Trente milliards d'euros de déficit en 2010 pour l'assurance-maladie ! Le "trou de la Sécu" fait partie du paysage français. Chacun hausse les épaules en se résignant. Il faut bien qu'il y ait une contrepartie au "meilleur système de santé au monde", le prix de la santé pour tous... Cette naïveté confine à l'irresponsabilité car ce déficit, au lieu de protéger de l'inégalité de l'accès aux soins, y contribue.
Les plus pauvres sont ceux qu'on accusera les premiers de fraude, ils sont de faciles boucs émissaires, où sont ceux qui ne demandent même pas l'accès à leurs droits (20 % des personnes qui ont droit à la CMU ne la demandent pas). Alors que les vrais responsables sont chacun d'entre nous. Nous avons "droit" à une ambulance pour effectuer une radiothérapie à 70 km de notre résidence secondaire, à une chimiothérapie à 100 000 euros pour tenter un dernier traitement plus psychologique qu'efficace, au remboursement des soins sans limites pour une tendinite liée à un jogging excessif.
Droit à... tirer des traites sur des ressources que nous n'avons pas en empruntant sur les marchés publics étrangers de quoi combler notre insouciance, unique en Europe.
Libre à nous de jeter les médicaments à la poubelle, de demander une ordonnance de précaution avant d'aller au soleil ou à la montagne, de faire une échographie pour voir si tout va bien, de faire un check-up de conjuration du futur, de consommer des médicaments à service jugé inexistant, remboursés à 15 % pour ne pas désespérer ceux qui les fabriquent, de maintenir un petit hôpital sans malades pour ne pas faire de peine au maire, libre à nous de danser sur le trou. Simplement nous achetons une certaine forme de paix sociale en empruntant de l'argent que nous ne pourrons pas rembourser.
L'assurance-maladie clame qu'elle n'a pas à juger de l'efficience de ses engagements et reste indifférente à l'évaluation de ceux-ci. Mais depuis soixante-dix ans, la médecine a changé et continuera de changer. Les attitudes de l'après-guerre de construction d'une solidarité sont désuètes.
Il est bien étrange que l'on continue de s'interroger sur telle ou telle niche fiscale, sur l'aménagement de la TVA sur la restauration et que l'on ne fasse rien pour adapter les cotisations personnelles de Sécurité sociale. Celles-ci devraient être indexées sur les revenus réels et non plafonnées au nom de je ne sais quel égalitarisme à l'envers qui favorise les plus riches qui consomment d'ailleurs le plus.
La prévention, parent si pauvre de la médecine française, est de fait réservée à ceux qui en ont le moins besoin. Pourquoi ne pas vouloir être plus rigoureux sur des usages si laxistes ? L'argent public que nous empruntons est trop précieux pour satisfaire les angoisses ou les désirs de chacun. L'affaire du Mediator nous empêche de voir la réalité du gouffre qui nous attend et personne ne viendra essuyer nos larmes de crocodile. L'éthique pour une fois serait bonne conseillère.
Didier Sicard, président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique
Les plus pauvres sont ceux qu'on accusera les premiers de fraude, ils sont de faciles boucs émissaires, où sont ceux qui ne demandent même pas l'accès à leurs droits (20 % des personnes qui ont droit à la CMU ne la demandent pas). Alors que les vrais responsables sont chacun d'entre nous. Nous avons "droit" à une ambulance pour effectuer une radiothérapie à 70 km de notre résidence secondaire, à une chimiothérapie à 100 000 euros pour tenter un dernier traitement plus psychologique qu'efficace, au remboursement des soins sans limites pour une tendinite liée à un jogging excessif.
Droit à... tirer des traites sur des ressources que nous n'avons pas en empruntant sur les marchés publics étrangers de quoi combler notre insouciance, unique en Europe.
Libre à nous de jeter les médicaments à la poubelle, de demander une ordonnance de précaution avant d'aller au soleil ou à la montagne, de faire une échographie pour voir si tout va bien, de faire un check-up de conjuration du futur, de consommer des médicaments à service jugé inexistant, remboursés à 15 % pour ne pas désespérer ceux qui les fabriquent, de maintenir un petit hôpital sans malades pour ne pas faire de peine au maire, libre à nous de danser sur le trou. Simplement nous achetons une certaine forme de paix sociale en empruntant de l'argent que nous ne pourrons pas rembourser.
L'assurance-maladie clame qu'elle n'a pas à juger de l'efficience de ses engagements et reste indifférente à l'évaluation de ceux-ci. Mais depuis soixante-dix ans, la médecine a changé et continuera de changer. Les attitudes de l'après-guerre de construction d'une solidarité sont désuètes.
Il est bien étrange que l'on continue de s'interroger sur telle ou telle niche fiscale, sur l'aménagement de la TVA sur la restauration et que l'on ne fasse rien pour adapter les cotisations personnelles de Sécurité sociale. Celles-ci devraient être indexées sur les revenus réels et non plafonnées au nom de je ne sais quel égalitarisme à l'envers qui favorise les plus riches qui consomment d'ailleurs le plus.
La prévention, parent si pauvre de la médecine française, est de fait réservée à ceux qui en ont le moins besoin. Pourquoi ne pas vouloir être plus rigoureux sur des usages si laxistes ? L'argent public que nous empruntons est trop précieux pour satisfaire les angoisses ou les désirs de chacun. L'affaire du Mediator nous empêche de voir la réalité du gouffre qui nous attend et personne ne viendra essuyer nos larmes de crocodile. L'éthique pour une fois serait bonne conseillère.
Didier Sicard, président d'honneur du Comité consultatif national d'éthique