine ou les états-Unis, ça nuirait aux bonnes relations entre les grands États. Pas question non plus de passer un clip pour la Journée sans achat. Le BVP champion de la protection des valeurs à géométrie variable.
C comme Crétin c'est-à-dire comme propagation de contre-valeurs.
La pub, ce n'est pas seulement inutile, c'est sacrément méchant et con. Mercédes a dû retirer une pub mettant en scène des pitbulls, c'est vrai qu'un molosse pareil, ça fait peut-être vendre des bagnoles, mais c'est pas ce qu'il y a de mieux pour combattre l'agressivité au volant. Le PDG d'Intersports et le directeur de l'agence publicitaire BDDP ont comparu en correctionnelle pour une campagne d'affichage exhibant un pitbull agressif au risque d'aggraver encore la violence urbaine, y paraît que c'était par souci de connivence avec les jeunes des banlieues. Coca-Cola propose, lui, de remplacer les cours de philo par la vraie vie. Faut pas croire que tout ça soit insignifiant, ça vous formate une génération. Le danger publicitaire est d'autant plus fort qu'il favorise le recul des autres activités portant sur des signes, il tue l'imaginaire des gosses. La pub, c'est l'anticulture par excellence ; la culture, plus on la fréquente tôt, plus on devient un citoyen responsable ; la pub, plus on y est soumis jeune, plus on en devient accroc des marques, genre malade de l'achat.
D comme Dégradant.
La pub, c'est pas fait pour faire réfléchir mais pour faire acheter. Pour être efficace, soyons le plus régressif possible. Une femme nue à quatre pattes à côté d'un mouton (pub de La City). La pub exploite les fantasmes et phobies les plus éculés et partagés. Elle fait avec le corps de l'enfant ce qu'elle réalise depuis des lustres avec le corps dénudé de la femme (et depuis peu de l'homme). Elle fait fantasmer le client avec ce corps puis transfère ce désir sur le produit. La pub pour Opium propage une image dégradante de la femme : posture couchée suggestive, jambes écartées, main posée sur un sein. La femme n'a conservé que ses hauts talons naturellement dorés, une marque de chaussures exhibait la godasse de luxe d'un type invisible mais appuyé sur le sexe d'une splendide femme à moitié nue, etc. La leçon de ce type de pub : qui peut acheter l'une peut se payer l'autre. Dunlopillo exhibe un homme traité en animal par une dominatrice, Kookaï présente ses clientes comme des mangeuses d'hommes, etc. Le sexe ? D'accord mais quand je veux et avec qui je veux ! Le hic, dans la pub, ce n'est pas la pornographie, c'est le viol systématique de l'intimité. La pub et Loft Story ? Une même saloperie contre le respect de l'autre ! La résistance contre la pub, ce n'est pas le retour des ligues de vertu, c'est l'affirmation que le cul, ça doit rester du domaine du don (pas du fric). Est-ce un hasard si le sado-maso et la bestialité vont bien avec le luxe ? Quelle est l'image que la pub tente d'imposer du bon peuple ? Est-ce une sous-humanité composée de "beaufs" vulgaires regardant un match de foot à la TV en buvant de la bière Budweister tout en rotant ?
E comme école.
L'école publique ou privée se prostitue avec la pub. Elle est le nouvel Eldorado des grandes marques dévoreuses de têtes blondes : poubelles (mais oui...) de classe sponsorisées par des hyper, kits pédagogiques gratuits, manuels éducatifs servant la soupe à des grandes marques, bons d'achat ou de réduction offerts à la place des bons points et images d'antan, spectacles scolaires sponsorisés par McDo, activités sportives financées par des marques de sport, etc. Faut comprendre : l'école manque d'argent et les gosses sont influençables dès le sixième mois et prescripteurs d'achats dès deux ans ! Les firmes américaines sont parvenues à intégrer la pub dans les emplois du temps : scolaires : les sociétés fournissent des équipements et, en échange, les écoles s'engagent à ce que les enfants assistent quotidiennement au programme Channel One (2 minutes de pub toutes les 10 minutes). Et si on (re)fondait la laïcité pour foutre le marché en dehors de l'école !
F comme Flicage.
Soyons sérieux : la pub n'existe pas sans la mise sous contrôle systématique de toute la population consommatrice. Tolérer le règne de la pub, c'est accepter d'être sans cesse espionné. Les instruments du flicage sont de plus en plus sophistiqués : tachytoscope pour contrôler la vision d'une annonce à des vitesses variables, "eye camera" pour enregistrer les mouvements oculaires, folder-test pour mesurer l'efficacité de différentes versions d'une pub, peoplemeter pour mesurer l'audience des spots publicitaires, datamining ou analyse des tickets payés par carte de fidélité (type Pass) ou de crédit (American Express), cookies c'est-à-dire mouchards qui suivent, pas à pas, votre trace sur internet, analyse de vos commandes par correspondance, etc. La Poste organise aussi ce flicage grâce à ses cellules géomarketing ("Dis-moi où et comment tu habites, je te dirai qui tu es") qui, en croisant des données géographiques, socio-démographiques et comportementales, établissent les profils types de "clients" vendus ensuite "confidentiellement" à la Halle aux Vêtements, Pier Import, Conforama, etc.
G comme Gaspillage.
La pub ne crée pas de vraies richesses, contrairement à ce qu'affirment les Séguela et autres dealers de faux espoirs, ou alors c'est de même façon que les marchands de mort que sont les cigarettiers et autres trafiquants d'arme. La pub, c'est un gaspillage de matières et d'énergie, c'est des montagnes de déchets, c'est un gaspillage d'objets censés offrir le bonheur clés en main. C'est un gaspillage d'imaginaire détourné au seul profit du fric, de la "gagne".
H comme Hypermarché.
Le dressage du consommateur par la pub se poursuit dans les Hypers : largeur des travées, luminosité variable, etc. Il existe même des vrais-faux magasins type Magali pour Carrefour pour tester les innovations marketing augmentant les achats impulsifs. Les autres groupes utilisent les mêmes ficelles pour dresser les clients : une armée de sociologues et de psychiatres déterminent ce qui nous pousse à acheter pour pouvoir ensuite instrumentaliser nos réactions.
I comme Invasion.
Les sectes ont inventé le bombardement émotionnel, la pub invente le bombardement par des messages non sollicités. Les experts du phoning ont toute une panoplie pour forcer ta volonté comme le piège de la fausse alternative (on se voit jeudi ou vendredi ?). Les webistes ont inventé le spamming, histoire de te bourrer la tête, mais bientôt t'auras de la pub au milieu de tes appels téléphoniques. Imagine : tu déclares ta flamme et au beau milieu de tes roucoulades une petite pub pour une marque de briquet ou pour du Viagra, etc. Bien sûr, tu seras pas obligé, mais faudra payer plus pour pas être violé. La Poste inonde ta boîte aux lettres avec 18 milliards de pubs par an tout en sachant que 47 % n'aiment pas cela, que 38 % n'en ont rien à faire.
J comme Jeunisme.
La pub aimerait les jeunes au mépris des vieux. Les valeurs collées au jeunisme font davantage vendre que celles de l'âge. On imagine mal aujourd'hui une crème pour favoriser les rides. Ce jeunisme est en fait un déni d'enfance car elle rabat l'enfant sur le client : on expose le corps de gamins dénudés, on déguise des gamines en objets sexuels, on fait croire aux gamins que le bonheur est à vendre. Les services télématiques pour gosses se développent avec numéros surfacturés pour des conseils du type "100 % Boys", "Mega flirt line". On suggère d'avoir l'accord des parents ou "téléphone d'une cabine".
K comme Kulture.
La pub, c'est l'inverse de la culture qui humanise. Elle est au service des pulsions les plus morbides, des fantasmes les plus moches. Culte de la mort, de la toute-puissance, de la purification. La pub, c'est l'antitravail par excellence, l'antifamille par excellence. Le bonheur, c'est simple comme un coup de fil, la vie, c'est Auchan. Moulinex libère la femme et Disney nous fait le coup de la famille. Papa et ses gosses sont chez Disneyland mais c'est papa qui fait du manège et c'est l'enfant qui lui fait un petit coucou rassurant. Un Disneyland, ça va, deux et bientôt trois parcs, bonjour les dégâts ! Et si la violence dans les écoles, c'était un peu la rançon de cette régression ?
L comme dégradation du langage.
La pub tue toutes les langues. Elle a seulement besoin de quelques messages simplistes à l'échelle planétaire. Elle valorise ses produits en leur collant une pseudo-identité. La loi du 4 août 1994 impose pourtant l'usage du français dans la pub écrite, parlée et audiovisuelle, sauf pour les produits typiques. Mais que fait le BVP ? Le CSA a dû sévèrement le rappeler à l'ordre comme un mauvais élève ! Il paraît qu'on peut pas faire autrement ! C'est à cause de la mondialisation, c'est à dire du Dieu fric-frac ! Défendre sa langue, c'est pourtant défendre le droit de comprendre.
M comme Morbide.
La pub entretient un rapport intime à la mort. Elle repose sur l'idéologie de la consommation-destruction de toutes choses. Elle transforme en objets les humains ou leurs sentiments : Kronenbourg fait les copains, Yoplait fait la tendresse, Câlin de Chamboursy, "Perrier, c'est fou", "avec Badoit, y'a de la joie", "Evian l'équilibre", etc. Elle fantasme que ses produits, ce seraient comme des humains : Grand-Mère qui fait du café, Germaine qui fait des pâtes Lustucru, Tartes Julie, Tante Marie, Père Dodue, Manie Nova, Oncle Bens, etc. La pub ne fonctionne pas toujours avec des images de rêve et de plaisir. Elle utilise de plus en plus des images chocs soit pour s'en démarquer (grâce à telle voiture, vous échapperez à la mort), soit pour choquer. Benetton s'était spécialisé dans cette stratégie : bébé ensanglanté et encordonné, figures de guerres et de massacres, mourant atteint du Sida, etc. Cette stratégie ne prend pas le contre-pied du monde enchanteur de la pub, elle emprunte "seulement" (?) l'autre face : exhiber ce qui est généralement sous-entendu (le malheur, la souffrance) et cacher ce qui est d'habiture exhibé (le produit, le bonheur). La leçon reste cependant la même : le bonheur ? Un bien de consommation ! Cette stratégie est doublement perverse car, en voulant tout montrer à l'état brut, elle finit par détruire le symbole lui-même, elle tue l'art. Elle subvertit également les valeurs humaines qui se trouvent mises au service exclusif du profit. Le but, c'est tout de même de vendre.
N comme Néophage.
La pub vit du renouvellement des produits. La pub vend de la nouveauté plutôt que de l'authentique ou du nécessaire. Elle transforme les traditions en archaïsmes, les valeurs en modes. Le hic, c'est que la mode, c'est par définition ce qui se démode (sic). La mode concernait au départ des domaines limités, elle s'étend à tout. Il existe même des stratégies d'éphémérisation des produits pour les rendre plus fragiles, pour préparer l'acheteur à de nouveaux achats : laques qui vieillissent mal sur l'électroménager, pièces fragilisées, etc. Et si, au lieu de changer sans cesse pour de faux, on changeait enfin pour de vrai, le culte de la nouveauté contre l'esprit de la révolution.
O comme Objet.
La pub fait croire que vivre c'est surconsommer. Elle joue pour cela avec les pulsions les plus archaïques des personnes : consommer toujours plus pour compenser la perte du sein maternel. N'est-il pas des façons plus humaines de compenser cette perte ? Pourquoi pas l'amour, l'amitié, l'activité créatrice, les utopies ?
P comme Politique.
La pub serait au service de la démocratie. C'est sans doute pour cela que les dictateurs font appel à ses services pour se donner une bonne image auprès de leur population ou des autres états. Dans les vraies démocraties, la pub tue aussi toute possibilité de débats. Les conseillers en communication n'ont de cesse de faire grossir la masse des électeurs flottants beaucoup plus influençables. Leur solution ? Dénoncer le poids des partis et des idéologies figées. La pub est toujours un déni du politique, qu'elle l'évite comme avant la chute du mur de Berlin ou qu'elle l'exploite en singeant ses slogans et rites : "Parce que la FNAC prend parti pour vous, prenez la carte", "Elles veulent être élues au suffrage émotionnel. Boléro soutient les femmes" ; Peugeot : "Rejoignez notre mouvement" ; Quick détourne, lui, la main de Touche pas à mon pote pour clamer "le droit à la différence", Mondial Scooter y va de sa petite profanation de l'histoire pour mieux sacraliser sa marque : "Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais... Paris libéré."
Q comme Quadrillage.
La population n'est qu'une réserve d'acheteurs. La pub ne veut connaître de différence ni de culture, ni de sexe, ni d'âge, etc. Elle psychologise les clients comme les pays totalitaires psychiatrisaient les dissidents. Puisque la demande solvable est prise en compte, cela veut dire que seuls les (besoins des) riches existent. Le Centre de Communication Avancée (CCA) du groupe Eurocom-Havas a élaboré depuis 1989 une typologie des consommateurs types afin de parvenir à vendre les mêmes produits par-delà les cultures : " L'Europe des styles de vie y est traitée comme un parc zoologique (...) le vieux continent est peuplé de "chats de gouttière", de "hérons", de "colombes", d'"éléphants", de "renards", d'"écureuils", de "hiboux", de "requins", de "mouettes", d'"albatros", de "loups", de "blaireaux" et d'"otaries". Les "chats de gouttière" vivent au-dessus de leurs moyens, s'offrent des produits de beauté, des sorties et des loisirs au détriment de l'alimentation de tous les jours ; ils aiment la publicité de type "hollywoodien" en couleurs, brillante " (A. Mattelart, M. Palmer).
R comme Résistance.
Le secret du système, c'est de nous avoir convaincus de notre impuissance. La résistance s'organise pourtant. Réclamons des courts-métrages à la place des pubs imposées au ciné. écrivons aux régies de transports pour nous plaindre de la pub dans les bus. Retournons à l'envoyeur avec mention "refusé, courrier non sollicité" toute pub adressée, le tout, bien sûr, sans affranchissement. Rendons à la poste les milliers de pubs dont elle inonde notre boîte, demandons à France-Télécom notre inscription sur la liste "safran", etc. La pub tue l'imagination. La résistance à la pub la libère. Libérez-vous !
S comme gros sous.
La pub c'est 92,4 milliards de francs de marché. Sa croissance est trois fois plus rapide que celle du reste de l'économie. Elle a dépassé cette année pour la première fois 1 % du PIB. Chacun de nous travaille l'équivalent de 2 500 F par an pour être manipulé.
T comme télévision.
La pub envahit la TV : pages de pub, coupures des films, pseudo-variétés servant surtout à vendre des marques. Les Tortues Ninja mangent des Pizzas Dominos, des Burger King et boivent du Pepsi. ET, ce foetus venu d'ailleurs, s'empiffre de Reese's Pieces ; le film les Visiteurs, c'est un bon voyage au pays des marques. Un gosse subit 40 000 pubs par an, souvent pour des produits malsains. La pub était autrefois interdite à la TV pour des questions d'éthique. La première réclame en France date de 1959 pour des pubs sans marque (du type "changez de cravate, une cravate vous changera"). La première vraie pub pour une marque date donc du 1er octobre 1968, mais la pub restait encore interdite à la TV les dimanches et durant les jours fériés. Il est encore interdit en Grèce de faire de la pub pour des jouets à des heures où un gosse peut se trouver normalement devant son poste. Eh oui, il peut exister d'autres valeurs que celles du marché, de la "gagne".
U comme Uniformisation.
La pub, c'est l'idéologie du système libéral. Elle a une double efficacité : celle directe et incertaine pour le produit vendu, l'autre indirecte mais plus solide pour cimenter le système. Elle diffuse l'idéologie du bonheur par soumission à la consommation : consommation des objets, des autres personnes et de soi-même. La logique de ce système tend donc à une standardisation généralisée. Même les plus chauds partisans du système doivent l'admettre : le Code de Bonne conduite de Prodimarques lance ainsi un appel pour s'opposer à cette uniformisation généralisée des emballages, des conditionnements et des produits vedettes de notre époque. Nestlé, Heineken, Gillette, Kellogg's, Lesieur, Suchard, l'Oréal, Lu, etc. au service de la bio-diversité, du respect des cultures : quel lapsus ! Le concept de globalisation a été imaginé aux états-Unis par le professeur d'Harvard Théodor Levitt puis repris par l'agence de pub Saatchi pour justifier les campagnes marketing banalisantes et appauvrissantes : "Vendre, avec un même slogan et une même image, un même produit dans un même emballage à travers le monde entier" (sic) ; "La grande barrière, aujourd'hui, ce n'est pas l'argent ni les programmes, encore moins la technologie. La grande barrière est réellement celle de la Loi et de la politique. Ces lois sont comme des piquets de clôtures tendues entre les nations, empêchant le libre flux de l'information. Il faut que les publicitaires du monde entier et les entreprises désireuses de développer les médias fassent alliance pour les communications mondiales. Les partisans du mégamarché mondial doivent faire usage des instruments de pouvoir, des relations publiques et de la politique pour renverser ses barrières" (M. Eger, ancien vice-président de la chaîne EBS et ancien conseiller de Richard Nixon, président des états-Unis).
V comme Ville défigurée.
La pub, ce serait le soleil de nos villes. Tristes banlieues pourtant, faites de zones commerciales identiques. Comment savoir où l'on est devant ces mêmes entrepôts hideux ! Paysages de France a du pain sur la planche pour faire respecter la loi puisque la moitié des panneaux publicitaires implantés seraient illégaux ! Cette appropriation de l'espace public est une véritable profanation : des banderoles publicitaires tractées par des avions sur les plages jusqu'aux rayons lumineux comme ceux qui signalent les Buffalo Grill, véritable pollution visuelle qui nous empoisonnent des kilomètres à la ronde !
W comme World-company.
La pub, c'est le luxe des plus gros. Le marché mondial de la pub est concentré dans les mains de quelques géants. Ne pas limiter la pub, c'est choisir les gros contre les plus petits, c'est préférer les transnationales de la mal-bouffe à l'agriculture paysanne. Le marché est toujours plus concentré dans les mains de quelques géants. La pub c'est une véritable métaphore de la jungle libéraletotalitaire.
X- Y : la pub est sexiste mais est-elle sexuée : phallus ou inceste ?
La pub joue sur l'image du père tout-puissant puisqu'elle vend du bonheur, puisqu'elle promet la jeunesse éternelle ou l'immortalité. Elle va cependant encore plus loin dans la régression puisque ce qu'elle propose, c'est une véritable fusion incestueuse avec le produit.
Z comme Zéro et comme Zeste.
La pub, c'est zéro comme le symbole mathématique, elle n'a pas de valeur en soi mais, placée au service d'une marque ou d'une idéologie (n'importe laquelle) elle fait des ravages. La pub, c'est zéro mais ce n'est pas seulement insignifiant et chiant. La pub, c'est toujours un zeste de connerie, un zeste d'accoutumance. Jacques Blociszewski écrivait dans le Monde diplomatique de mars 1993 que la pub rejette systématiquement ses opposants dans le clan des "pisse-froid", des "tristes-sires" et des "rabat-joie apocalyptiques" (sic). Elle révèle donc ainsi son fonctionnement totalitaire puisqu'elle ne peut supporter la contradiction : elle excommunie ses opposants en les psychologisant en attendant de pouvoir les psychiatriser. On a déjà, grâce à elle, ceux qui "positivent" (merci Carrefour !) et les méchants qui "négativent". Si tous les "pisse-froid" pouvaient se donner la main, on vivrait déjà un peu mieux !
La pub ou l'anti-culture
par Paul Aries
"Le problème principal, ce sont les systèmes culturels de ce monde, qui sont tellement différents"
Anton Schneider, directeur de Boston Consulting
La pub n'est pas une nouvelle culture, c'est l'anti-culture par excellence. La culture, plus on la fréquente tôt, plus on devient un adulte autonome. La pub, plus on y est soumis tôt, plus on en devient un adepte "accroc". C'est pourquoi, la pub est doublement régressive car elle ne peut être efficace qu'en visant les fantasmes, les pulsions de tout un chacun et parce que pour infantiliser les adultes autant commencer par les enfants. Les marques tentent ainsi de fidéliser les enfants avant l'âge de deux ans. Ce dressage des plus petits n'a rien en soi de naturel ou de légitime : il y a encore vingt ans, il était interdit, en France, d'utiliser directement des gosses pour vendre des produits et il est toujours interdit, en Grèce, de passer des pubs pour des jouets aux heures où ils sont devant la télé...
On sait combien c'est facile d'exploiter commercialement les rêves des gosses. Un enfant ne fait pas la différence entre une pub, une fiction, la réalité. La pub n'est pas seulement un supplément d'âme dont a besoin le système. Elle lui est indispensable à la fois pour vendre tel produit mais au delà pour faire régresser les individus au niveau de leurs fantasmes basiques. La culture avait pour fonction de museler ces fantasmes, ces phobies, pour nous rappeler que nous ne sommes pas tout-puissants, qu'on a besoin des autres et qu'aucune chose ne peut remplacer et combler ce désir de l'autre. La globalisation en cours appelle l'envahissement généralisé de la pub.
McDo n'existerait pas s'il ne pouvait nous bombarder de ses messages : il en a besoin pour balayer des siècles d'histoire, d'humanisation des pratiques alimentaires, de respect des figures parentales et des identités. La pub reste (pas pour longtemps ?) interdite de séjour dans les écoles. La protection des enfants passe pourtant aussi par le refus de les y soumettre. Les marques existent certes depuis longtemps mais avec un sens différent. On était autrefois fidèle à une marque parce qu'on croyait (à tort ou à raison) que ses produits étaient meilleurs, plus résistants, plus efficaces. La réclame visait à nous convaincre par des arguments pseudo-rationnels. L'attachement actuel aux marques se nourrit en revanche d'irrationnel parce qu'il vise, avant tout, à réaliser une identification primaire.
L'enfant qui exige des produits de telle marque ne justifie plus son choix par leur qualité (réelle ou fausse), mais par le seul attrait de leur nom (signe). On veut lui faire croire qu'il va obtenir, à travers lui, une identité propre. Les cultures spécifiques déclinent pour céder la place à cet ersatz culturel. Les jeunes des banlieux ne sont pas, à cet égard, insuffisamment intégrés mais beaucoup trop intégrés au système des marques, à la consommation. Cette recherche d'identification par le marché est génératrice de violence car il s'agit non seulement d'une mise en échec (comment se payer ses produits de marque) mais aussi d'un véritable marché de dupe : on ne peut jamais obtenir un équilibre social ou psychique en s'identifiant à la pub : on veut être un fil de pub comme les autres en exhibant sa conformité. L'enjeu est important : comment se définit-on ? Quelle est son identité ?
Nos grands parents portaient souvent des insignes religieux, nous, nous portions plus des insignes politiques, nos enfants portent des marques : on a des enfants Nike, des enfants Benetton, des enfants McDo ou Coca ! Essayez de faire enlever une casquette dans certains lycées : impossible car c'est vécu comme une violence, le viol de l'identité même du jeune.
La pub est parvenue à s'emparer des identités, à les manipuler et trafiquer. Ce n'est pas par hasard que le racket ne concerne que les marques, c'est bien une preuve de plus que le marché secrète en lui-même la violence. La pub doit pour rabaisser les personnes au rang de consommateurs inverser le profane et ce qui était considéré jusqu'alors comme sacré : elle profane les sentiments, les identités, les valeurs, les engagements. Elle nous vend de l'amour, de la tendresse, de l'amitié, de la générosité. Elle sacralise parallèlement le plus profane : "on se lève tous pour Danette" ! Mais devant quoi se lève-t-on si ce n'est devant un (nouveau ) Dieu ? La pub enlève toute dignité à l'humain pour la transférer à la marchandise. C'est elle qui fera de vous quelqu'un, sinon vous appartenez à la masse.
Comment la pub représente-t-elle les consommateurs, bref les humains ? Tel constructeur automobile vous imagine en troupeau de mouton, tel autre nous voit parqués uniformément comme des places de parking. La vie sans marque serait celle de la grisaille, vaudrait-elle d'être vécue ? L'humain est identifié à un mouton, à une chose banalisée, inexpressive. Merci à Renault de nous faire sortir du troupeau, Merci à McDo d'exister. C'est le produit qui créé la surprise, qui singularise et non plus l'humain. C'est le produit qui rend libre, qui rend irrésistible, qui rend tout-puissant. La société vue par la pub est celle de la grisaille et de la monotonie. Vous ne pourriez plus rien pour vous, pour votre liberté, votre bonheur ; si ce n'est bien sûr en vous identifiant à des marques qui vous donnent un sens. La consommation de marque créerait seule un sentiment d'existence. Encore devrait-elle porter seulement sur son nom ou son logo et non sur l'utilité véritable de l'objet : une casquette Nike c'est d'abord son logo !
Cessons de croire que tout cela n'est pas grave, qu'on a un second degré. Ce n'est pas vrai que les jeunes s'approprient la pub pour la désarmer. La réclame cherchait auparavant à parler comme les gens, aujourd'hui ce sont eux qui singent le pub, qui reproduisent ses gestes, répètent ses formules. La pub, c'est une monstrueuse opération de formatage qui vise à faire régresser l'individu jusqu'au niveau de ses images les plus archaïques : on se croit, grâce au marque, tout-puissant, on devient un killer (tueur). On en libère pas ces archaïsmes sans dommage individuel et collectif. L'individu profané par le marché n'a pas d'autre solution que de s'identifier à une marque, ou plutôt à cette part d'humanité qu'elle croit vendre. "Loréal parce que je le vaux bien", Kronenbourg pour avoir des amis, etc. La pub en jouant sur le mimétisme enfantin développe une sorte de normopathie c'est à dire un besoin infantin de se soumettre à des normes. Elle tue l'imagination et la créativité chez les individus et les peuples.
La pub si soft en apparence a pour cousine la propagande la plus hard. Elle est donc la fille d'un nouveau totalitarisme dans ses moyens et ses buts. La pub ne repasse pas pourtant les plats du nazisme et du stalinisme. Elle est bien plutôt ce dont a besoin la société des "deux dixièmes" c'est à dire celle, de demain, où 20% de la population mondiale suffira à faire fonctionner l'économie et où il faudra s'occuper des 80 % restant. Faut-il rappeler la proposition immonde de Zbigniew Brzezinski - ancien conseiller de Jimmy Carter et fondateur du club très fermé de la Trilatérale - de créer sous le nom de tittytainment (de tits, les seins en argot américain et de Entertainment pour divertissements) un "cocktail de divertissement abrutissant et d'alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète" ? On sera alors très proche de la Rome Antique (du pain et des jeux) puisqu'elle permettra le décervelage et l'endormissement de milliards d'humains.
Le "je positive" de Carrefour prendrait alors toute sa véritable signification. la pub est donc bien au delà de sa fonction commerciale immédiate un enjeu véritable car elle participe à tout ce qui fait régresser l'humain. Elle est ainsi ce qui permet de rabaisser les personnes au rang de simple consommateur qui commence par consommer des produits puis consomme ensuite d'autres humains (management moderne, violences sexuelles) et finit par se consommer lui-même (dopage, sectes). La résistance contre la pub est aujourd'hui un véritable enjeu citoyen : Les lycéens américains ont montré l'exemple en menant des grèves contre les programmes de pub obligatoires tous les matins dans certains Etats. Il faut préserver l'espace public en imposant déjà le respect des règles. Il faut former les enfants à la lecture (critique naturellement) des pubs.
Paul Aries
La publicité, tueuse de la planète.
par Anne Rabhiria
Nous venons tout juste de quitter le XXe siècle. Au cours de ce siècle, la planète a vu sa population multipliée par quatre. De 1 milliard et demi en 1900, nous allons passer à 7 milliards en 2006. Durant le siècle écoulé, la consommation d'énergies et de matières premières a explosé. Mais cette consommation est très inégalement répartie : un cinquième de la population, les pays riches, s'accapare 80 % des ressources naturelles de la planète. L'accroissement du niveau de consommation se démultiplie avec le nombre toujours accru d'individus. La conséquence est une explosion de la pression exercée par l'humanité sur la planète. Cela se traduit, par exemple, par l'effet de serre, qui augmente la température du globe et entraîne des catastrophes climatiques. Toujours à l'échelle de la Terre, cette démultiplication de la consommation risque de se conclure par la fin de la majeure partie des ressources fossiles au cours du présent siècle : il reste, au rythme de consommation actuel, 41 années de réserves prouvées de pétrole, 65 années de gaz, 55 années d'uranium. Contrairement au XXe siècle, nous consommons désormais plus de ces ressources que nous en découvrons de nouvelles. De plus, Il est prévu, d'ici à 20 ans, un doublement du parc automobile mondial ainsi qu'un doublement de la consommation énergétique mondiale. Enfin, plus nous approchons du terme des ressources, plus celles-ci sont difficilement extractibles.
C'est la première fois, depuis environ 100 000 ans que l'humain est sur Terre, qu'il menace la planète à l'échelle globale et par là même sa propre survie. Mais des civilisations ont déjà péri sur notre planète après avoir pillé et détruit leur environnement. Les habitants de l'île de Pâques en sont un exemple célèbre. La Terre, la biosphère, arrive aujourd'hui au bout de ce qu'elle peut nous donner, nous touchons le terme de sa capacité d'absorption de notre expansion. Pourtant, la sauvegarde de la planète conditionne tous les autres problèmes. La Terre fortement altérée, nous n'aurions alors plus de problème de chômage, d'éducation, de culture, d'économie, car nous aurions disparu. Une analyse rationaliste simple amène rapidement à intégrer que nous ne pouvons sans cesse accroître notre consommation dans un écosystème où les ressources sont limitées. La plus simple justice exigerait un partage équitable des ressources entre tous les habitants de la Terre, donc une réduction de la consommation des habitants des pays riches. Aujourd'hui, même pour des raisons égoïstes, et tout simplement pour nous sauver, notre intérêt est d'apprendre très vite à consommer mieux, pour consommer moins, afin de soulager l'écosystème.
Or, nous nous trouvons dans une société délivrant, de manière continuelle et de façon unilatérale, le message à l'exact opposé. La publicité nous dicte son idéologie de consommation, directement, ou de manière détournée au travers des médias qu'elle possède (en France, seuls deux journaux grand public, le Canard enchaîné et Charlie Hebdo, n'ont pas de pub). Elle nous répète inlassablement, en envahissant tous les espaces vierges, que rien n'existe en dehors de la consommation, que notre raison d'être et notre seule façon d'exister est de consommer sans cesse plus, frénétiquement. Si la réclame vantait les mérites d'un produit - " Les pantalons Michel sont solides et pas chers " - la publicité, elle, délivre un message idéologique : " Pour être une personne moderne, bien dans sa peau et la société, vous devez porter un pantalon Green River. " La publicité est ainsi progressivement passée du rang d'information commerciale au statut de système de propagande, véhiculant l'idéologie de la croissance, du progrès, de la technoscience, du nouveau. Produite par les multinationales, elle possède des moyens à la hauteur de ces firmes : le chiffre d'affaires de Général Motors est le double du PNB du Venezuela. Si nous voulons nous sauver d'une catastrophe écologique globale, la première étape devra être de mettre la publicité hors d'état de nuire .
Mais le danger que contribue à faire peser la publicité sur l'écosystème, et par là même à la survie de l'humanité, doit-il être notre unique motivation pour réagir ? Non, si nous devons d'abord la combattre, c'est avant tout dans un souci humaniste. Car la publicité véhicule un message qui par essence nie ce qui fait notre qualité d'humain, c'est-à-dire la recherche de sens. Comment vivre bien, pleinement, au quotidien quand le discours dominant réduit incessamment notre existence à la consommation et à l'argent ? La publicité est par nature l'antiphilosophie. Elle n'a de cesse de nous déshumaniser pour mieux nous marchandiser. Elle exclut d'emblée toute valeur non marchande. Elle exacerbe continuellement nos pulsions de possession, de domination, de jouissance immédiate. Elle flatte le pire côté de l'humain. Au contraire de la chose amusante et anodine décrite par ses promoteurs, elle constitue un enjeu de civilisation majeur. Les antivaleurs qu'elle prône sont directement responsables de notre manque d'appétit d'exister pleinement. La publicité engendre une civilisation mortifère ou les individus, réduits à l'état de consommateurs, deviennent inaptes à réformer la société. Les violences des banlieues, le sexisme, l'égoïsme, une grande part du mal-être propre à nos civilisations, le culte du fric et ses conséquences sociales dramatiques... trouvent largement leur source dans son message. Quant à ceux, toujours intéressés, qui rêvent de faire de la pub " éthique ", ils ne font que cautionner le système et l'encouragent d'autant.
La réponse à la crise écologique procède de la même logique : si nous devions réagir de façon purement scientifique face à la menace qui pèse sur la biosphère, nous amènerions immanquablement une réponse qui se solderait par un échec. Si nous sommes incapables de poser un regard humaniste sur le monde, si nous restons passifs devant l'injustice sociale, devant l'affaiblissement de la démocratie, devant le fléau automobile, devant le supermarché qui tue la vie de la cité ou encore face un élevage industriel, nos solutions réduites à la technique ne seraient alors que la préface au Meilleur des mondes. Seul un regard sensible et humain peut être porteur d'un avenir désirable.
Mais qu'il est douloureux de s'extraire d'un conditionnement idéologique ! Cela exige d'abord une remise en question individuelle. Lorsque le mouvement écologiste tire la sonnette d'alarme face à l'épuisement des ressources naturelles, les prisonniers de l'idéologie du progrès et de la technologie clament en choeur : " On trouvera autre chose ! " Un argument symptomatique de ceux qui croient et ne doutent plus, révélateur d'une pensée établie sur une idéologie, c'est-à-dire sur un système niant la réalité au profit d'une construction intellectuelle.
Alors comment résister à l'idéologie publicitaire ? Cela passe par un aspect réglementariste : le politique. Mais si son rôle est fondamental, celui-ci ne pourra que partiellement contrer ce système de propagande, sous peine de sombrer dans le totalitarisme. La majeure partie de la solution réside dans une évolution vers des modes de vie qui ne laissent pas ou peu de prise à la publicité. Nous devons d'abord refuser la société de consommation, la voiture, la télévision, les grandes surfaces, le tourisme de consommation... au profit d'un mode de consommation sobre, de la bicyclette, de l'autoproduction alimentaire (le potager), de l'engagement politique, de la poésie. Soit un mode vie à l'exact inverse de celui prôné par la publicité. Un mode de vie qu'elle décrit évidemment comme ringard, passéiste... et qui, comme par hasard, est le seul qui pourrait nous permettre de vivre bien, pleinement, joyeusement et longtemps sur ce petit vaisseau spatial biologique fragile qu'est la planète terre.
L'utopie ?
par Denis Cheynet
"Vivre sans voiture, sans télé ? Mais c'est de l'utopie !"
"Consommer moins ! Et puis quoi encore ! Tu veux revenir en arrière ? Allez, soit raisonnable !"
"Arrête de rêver, tu ne peux pas changer le monde."
Avez-vous déjà entendu ces réflexions ? Si oui, c'est que vous êtes un utopiste, une personne qui n'accepte pas le monde tel qu'il est et qui croit pouvoir le faire évoluer. Vous êtes totalement immature, dénué de bon sens et de raison. La société dans laquelle nous vivons ne saurait tolérer un extrémiste de votre genre qui philosophe pendant que les autres travaillent et s'occupent d'élever correctement leurs enfants.
Mais qui est utopiste ? Les quelques personnes qui prennent conscience du gaspillage de nos ressources où les publicités qui nous font croire que l'on peut toujours consommer plus dans un monde aux limites finies ? N'est-ce pas une utopie de penser que nous pouvons tous rouler en voiture alors que la fin des réserves pétrolières sont prévues pour 2040 et que l'on commence à mesurer les conséquences de l'effet de serre ? Avons-nous le droit de penser que le bonheur passe par l'acquisition toujours croissante de bien matériels alors qu'une grande partie de la population mondiale meurt de faim ? Pouvons-nous penser que notre civilisation occidentale est raisonnable alors que nous ne sommes que 20% de la population mondiale à consommer 80 % des ressources de la planète ?
Il faut avoir une bonne part de bon sens et de raison pour mesurer l'importance des dégâts qu'engendre de manière croissante notre boulimie de consommation. Il faut avoir du courage pour accepter le monde tel qu'il est. Cela n'est pas facile de sortir de la masse et de soulever des idées qui bouleversent nos habitudes, notre désir d'individualité et notre confort matériel. Il n'y a qu'une seule terre. Autant faire en sorte de ne pas la détruire et de ne pas la laisser en trop mauvais état aux suivants. Nous devons nous inscrire dans la durée et la globalité du monde. Cela n'est pas chose aisée lorsque notre modèle économique nous pousse à vouloir toujours plus et nous masque les conséquences de nos modes de vies à long terme.
Il faut être complètement aveugle et immature pour penser que la terre va supporter encore longtemps la folie humaine. Il faut être complètement déraisonnable pour penser que la croissance peut-être infinie, que nous pouvons posséder toujours plus de biens matériels alors que les ressources de la planète sont limitées. La publicité, les médias, notre éducation, tout tend à nous conforter dans cette douce innocence. Consommez, consommez, vous serez heureux et tout ira bien ! Nous sommes rendus aveugles et sourd par le matraquage publicitaire et l'idéologie consommatrice qui ne laisse aucune place aux messages non rentables économiquement. Quelle chaîne de télévision aurait le courage de parler des méfaits de l'automobile entre deux spots publicitaires ventant les mérites du nouveau V6 à injection ?
Alors sortons de cette utopie qui berce notre monde. Ayons le courage d'ouvrir les yeux et de regarder les choses en face. Cela ne signifie pas que nous "reviendrons en arrière", que nous serons malheureux et ternes. Au contraire, cela nous donnera le courage d'aller de l'avant, de donner un sens à nos vies et nos désirs. Vivons pleinement, vivons heureux, mais pas n'importe comment. En tant que doux rêveur, je crois en une croissance infinie de nos joies et de la plénitude de nos vies. "
Ô tempora ! Ô mores !
Quelques adresses
Casseurs de pub
Adbusters
Résistance à l'agression publicitaire
Rap
Quelques citations
"La publicité c'est quatre-vingt-cinq pour cent de confusion et quinze pour cent de commission "
Fred Allen
" La publicité, c'est l'art de stopper l'intelligence humaine assez longtemps pour lui soutirer de l'argent "
Stephen Leacock
"La publicité pousse les gens à ne pas se fier à leur jugement ; elle leur apprend à être stupides" Carl Sagan
"La pub c'est l'organisation du mensonge" Daniel Boulanger