Il n'y a pas plus con qu'un raciste. C'est prouvé scientifiquement.
Par Jonathan Bouchet-Petersen — 23 février 2018
ÉDITO
«Il ne faut pas laisser Jeanne d’Arc au FN.» Voici comment le cabinet d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, justifiait la visite à Orléans, en mai 2016, de celui qui allait accéder un an plus tard à l’Elysée. Une affirmation formulée de nombreuses fois avant lui par Ségolène Royal, qui compte «Jeanne» dans son Panthéon personnel et politique, convaincue que cette figure patriotique, symbole de courage, est un bien commun qui appartient aux Français et non à sa f(r)ange la plus rance.
Deux ans plus tard, c’est l’appropriation de cette icône nationale par la droite identitaire et par l’extrême droite - dont on peine de plus en plus à distinguer les causes - qui suscite la controverse.
A Orléans, la jeune fille choisie cette année par la ville pour incarner Jeanne d’Arc aux prochaines fêtes johanniques est en effet la cible, sur les réseaux sociaux, de très nombreuses injures et commentaires haineux. Le crime de Mathilde Edey Gamassou, 17 ans ? Etre métisse, rien de plus, une première pour cette fête annuelle qui se tient pour la cinquantième fois. Ni une ni deux, une meute de courageux anonymes - qu’on peut résumer par le terme imparfait de «fachosphère» - s’est mise en branle pour fustiger le choix (parmi 250 candidates) de cette Française aux origines béninoises par son père et polonaises par sa mère. Une jeune fille plutôt classique qui, en plus d’étudier en classe de première, pratique l’escrime et le chant lyrique au conservatoire, quand elle ne s’investit pas dans les associations «Sainte Jeanne, hier, aujourd’hui et demain», «les Sentinelles de l’invisible» ou auprès des scouts d’Europe. Une catholique pratiquante qui, «bien sûr», va chaque dimanche à la messe. Mais qu’est-ce que tout cela à côté de sa couleur de peau, pas assez diaphane pour quelques haineux braillards adepte du cyber-harcèlement ?
Depuis sa présentation officielle, lundi, le déferlement raciste est tel que le procureur de la République d’Orléans a ouvert une enquête préliminaire pour «incitation et provocation à la haine raciale». Deux internautes, faisant mention de «babouin» et de «bananes» pour qualifier la jeune fille, sont visés. Les termes rappellent ceux qui visaient Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, et pour lesquels elle a fait condamner une ancienne candidate FN (3 000 euros avec sursis). S’ils étaient abjects visant un personnage public habitué à la calomnie dans le combat politique mais particulièrement marqué par l’épisode (elle en a fait un livre), que dire quand la meute vise une jeune fille qui ne revendique rien d’autre que de participer à une célébration historique de sa ville ?
La présidente du comité Jeanne d’Arc s’est dite «triste de penser que ce choix puisse susciter la moindre récupération» et a rappelé, comme une évidence, que cette jeune fille «répond aux quatre critères de choix que nous nous sommes fixés: résider à Orléans depuis dix ans, être scolarisée dans un lycée orléanais, être catholique et donner du temps aux autres.» Le maire d’Orléans (ex-LR) est de même monté au créneau pour dire sa consternation. Tandis que la ministre Marlène Schiappa a tweeté que «Jeanne d’Arc n’appartient pas aux identitaires». Lesquels ont du mal à dépasser l’image de Brigitte Bardot en Marianne de souche. On leur dit que Jésus n’était pas blond aux yeux bleus et que le métissage est l’essence même de la vie ?
ÉDITO
«Il ne faut pas laisser Jeanne d’Arc au FN.» Voici comment le cabinet d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, justifiait la visite à Orléans, en mai 2016, de celui qui allait accéder un an plus tard à l’Elysée. Une affirmation formulée de nombreuses fois avant lui par Ségolène Royal, qui compte «Jeanne» dans son Panthéon personnel et politique, convaincue que cette figure patriotique, symbole de courage, est un bien commun qui appartient aux Français et non à sa f(r)ange la plus rance.
Deux ans plus tard, c’est l’appropriation de cette icône nationale par la droite identitaire et par l’extrême droite - dont on peine de plus en plus à distinguer les causes - qui suscite la controverse.
A Orléans, la jeune fille choisie cette année par la ville pour incarner Jeanne d’Arc aux prochaines fêtes johanniques est en effet la cible, sur les réseaux sociaux, de très nombreuses injures et commentaires haineux. Le crime de Mathilde Edey Gamassou, 17 ans ? Etre métisse, rien de plus, une première pour cette fête annuelle qui se tient pour la cinquantième fois. Ni une ni deux, une meute de courageux anonymes - qu’on peut résumer par le terme imparfait de «fachosphère» - s’est mise en branle pour fustiger le choix (parmi 250 candidates) de cette Française aux origines béninoises par son père et polonaises par sa mère. Une jeune fille plutôt classique qui, en plus d’étudier en classe de première, pratique l’escrime et le chant lyrique au conservatoire, quand elle ne s’investit pas dans les associations «Sainte Jeanne, hier, aujourd’hui et demain», «les Sentinelles de l’invisible» ou auprès des scouts d’Europe. Une catholique pratiquante qui, «bien sûr», va chaque dimanche à la messe. Mais qu’est-ce que tout cela à côté de sa couleur de peau, pas assez diaphane pour quelques haineux braillards adepte du cyber-harcèlement ?
Depuis sa présentation officielle, lundi, le déferlement raciste est tel que le procureur de la République d’Orléans a ouvert une enquête préliminaire pour «incitation et provocation à la haine raciale». Deux internautes, faisant mention de «babouin» et de «bananes» pour qualifier la jeune fille, sont visés. Les termes rappellent ceux qui visaient Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, et pour lesquels elle a fait condamner une ancienne candidate FN (3 000 euros avec sursis). S’ils étaient abjects visant un personnage public habitué à la calomnie dans le combat politique mais particulièrement marqué par l’épisode (elle en a fait un livre), que dire quand la meute vise une jeune fille qui ne revendique rien d’autre que de participer à une célébration historique de sa ville ?
La présidente du comité Jeanne d’Arc s’est dite «triste de penser que ce choix puisse susciter la moindre récupération» et a rappelé, comme une évidence, que cette jeune fille «répond aux quatre critères de choix que nous nous sommes fixés: résider à Orléans depuis dix ans, être scolarisée dans un lycée orléanais, être catholique et donner du temps aux autres.» Le maire d’Orléans (ex-LR) est de même monté au créneau pour dire sa consternation. Tandis que la ministre Marlène Schiappa a tweeté que «Jeanne d’Arc n’appartient pas aux identitaires». Lesquels ont du mal à dépasser l’image de Brigitte Bardot en Marianne de souche. On leur dit que Jésus n’était pas blond aux yeux bleus et que le métissage est l’essence même de la vie ?