Maria Benitez a obtenu un sursis. Un mois de plus pour trouver une solution avant qu’elle et sa famille ne soient expulsées de chez eux par Bankia, la quatrième banque espagnole. Cette femme de 42 ans, vit dans une modeste maison de Montoro, dans la province de Cordoue avec son mari, ses trois enfants âgés de 17 à 20 ans, sa mère de 84 ans et sa soeur de 52 ans, handicapée. Sept personnes au total qui risquent de se retrouver à la rue, sans un sous, sans un emploi, et gonfler les statistiques des expulsions immobilières, qui se multiplient au fur et à mesure que se prolonge la crise.
Au total, selon l’Institut national de statistiques, 1,7 millions de foyers en Espagne comptent tous leurs membres au chômage. Et depuis le début de la crise, 150 000 personnes ont été expulsées de chez elles, et 300 000 autres attendent avec angoisse la venue de l’huissier, selon les associations de défense des “victimes des hypothèques”.
L’histoire de Maria est symptomatique de la situation dans laquelle se trouvent de plus en plus d’Espagnols, alors que le chômage touche 24,4% de la population active, et que bon nombre d’entre eux se sont endettés pour s’acheter une maison lorsque le pays affichait un taux de croissance insolent.
Expulsés pour une dette de 200 000 euros...
Toute la famille de María vit de la pension de sa mère, d’environ 400 euros, des aides de l’organisation caritative Caritas qui leur fournit régulièrement de la nourriture, et du soutien de la mairie qui paie de temps en temps les factures d’électricité. Maria est au chômage, tout comme son mari, ancien employé de la construction et qui avait hypothéqué la maison pour acheter un champ d’oliviers, mais dont le négoce a pris l’eau avec la baisse du prix de l’huile d’olive. Comment, dans ces conditions, espérer rembourser les 200 000 euros qu’ils doivent à la banque et faire face aux mensualités du prêt?
Ce 27 juin, la famille devait être expulsée. Mais, en racontant l’histoire de la famille Benítez dans une courte vidéo postée sur Youtube, baptisée Bankia sin alma (Bankia sans âme), le journaliste Alberto Almansa est parvenu à enflammer les réseaux sociaux. A tel point que l’agence de Bankia à Cordoue a convoqué Maria pour un rendez-vous ce vendredi matin. Devant les portes, la plate-forme Stop Desahucios (Stop expulsions) a mobilisé une centaine de personnes venues la soutenir. La mobilisation a porté ses fruits : la directrice d’agence a accepté de repousser du 27 juin au 27 juillet la date de l’expulsion, le temps d’examiner la requête de María, qui demande de rendre la maison en échange de l’effacement de la dette et de pouvoir continuer à y vivre moyennant le paiement d’un petit loyer. En attendant le verdict de la banque, combien d’autres familles seront expulsées dans l’anonymat?
...et 19 milliards d'euros d'aide publique pour Bankia
L’indignation croît en Espagne au même rythme que la pauvreté. Et l’histoire de Maria rassemble tous les ingrédients pour enflammer la société. Bankia, qualifiée de “première banque en matière d’expulsions immobilières” par les “Indignés”, est sur le point de recevoir 19 milliards d’euros de l’Etat. C’est elle qui, en demandant cette aide multimilliardaire, a provoqué le déblocage du plan de sauvetage européen pour les banques espagnoles, doté de jusqu’à 100 milliards d’euros. Un scandale majuscule dans un pays où les plaintes concernant les pratiques peu honnêtes des banquiers sont monnaie courante, et où pour économiser 10 milliards d’euros, le gouvernement s’est attaqué aux piliers de l’Etat providence : l’éducation et la santé.
“Un plan de sauvetage pour les personnes, pas pour les banques” ou “Sauvons les gens, expulsons les banquiers” se lisaient sur bon nombre de pancartes ces derniers jours lors des dernières manifestations contre l’austérité et la réforme du travail (mercredi) ou le sauvetage des banques, comme celle qui a eu lieu le week-end dernier devant le siège de Bankia à Madrid et à laquelle ont participé près de 2000 personnes. Alors que le gouvernement demande des sacrifices aux Espagnols, baisse le salaire des fonctionnaires, réduit les prestations de santé ou augmente les impôts, et que de plus en plus de gens sont sur le point de se retrouver à la rue, l’aide publique que l’Espagne s’apprête à débloquer pour les banques ne passe pas.
Sandrine Morel