Introduction
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Le Premier ministre Michel Barnier a déclaré que la lutte contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants serait une priorité de son gouvernement. Cependant, son ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, a félicité la nomination d'Elon Musk à la tête d'un nouveau ministère de l'Efficience gouvernementale, ce qui suggère une approche contradictoire envers les services publics.
N.D.L.R : avec un ministre de cet acabit, la fonction publique est bien mal partie. Néanmoins, un ministère de l'efficacité gouvernementale en France n'existera jamais, car les politiques français n'ont aucun sens de l'autodérision. En conséquence, cet oxymore devrait par trop les hérisser.
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Le projet de loi de finances et de budget de la Sécurité sociale prévoit des coupes dans les dépenses qui affecteront les services publics, avec un objectif de 60 milliards d'euros d'économies, alors que les services publics représentent près de 40 % du budget des administrations publiques.
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La politiste Julie Gervais, co-autrice du livre « La Haine des fonctionnaires », souligne que les responsables politiques jurent de défendre les services publics, mais que les politiques menées sont souvent contradictoires et visent à démanteler les services publics.
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Selon Julie Gervais, les réformes des trente dernières décennies ont contribué à démanteler les services publics et que nous sommes à un point de bascule où les effets de ces réformes s'accélèrent, ce qui rend nécessaire une réflexion urgente sur la valeur des services publics.
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La baisse des dépenses publiques et le « service public washing »
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La baisse inédite des dépenses publiques s'annonce désastreuse et Julie Gervais met en garde contre le « service public washing », qui prétend défendre les services publics tout en les détruisant.
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Julie Gervais estime que la frénésie gestionnaire et le projet idéologique sont liés, car le cadre néolibéral actuel impose des restrictions budgétaires et la recherche de rentabilité, ce qui a influencé la formation des hauts fonctionnaires et a conduit à une approche de gestion des services publics inspirée du secteur privé.
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Les services publics sont régulièrement fermés, fusionnés ou réduits, mais ces décisions sont toujours justifiées par la nécessité de moderniser et de rendre les services plus efficaces, plutôt que par une volonté de les détruire.
L'idéologie sous-jacente et la quête d'efficacité
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Il existe un cadre idéologique fort qui sous-tend ces décisions, mais qui n'est jamais reconnu comme une idéologie anti-services publics.
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L'efficacité est souvent utilisée comme un prétexte pour justifier les restrictions budgétaires et les réorganisations, mais ce concept est souvent mal défini et peut désigner l'intensification du travail plutôt que la qualité des services.
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La quête d'efficacité peut également s'accompagner d'une logique d'individualisation et de concurrence, qui peut démoraliser les équipes et casser les collectifs.
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Cette quête d'efficacité est souvent inspirée par des modèles du secteur privé qui sont inadaptés au secteur public, et peut conduire à l'utilisation de cabinets de conseil coûteux.
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Le turn-over permanent et la mobilité sont également présentés comme des conditions pour « faire carrière » dans la fonction publique, ce qui peut désorganiser les services et imposer des recettes toutes faites.
Le soupçon d'incompétence et la diversité des métiers
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Le soupçon d'incompétence qui pèse sur les fonctionnaires, notamment ceux qui travaillent dans des bureaux, est ancré dans une image stéréotypée qui remonte à la Révolution française et a été popularisée par l'écrivain Courteline.
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Selon l'historien Emilien Ruiz, cette « haine des fonctionnaires » connaît des inflexions selon les époques, mais repose toujours sur une image stéréotypée qui ne correspond pas à la réalité.
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Il existe une grande diversité de métiers de fonctionnaires et d'agents participant au service public, contrairement à l'image souvent simpliste véhiculée par les responsables politiques.
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Les jardiniers municipaux, par exemple, ont plus en commun avec des ouvriers qu'avec des hauts fonctionnaires, et les usagers ont souvent du mal à identifier ce qu'est un fonctionnaire.
Le délitement du service public et la montée du privé
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Le service public peut être rendu par des agents ou des structures qui ne relèvent pas de la fonction publique, mais de contrats de droit privé ou public, ce qui peut conduire à une précarisation des emplois.
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Le délitement du service public, notamment dans l'enseignement supérieur, peut alimenter la montée en puissance de l'enseignement supérieur privé, au détriment de l'accès pour tous à la formation et aux diplômes.
La haine des fonctionnaires et ses origines
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La haine des fonctionnaires combine différentes haines, venant d'en haut (intellectuels d'entreprise et haute fonction publique) et des usagers eux-mêmes, qui sont souvent les plus en contact avec les guichets et les plus affectés par la dégradation du service.
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Cette haine peut nourrir un vote pour des partis comme le Rassemblement National (RN), de la part de personnes qui analysent la position des fonctionnaires comme un privilège, alors qu'ils sont en réalité victimes de travail empêché.
Le paradoxe européen et le sous-financement
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Le paradoxe entre défense affichée du service public et haine des fonctionnaires se retrouve ailleurs en Europe, où l'on retrouve les mêmes lieux communs, comme la figure du paresseux au guichet.
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Le sous-financement des services publics sert souvent à dénigrer les fonctionnaires, comme en témoigne l'exemple du Royaume-Uni, où le Premier Ministre Keir Starmer a déclaré que le National Health Service avait "rompu le contrat qu'elle avait avec le public", sans mentionner le sous-financement à l'œuvre depuis des décennies.