L'impôt, c'est pour les couillons.
Lundi 19 Mars 2012
Emmanuel Levy - Marianne
Journaliste économique à Marianne En savoir plus sur cet auteur
La France un paradis fiscal pour les grandes entreprises ? Les Français, qui payent désormais leur litre de SP95 jusqu’à 2€, ont découvert stupéfaits la douceur du ciel fiscal hexagonal pour les grandes sociétés à travers le scandale Total : le plus riche, le plus rentable, le plus important des groupes français ne paye pas un centime d’impôt sur les sociétés en France !
Malgré 5 ans à l’Elysée et neuf mois à Bercy en 2004, Nicolas Sarkozy dit n’avoir constaté cette aberration qu’en début d’année… « J'ai découvert quelque chose de pas normal : ces grands groupes maximisent les avantages fiscaux et une partie d'entre eux ne payent pas du tout d'impôts sur les bénéfices.» Le candidat-président a donc annoncé, la semaine dernière sur France 2, qu’à la faveur de sa réélection, il créerait un impôt sur les bénéfices « minimum » pour les groupes du CAC 40. Deux à trois milliards d’€ seraient ainsi ponctionnés. Même volonté d’agir chez François Hollande. Le programme du candidat PS prévoit à la fois un impôt sur les sociétés croissant avec la taille des sociétés, et la limitation d’une des niches fiscales la plus utilisée par les grands groupes : la déductibilité des frais financiers, autrement dit leur capacité d’imputer le cout de leur immenses emprunts sur leur bénéfices. Cette réforme rapporterait 3 milliards d’euros.
Pourtant, de nombreux rapports, à commencer par celui du Conseil des prélèvements obligatoires, avaient largement décrit la lente dérive de l’impôt sur les sociétés, son méticuleux détricotage. Ses travaux avaient montré que, miné par les niches, les montages des cabinets d’avocats fiscalistes, l’impôt sur les sociétés des aimables entreprises du CAC 40 s’était réduit comme peau de chagrin.
Avec un taux moyen de 8 %, le poids fiscal des sociétés du CAC 40 était quatre fois inférieur à celui de la PME soumise au régime commun d’imposition à 34,3 %. Michel Taly, ex-directeur de la législation fiscale (un des plus hauts postes à Bercy), le dit sans détour depuis qu’il est avocat au cabinet Arsene Taxand : « Pour les grands groupes, la France est aussi un paradis fiscal. Depuis 1987 et la mise en place de la fiscalité de groupe et son cumul avec la législation sur les holdings, les entreprises peuvent défiscaliser une part importante du coût de leur dette.
Là où les autres pays ont mis des barrières, Bercy laisse un nombre croissant d’entreprises réduire fortement leurs bénéfices imposables et donc la facture de leur impôt grâce à cette technique. C’est vrai pour les LBO [les rachats d’entreprise par endettement], mais aussi pour n’importe quel holding. Voilà qui explique pourquoi l’impôt sur les sociétés est moins élevé en France en points de PIB par rapport aux autres pays. »
17 groupe du CAC40 ont un impôt sur les sociétés nul ou négatif
A l’automne 2001, le rapport parlementaire rédigé par Gilles Carrez, rapporteur général UMP du budget à l’Assemblée, est entré dans le détail de cette situation scandaleuse. Ensemble, « les plus grandes entreprises, celles de plus de 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, paient entre 15 et 20 % de l’impôt sur les sociétés, alors qu’elles réalisent entre 50 et 70 % du chiffre d’affaires », note le rapport.
Une fois déduits les nombreux crédits d’impôt auxquels elles ont accès, on s’aperçoit que, sur 40 entreprises, 17 ne paient pas un centime au Trésor, il reste donc 23 contribuables. Mais, là encore, Gilles Carrez identifie un autre effet d’optique. Deux groupes se distinguent. Les gros contributeurs et les autres. Et quelle est la singularité de ce groupe de gros contributeurs composés d’EDF, France Télécom, GDF et Renault ? L’Etat en est actionnaire.
Ensemble, ces quatre entreprises fournissent 40 % de l’impôt sur les sociétés. Le rapport indique que « l’impôt sur les sociétés annuel moyen des autres groupes est inférieur à 2 milliards d’euros ». Elle est pas belle, la vie ? Les patrons de Total et consort affirment en chœur : nous ne faisons pas ou peu de bénéfices en France. Il faut les croire sur parole, puisque leurs rapports annuels se gardent bien de décrire la géographie des bénéfices. En revanche on connaît celle du chiffre d’affaires. Et, persévérant, Gilles Carrez a fait le calcul : les 36 groupes (avant remboursement du crédit impôt recherche) ont acquitté en moyenne en impôts 0,4 % de leurs 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés en France ! C’est très peu, et cela laisse entendre qu’en France on ne fait peu ou pas de profits.
Emmanuel Levy - Marianne
Journaliste économique à Marianne En savoir plus sur cet auteur
La France un paradis fiscal pour les grandes entreprises ? Les Français, qui payent désormais leur litre de SP95 jusqu’à 2€, ont découvert stupéfaits la douceur du ciel fiscal hexagonal pour les grandes sociétés à travers le scandale Total : le plus riche, le plus rentable, le plus important des groupes français ne paye pas un centime d’impôt sur les sociétés en France !
Malgré 5 ans à l’Elysée et neuf mois à Bercy en 2004, Nicolas Sarkozy dit n’avoir constaté cette aberration qu’en début d’année… « J'ai découvert quelque chose de pas normal : ces grands groupes maximisent les avantages fiscaux et une partie d'entre eux ne payent pas du tout d'impôts sur les bénéfices.» Le candidat-président a donc annoncé, la semaine dernière sur France 2, qu’à la faveur de sa réélection, il créerait un impôt sur les bénéfices « minimum » pour les groupes du CAC 40. Deux à trois milliards d’€ seraient ainsi ponctionnés. Même volonté d’agir chez François Hollande. Le programme du candidat PS prévoit à la fois un impôt sur les sociétés croissant avec la taille des sociétés, et la limitation d’une des niches fiscales la plus utilisée par les grands groupes : la déductibilité des frais financiers, autrement dit leur capacité d’imputer le cout de leur immenses emprunts sur leur bénéfices. Cette réforme rapporterait 3 milliards d’euros.
Pourtant, de nombreux rapports, à commencer par celui du Conseil des prélèvements obligatoires, avaient largement décrit la lente dérive de l’impôt sur les sociétés, son méticuleux détricotage. Ses travaux avaient montré que, miné par les niches, les montages des cabinets d’avocats fiscalistes, l’impôt sur les sociétés des aimables entreprises du CAC 40 s’était réduit comme peau de chagrin.
Avec un taux moyen de 8 %, le poids fiscal des sociétés du CAC 40 était quatre fois inférieur à celui de la PME soumise au régime commun d’imposition à 34,3 %. Michel Taly, ex-directeur de la législation fiscale (un des plus hauts postes à Bercy), le dit sans détour depuis qu’il est avocat au cabinet Arsene Taxand : « Pour les grands groupes, la France est aussi un paradis fiscal. Depuis 1987 et la mise en place de la fiscalité de groupe et son cumul avec la législation sur les holdings, les entreprises peuvent défiscaliser une part importante du coût de leur dette.
Là où les autres pays ont mis des barrières, Bercy laisse un nombre croissant d’entreprises réduire fortement leurs bénéfices imposables et donc la facture de leur impôt grâce à cette technique. C’est vrai pour les LBO [les rachats d’entreprise par endettement], mais aussi pour n’importe quel holding. Voilà qui explique pourquoi l’impôt sur les sociétés est moins élevé en France en points de PIB par rapport aux autres pays. »
17 groupe du CAC40 ont un impôt sur les sociétés nul ou négatif
A l’automne 2001, le rapport parlementaire rédigé par Gilles Carrez, rapporteur général UMP du budget à l’Assemblée, est entré dans le détail de cette situation scandaleuse. Ensemble, « les plus grandes entreprises, celles de plus de 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, paient entre 15 et 20 % de l’impôt sur les sociétés, alors qu’elles réalisent entre 50 et 70 % du chiffre d’affaires », note le rapport.
Une fois déduits les nombreux crédits d’impôt auxquels elles ont accès, on s’aperçoit que, sur 40 entreprises, 17 ne paient pas un centime au Trésor, il reste donc 23 contribuables. Mais, là encore, Gilles Carrez identifie un autre effet d’optique. Deux groupes se distinguent. Les gros contributeurs et les autres. Et quelle est la singularité de ce groupe de gros contributeurs composés d’EDF, France Télécom, GDF et Renault ? L’Etat en est actionnaire.
Ensemble, ces quatre entreprises fournissent 40 % de l’impôt sur les sociétés. Le rapport indique que « l’impôt sur les sociétés annuel moyen des autres groupes est inférieur à 2 milliards d’euros ». Elle est pas belle, la vie ? Les patrons de Total et consort affirment en chœur : nous ne faisons pas ou peu de bénéfices en France. Il faut les croire sur parole, puisque leurs rapports annuels se gardent bien de décrire la géographie des bénéfices. En revanche on connaît celle du chiffre d’affaires. Et, persévérant, Gilles Carrez a fait le calcul : les 36 groupes (avant remboursement du crédit impôt recherche) ont acquitté en moyenne en impôts 0,4 % de leurs 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés en France ! C’est très peu, et cela laisse entendre qu’en France on ne fait peu ou pas de profits.