Quand j’étais gamin, Charles de Gaulle étant à l’Elysée et Georges Pompidou à l’hôtel de Matignon, l’arrivée du cirque Pinder dans un village de France ou un quartier de grande ville était toujours accueilli avec ferveur. Sur un autre registre, en ce début de XXIe siècle, le Salon de l’Agriculture participe des animations attendues par les familles de la région parisienne. On ira voir les vaches comme on allait voir les lions, étant entendu que les premières ont un caractère plus exotique que les seconds car beaucoup plus rares à la télévision. Il y aura bien quelques panneaux vantant les mérites folkloriques de nos terroirs et quelques stands où déguster un saucisson d’Auvergne et un fromage du Jura, mais, pour l’essentiel, ce sont les gigantesques panneaux à l’enseigne des groupes de l’industrie agro alimentaire qui constitueront LE MUST du décorum médiatique et financier de « la foire agricole », comme disaient ceux qui s’y croyaient chez eux.
Fut en temps, quand l’instruction était encore civique et le suffrage universel entendu par la classe politique, l’agriculture était le pendant de l’industrie, à savoir que la première gardait un visage humain pour préserver les paysages de la France alors que la seconde brillait par la technologie de ses architectures. Les deux mamelles de la France contemporaine aurait dit Maximilien de Béthune alias Sully. Las, depuis une dizaine d’années, lorsque l’on franchit les portes du Salon, on est aussitôt submergé et happé par la signalétique enrubannée des grandes enseignes de l’industrie agro alimentaire.
Ce n’est plus le forum des paysans cultivant la terre mais le symposium des fabricants de la malbouffe. On se croirait dans un hypermarché dont les rayons crèmerie, conserves, compote, plats cuisinés, produits surgelés etc, etc, occuperaient toute la (grande) surface du magasin. Comble du cynisme, jusqu’à l’an dernier, c’est « l’espace » Mc Donald, avec son clown jaune en effigie dominante, qui occupait tout le centre du pavillon élevage. Quand on sait l’impact désastreux que cette forme d’alimentation peut avoir sur les races bovines de tradition française on se dit que l’assassin revient toujours sur les lieux du crime.
Le cheese burger au cul du charolais et le big mac sous la mère, tel est le concept de la grande manifestation rurale, comme pour mieux convaincre le citoyen que l’industrie du fast-food soutient la cause paysanne. Et lorsque le visiteur arpente les allées du salon à la recherche d’un troupeau de moutons ou d’une gerbe de blé, il lui faut franchir des barrières estampillées Cassegrain, Bonduelle, Andros, Lactalis,, Elle-&-Vire, Charal, Fleury-Michon, Danone, Carrefour, Monoprix, Auchan et Géant Vert, avec la bénédiction vénale de la FNSEA, avant de parvenir à sa petite étable reconstituée. Traverser autant de merde pour trouver une bouse, le raccourci est tentant.
Cette année, espérons que ce sera le patrimoine équestre roumain qui sera mis à l’honneur par les marchands de bonheur gourmand que sont Comigel et Spanghero. Dans le genre écurie des courses, gageons que Findus partira en pôle position. Si la terre ne ment pas, il y en a en revanche qui ne disent pas toujours la vérité. Messieurs les industriels de la ruralité humiliée, souillée, galvaudée, peut-être pourriez vous choisir un autre endroit que le salon de l’Agriculture pour montrer votre cul. Comme on dit par chez nous : « Allez faire ça ailleurs ».