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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]



Finissons-en avec le syndrome Léa Seydoux !

Deux écologistes répondent à l'actrice qui déclarait avoir fait «l'école de la vie» et dénoncent le «mythe républicain» de la méritocratie, qui dépasse de loin le cas de l'actrice.



TRIBUNE

Par David Belliard, coprésident du groupe écologiste au Conseil de Paris et Agnès Michel, responsable de la commission économique et sociale d'EELV — 27 mai 2016 à 08:00

Léa Seydoux est une actrice for-mi-da-ble. Preuve en est sa déclaration dans une interview donnée à Madame Figaro qui affirme sans coup férir que l’actrice a fait «l’école de la vie». Jolie formule pour mettre en scène l’histoire merveilleuse d’une star qui ne doit sa réussite qu’à son seul talent – et qui, dans le même coup, veut faire oublier d’où elle vient. Car, après tout, quelle importance que Léa Seydoux soit l’une des héritières des fondateurs de Pathé et de Gaumont ? Que pèsent ces bien maigres attaches familiales finalement face au talent, réel, de cette femme devenue en quelques années l’une des plus connues du cinéma français ? De cette histoire, nous ne devons nous souvenir que d’une chose, essentielle : Léa Seydoux a du talent et c’est une actrice for-mi-da-ble.

Habillée de ces nouveaux habits de Cendrillon des temps modernes, qui transcendent les contraintes sociales, Léa Seydoux remet au goût du jour, façon paillettes et projecteurs, le mythe républicain de la méritocratie qui lie aussi sûrement que les doigts de la main travail, talents et réussite. Elle nous susurre dans l’oreille la jolie histoire d’une France qui donne sa chance à toutes et tous, et dont l’Ecole autorise à chacune et à chacun la possibilité, sous condition de travail, de crever l’écran de la réussite sociale.

Attaquer les rentiers
Nous aurions pu nous contenter de rire des propos de la star, comme ne s’en sont pas privés – à raison - les internautes, s’il ne s’agissait que de déclarations isolées. Malheureusement, c’est l’écrasante majorité de nos dirigeants qui est atteinte de ce «syndrome Léa Seydoux», qui invisibilise les discriminations sociales pour mieux valoriser la réussite des enfants de ceux qui ont déjà beaucoup. Or la réalité est toute autre. La dernière enquête Pisa, menée par l’OCDE, souligne ainsi que la France est l’un des pays européen où le milieu social exerce la plus grande influence sur les résultats scolaires des élèves. Et que dire des grandes écoles, dont les rangs comptent si peu d’enfants de chômeurs, d’ouvriers et d’employés ? Même au cinéma, chéri des journalistes, les actrices et les acteurs restent encore majoritairement issus de milieux aisés – et désespérément blancs.

En niant ces réalités sociales, l’entretien du «syndrome Léa Seydoux», relayé sans filtre par les médias, n’a qu’un objectif : préserver les acquis de la France des rentiers. Par déni, par intérêt ou par calcul politique, les causes de ce syndrome sont nombreuses et puissantes, malgré ses effets dévastateurs. Car celles et ceux qui se retrouvent derrière les portes de la réussite, qui arrêtent leurs études faute d’argent, qui n’accèdent ni aux postes ni aux logements convoités, eux voient bien que quelque chose cloche. Avec pour corollaire son lot de frustrations et de colères.

En finir avec ce syndrome est une nécessité vitale et si c’est une responsabilité collective, c’est aussi et surtout celle de la gauche. C’est d’abord à elle de dire l’histoire telle qu’elle est vraiment, celle d’une France figée et qui profite, génération après génération, aux mêmes. C’est aussi à elle de proposer de vraies mesures pour sortir de cette situation qui privilégie la rente. Par exemple, une taxation à 100% des héritages et donations de plus de 2 millions d’euros serait une réforme qui permettrait de limiter l’accumulation dynastique. Elle permettrait à ce que toute génération se construise davantage par elle-même plutôt que grâce au hasard d’une rente familiale. Et faire que les futures Léa Seydoux, issues de vieilles familles industrielles (Seydoux, mais aussi Schlumberger), soient «un peu plus» à égalité avec celles et ceux qui viennent de familles modestes. En finir avec le «syndrome Léa Seydoux», c’est au final attaquer de front les effets néfastes du poids de la rente, et donner une vraie chance de réussite à toutes et à tous.

David Belliard coprésident du groupe écologiste au Conseil de Paris , Agnès Michel responsable de la commission économique et sociale d'EELV

Source : http://www.liberation.fr/debats/

Samedi 28 Mai 2016

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