Le téléphone de Jacques Delors - ancien président de la Commission de Bruxelles et ardent militant du « oui » - n’a certainement pas dû s’arrêter de sonner au lendemain de sa déclaration au Monde dans laquelle il indiquait que « le devoir de vérité impose de dire qu’il peut y avoir un plan B mais il faut expliquer l’extrême difficulté du problème ».
Jacques Delors demeure bien informé et son expérience en matière de fonctionnement des institutions européennes n’est plus à démontrer. Une personnalité soucieuse aussi de préserver son image dans l’opinion publique : si au lendemain du référendum et en cas de victoire du « non », ce fameux plan B surgissait des tiroirs, son image d’homme de « vérité » ne manquerait pas d’être écornée. Lorsque vendredi dernier il lance sur France 3 « vive le plan A, il n’y a pas de plan B », sa prestation effectuée sous la pression de ses amis inquiets apparaît plus comme une confirmation qu’à une rectification de sa déclaration au Monde. Qu’en est-il réellement ?
Un plan B circule depuis plusieurs semaines au sein de la Commission de Bruxelles et dans de nombreuses chancelleries européennes. Il s’agit d’une « note de travail » évoquant trois scénarios possibles dans l’hypothèse d’une victoire du « non » en France. Il est dans les usages que les institutions et les gouvernements chargent leurs collaborateurs de préparer des solutions de repli ou d’adaptation avant une échéance électorale, politique, économique ou sociale. Cela porte un nom : l’anticipation. Mais alors que cette pratique est connue et reconnue, pourquoi le gouvernement français et les partisans du « oui » cachent-ils ce document ? La raison est simple : ce texte confirme que la victoire du « non » n’entraînerait aucune « catastrophe », aucun « chaos » et qu’une nouvelle négociation est possible, notamment après le retrait de la partie III du projet Giscard.
Nous avons obtenu - sous couvert d’anonymat - une copie de la « note de travail » actuellement en circulation et conservée dans certains tiroirs à Paris, moins à Bruxelles. Voici une synthèse des trois perspectives envisagées.
Première hypothèse. « La France vote une nouvelle fois dans deux ou trois ans, en espérant obtenir un "oui". » Ce scénario n’a pas les faveurs des décideurs bruxellois et des chefs de gouvernement, car il est jugé trop « aléatoire », précisent les auteurs du texte.
Deuxième hypothèse. « La constitution n’est pas adoptée et dans la foulée elle est rejetée par les Pays-Bas. Les Français et les Allemands suivis des quatre autres pays fondateurs de 1957 (Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et éventuellement l’Espagne) s’engagent dans la formation d’une « avant-garde » qui permettrait des progrès importants et rapides sur le plan de l’intégration politique et sociale. Autour de ce « noyau dur », une agrégation plus souple à Vingt-Cinq subsisterait pour parachever l’intégration économique. Ce scénario présente l’inconvénient de se heurter à des agendas politiques parfois divergents. »
Troisième hypothèse. Le dernier scénario est qualifié de « pragmatique » et de « bon sens ». Il consiste à « prendre acte de la nature du "non" français. La partie III [celle qui cadenasse pour des dizaines d’années l’Europe à la politique ultralibérale - NDLR], serait retirée à l’occasion d’une conférence intergouvernementale, les chefs de gouvernement s’accordant pour "sauver" certains aspects de la constitution, toutes les fois où un accord peut être trouvé, - notamment sur les articles concernant les principes, les valeurs et le fonctionnement des institutions communautaires ».
À la lecture de cette « note de travail », on comprend mieux les raisons du refus du gouvernement français et des partisans du « oui » de camoufler aux électeurs le contenu du « plan B ». Le rejet du projet Giscard ne serait donc pas une « catastrophe », reconnaissent les auteurs de ce texte, pourtant peu enclins à favoriser les partisans du « non ». Au contraire, il favoriserait une remise à plat du traité permettant de donner un souffle populaire et social à la construction de l’Europe.
José Fort, dans L’Humanité
Jacques Delors demeure bien informé et son expérience en matière de fonctionnement des institutions européennes n’est plus à démontrer. Une personnalité soucieuse aussi de préserver son image dans l’opinion publique : si au lendemain du référendum et en cas de victoire du « non », ce fameux plan B surgissait des tiroirs, son image d’homme de « vérité » ne manquerait pas d’être écornée. Lorsque vendredi dernier il lance sur France 3 « vive le plan A, il n’y a pas de plan B », sa prestation effectuée sous la pression de ses amis inquiets apparaît plus comme une confirmation qu’à une rectification de sa déclaration au Monde. Qu’en est-il réellement ?
Un plan B circule depuis plusieurs semaines au sein de la Commission de Bruxelles et dans de nombreuses chancelleries européennes. Il s’agit d’une « note de travail » évoquant trois scénarios possibles dans l’hypothèse d’une victoire du « non » en France. Il est dans les usages que les institutions et les gouvernements chargent leurs collaborateurs de préparer des solutions de repli ou d’adaptation avant une échéance électorale, politique, économique ou sociale. Cela porte un nom : l’anticipation. Mais alors que cette pratique est connue et reconnue, pourquoi le gouvernement français et les partisans du « oui » cachent-ils ce document ? La raison est simple : ce texte confirme que la victoire du « non » n’entraînerait aucune « catastrophe », aucun « chaos » et qu’une nouvelle négociation est possible, notamment après le retrait de la partie III du projet Giscard.
Nous avons obtenu - sous couvert d’anonymat - une copie de la « note de travail » actuellement en circulation et conservée dans certains tiroirs à Paris, moins à Bruxelles. Voici une synthèse des trois perspectives envisagées.
Première hypothèse. « La France vote une nouvelle fois dans deux ou trois ans, en espérant obtenir un "oui". » Ce scénario n’a pas les faveurs des décideurs bruxellois et des chefs de gouvernement, car il est jugé trop « aléatoire », précisent les auteurs du texte.
Deuxième hypothèse. « La constitution n’est pas adoptée et dans la foulée elle est rejetée par les Pays-Bas. Les Français et les Allemands suivis des quatre autres pays fondateurs de 1957 (Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et éventuellement l’Espagne) s’engagent dans la formation d’une « avant-garde » qui permettrait des progrès importants et rapides sur le plan de l’intégration politique et sociale. Autour de ce « noyau dur », une agrégation plus souple à Vingt-Cinq subsisterait pour parachever l’intégration économique. Ce scénario présente l’inconvénient de se heurter à des agendas politiques parfois divergents. »
Troisième hypothèse. Le dernier scénario est qualifié de « pragmatique » et de « bon sens ». Il consiste à « prendre acte de la nature du "non" français. La partie III [celle qui cadenasse pour des dizaines d’années l’Europe à la politique ultralibérale - NDLR], serait retirée à l’occasion d’une conférence intergouvernementale, les chefs de gouvernement s’accordant pour "sauver" certains aspects de la constitution, toutes les fois où un accord peut être trouvé, - notamment sur les articles concernant les principes, les valeurs et le fonctionnement des institutions communautaires ».
À la lecture de cette « note de travail », on comprend mieux les raisons du refus du gouvernement français et des partisans du « oui » de camoufler aux électeurs le contenu du « plan B ». Le rejet du projet Giscard ne serait donc pas une « catastrophe », reconnaissent les auteurs de ce texte, pourtant peu enclins à favoriser les partisans du « non ». Au contraire, il favoriserait une remise à plat du traité permettant de donner un souffle populaire et social à la construction de l’Europe.
José Fort, dans L’Humanité