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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]



Chronique d'un naufrage annoncé

Nous vivons dans un pays extraordinaire : pour lutter contre le chômage on n’a rien trouvé de mieux que de favoriser… les licenciements !

Nous avons un président extraordinaire : il félicite en public son premier ministre pour son sens du dialogue alors que celui-ci vient de prendre une mesure capitale pour l’avenir des jeunes de ce pays sans jamais en avoir discuté avec les syndicats, et au mépris de la loi qui l’obligeait pourtant à le faire. Sur quoi, tel qu’en lui même, Chirac annonce publiquement, à quelques heures de la rencontre avec les syndicats, qu’il n’est pas question de remettre en cause le CPE, alors qu’il sait pertinemment que les dits syndicats exigent le retrait du CPE, en préalable à toute discussion.



Quand on a dépassé les bornes, il n'y a plus de limites !
Quand on a dépassé les bornes, il n'y a plus de limites !
Nous avons un premier ministre extraordinaire, qui, à quelques mois des présidentielles met le feu au château, tout en continuant à déclamer ses poèmes. La femme de son patron, qui ne l’aime guère, l’appelait déjà Néron, dans l’intimité. Il faut au moins lui reconnaître qu’elle n’a pas toujours eu tort !

Nous avons un patronat extraordinaire : sa patronne trouve que le gouvernement n’en fait pas assez ! M. Chirac et ses gouvernements successifs lui ont accordé en quelques années plus que ce qu’ils ont reçu pendant des décennies, Rafarin et Villepin ont commencé d’enfoncer de larges coins dans le code du travail, mais cela ne suffit pas à Dame Parisot ; elle en veut toujours plus. Et bien entendu dans l’intérêt des français, pas des entreprises. Ben voyons !

Nous avons des députés UMP extraordinaires : ils couinent qu’une loi a été votée, alors qu’elle n’a pas été votée mais imposée, au forceps, à grand coups de 49-3 ! Et sans aucune concertation préalable. Après cela, ces mêmes députés déplorent la défiance des français à l’égard des hommes politiques de ce pays. Rappelons quand même que depuis 10 ans le président de ce pays a été élu à la suite d’un concours de circonstances (20% au premier tour, 80% au second) Rappelons que la droite au pouvoir a depuis perdu toutes les régions, ou presque, aux élections régionales, a imposé la dernière loi de décentralisation au 49-3, et a subi un camouflet historique lors du dernier référendum sur l’Europe.

On dira après cela que les français sont fantasques et ingouvernables ! je dirais plutôt que depuis un peu plus de 10 ans les gouvernements successifs gouvernent contre la volonté des français. Ce ne sont pas les français qui sont ingouvernables, ce sont les gouvernements de M. CHIRAC qui sont autistes !

Sur le fond du problème maintenant est ce que la flexibilité, tant réclamée par le Medef et ses affidés, peut améliorer en quoi que ce soit la situation du chômage dans ce pays ?

Certainement pas ! Tous les experts en sont d’accord, elle ne pourra qu’améliorer la compétitivité des entreprises, ce qui n’est pas du tout la même chose ! De ce point de vue les grandes entreprises françaises peuvent dire merci à tous les cadeaux que M. Chirac et l’Europe leur ont accordé. Elles ne se sont jamais si bien portées et affichent des bénéfices historiques.

Mais, me direz-vous il n’y a pas que de grandes entreprises en France, il y a des PME, et même des TPE qui souffrent. Je suis d’accord, mais il faudrait peut être qu’un jour ces petites entreprises comprennent qu’elles aussi sont tout autant menacées par les grandes entreprises, comme l’ensemble des salariés. Et qu’elles arrêtent de tenir des langages de « patron » alors qu’elles ne sont, ou ne seront, que les soutiers des multinationales.

Le vrai problème est là : les multinationales, mêmes françaises, prospèrent, les riches sont de plus en plus riches, le gouvernement de la France obéit à la bourse, c'est-à-dire aux multinationales. J’ajoute à ce tableau, et ce n’est pas le moindre élément du problème, les médias, qui appartiennent désormais quasiment tous… aux grandes entreprises. Heureusement qu’il nous reste le Canard Enchaîné, le seul journal de France sans publicité !

Face à cela le français de base, qui n’est pas, ou qui n’est plus, un veau comme disait l’autre, observe et compte les coups. Contrairement aux salariés de tous les autres grands pays du monde il n’est pas d’accord avec ce qui se passe et le dit à chaque fois qu’on lui donne l’occasion de s’exprimer. La précarité institutionnalisée telle qu’elle existe aux USA, qui n’ont certainement pas de leçon à nous donner en ce domaine, et en Angleterre, les deux pays que les tenants de la flexibilité érigent en modèle, les français n’en veulent pas. Le fameux modèle français, que les salariés du monde entier nous envient, et qui suscite tant de haine de la part des ultras libéraux qui nous gouvernent, les français ne veulent pas le perdre. Le meilleur système de sécurité sociale du monde, la meilleure administration du monde, le meilleur système d’éducation du monde, excusez moi si j’en oublie, les français y tiennent, et on peut les comprendre.

On nous répond : la sécu, l’administration, c'est-à-dire la garantie de la pérennité de l’emploi, l’éducation détachée de toute contingence économique cela coûte trop cher, c’est dépassé, ça perturbe la croissance, et ça empêche notre pays de rester parmi les premières puissances économiques du monde.

Je répondrais que la place de la France dans le concert mondial des multinationales, la course éperdue après la croissance, sont sans doute des objectifs logiques pour les grandes entreprises, mais certainement pas pour les français ! Je répondrais également que si j’avais le choix je préférerais, et de loin, être Suisse ou Danois, plutôt qu’Américain !

Nous sommes là au cœur du débat, et nous en venons aux questions essentielles ? Va-t-on enfin se préoccuper du sort des français, ou va-t-on continuer encore longtemps à pleurer sur le sort des entreprises ? En un mot : la France appartient elle aux Français, ou aux multinationales ? Le gouvernement de la France doit il rester impuissant devant l’économie mondiale, comme l’avouait déjà en d’autres temps un certain Jospin, ou bien au contraire consacrer le montant de nos impôts et taxes à l’amélioration du sort des plus défavorisés d’abord, des vrais artisans de la croissance ensuite, à savoir les travailleurs ?

On va me dire : critiquer c’est bien, agir c’est mieux ! Quelles sont vos solutions ?

Je répondrais que depuis longtemps on accorde chaque année des milliards aux entreprises en exonérations et aides de toutes sortes. Les PME et TPE s’en portent elles mieux ? Non ! Les grandes entreprises en ont-elles bénéficié ? Oui ! Et c’est même impressionnant ! Moralité : elle est évidente, à condition de ne pas être inféodé d’une manière ou d’une autres aux grandes entreprises, consacrons ces milliards en priorité à améliorer le sort des français et des entreprises moyennes ou petites qui en ont vraiment besoin (et qui prouveront qu’elles utilisent ces aides à bons escient) plutôt que celui des grandes entreprises !

C’était jadis le dogme du libéralisme : l’Etat ne doit pas intervenir dans le secteur économique. Nous en sommes loin, et avec quels résultats ! Les grandes entreprises vont partir à l’étranger ? La belle affaire ( !) elles y sont déjà ! C’est même le propre des multinationales que de pouvoir migrer sans difficulté d’un siège social à un autre, au gré des facilités fiscales et des cadeaux que les gouvernements leur consentent. Les français les plus riches vont partir à l’étranger ? Qu’ils partent ! Les français de base n’ont pas besoin d’eux ! Et ils ne fausseront plus les statistiques !

« -Mais, dîtes moi, c’est la révolution que vous proposez ? » Non, c’est simplement une évolution vers plus de justice et plus d’équité. La révolution, l’histoire l’a prouvé, et le dictionnaire l’atteste, ça consiste toujours à revenir à son point de départ. Non merci !

« -Mais vous rêvez Monsieur ! » Peut être, mais j’en connais beaucoup dans notre bon pays qui ne rêvent plus depuis longtemps et je peux vous prédire, sans risque d’être contredit par vos services marketing, que lorsque dans une société de consommation les gens ne rêvent plus, il importe d’éprouver quelques inquiétudes. L’espoir, c’est la planche des faibles et le salut des puissants : lorsqu’on il n’y a plus d’espoir, les puissants ont tout lieu de s’inquiéter.

Voilà les vraies questions politiques qui se posent à nous aujourd’hui, bien loin des médiocres et stériles interrogations sur Sarpin ouVillekosy, Fabius ou DSK, François ou Ségolène ! Je crains fort que les français n’aient pas la classe politique qu’ils méritent.

Quand à l’issue du grave conflit en cours, je redoute que le capitaine, en plein naufrage, n’ait décidé d’entraîner le navire avec lui. A mon avis la seule solution, pour l’avenir de ce pays, serait la démission immédiate du président, et de nouvelles élections présidentielles et législatives dans les plus brefs délais.

Avant qu’il ne soit trop tard…


Dernières nouvelles

Notre ineffable président a trouvé une solution "extrordinaire" : Il promulgue la loi honnie mais il affirme dans le même temps qu'elle ne sera pas appliquée ! Autrement dit ; les français ont raison, mon premier ministre a tort, mais je ne le dirai pas ! On comprend pourquoi lls observateurs étrangers ne comprennent rien à la politique française.

Dimanche 26 Mars 2006

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