Un article du Monde Diplomatique du 19 juin 2006 qui nous rappelle que, même pendant la coupe du monde, les travaux (pré-présidentiels) continuent !
Adresse de la pétition en faveur du maintien de La bas si j'y suis à une heure décente :
http://www.la-bas.org/petition/index.php?petition=5
Depuis plusieurs semaines, une série d’affaires secouent les médias français, tant privés que publics, soulevant la question de leur indépendance rédactionnelle.
Dans les médias privés, la baisse de diffusion de nombre de titres, certains parmi les plus prestigieux, accroît l’influence du propriétaire appelé à résorber les dettes.
Le fondateur de Libération, Serge July, s’est déclaré contraint au départ par le principal propriétaire du titre, le banquier Edouard de Rothschild, effrayé par les pertes du journal. L’affaire EADS concerne elle aussi un industriel propriétaire de médias, M. Arnaud Lagardère. En effet, des soupçons de délit d’initié visent certains actionnaires importants de l’entreprise aéronautique, dont le coprésident d’EADS, M. Noël Forgeard, ses enfants, et le groupe Lagardère. Tous ont vendu de très nombreux titres peu avant que l’annonce d’un retard à la livraison d’avions Airbus A-380 provoque la plongée de la valeur boursière d’EADS (26 % de baisse le 14 juin). Enfin, l’affaire du remplacement de M. Zacharias à la tête du groupe Vinci, consécutif aux exigences financières démesurées de l’ancien PDG (plus de 200 millions d’euros au total), implique un autre acteur des médias, M. Alain Minc. Ce dernier, en tant que membre du conseil d’administration de Vinci, a appuyé M. Zacharias et s’est opposé à son remplacement.
L’affaire EADS, la plus grave, implique directement le groupe Lagardère. Or celui-ci contrôle de très nombreuses publications (de Paris Match au Journal du Dimanche), plusieurs radios (dont Europe 1, où le principal studio se nomme Lagardère), ainsi que des participations au capital de plusieurs titres indépendants (dont Le Monde). Dans ces conditions, ce n’est peut-être pas seulement l’actualité de la Coupe du monde de football qui explique que les développements à EADS aient suscité moins de fièvre dans les médias – et moins de commentaires indignés des éditorialistes – que telle ou telle déclaration secondaire d’un responsable politique ou d’un amuseur.
Et ce n’est sans doute pas non plus par accident que M. Forgeard, coprésident d’EADS, a choisi le micro (amical) d’Europe 1 pour livrer ses premières explications à Jean-Pierre Elkabbach, journaliste mais aussi conseiller d’Arnaud Lagardère. Quelques semaines plus tôt, M. Forgeard, qui avait alors réalisé la vente de ses millions d’euros de stock options, avait déjà choisi Europe 1, cette fois pour justifier des charrettes de licenciements à l’entreprise Sogerma de Mérignac.
Face à une telle situation dans les médias privés, on pouvait espérer que l’audiovisuel public demeurerait, lui, à l’écart des pressions de ses « actionnaires », le pouvoir politique dans le cas d’espèce. Un an avant l’élection présidentielle, il n’en est rien, apparemment. A Radio France, l’émission produite par Daniel Mermet sur France Inter, Là-bas si j’y suis, dont chacun connaît la capacité de critique sociale, serait menacée.
Interrogé par Le Monde diplomatique, le directeur délégué de France Inter, M. Frédéric Schlesinger, vient en effet de confirmer qu’il envisageait de déplacer cette émission vers une tranche horaire (15 heures au lieu de 17 heures) qui la priverait presque automatiquement de la moitié de son audience.
Selon M. Schlesinger, la décision ne serait pas encore prise. Mais sa motivation (officielle) est déjà connue. Il ne s’agirait pas, bien sûr, d’une mesure politique... M. Schlesinger, qui a exercé précédemment des fonctions importantes au sein du groupe Lagardère, préfère invoquer « les derniers résultats de Médiamétrie », même si, dans une grille marquée par un recul général d’audience de France Inter, Là-bas si j’y suis a conservé, voire accru le nombre de ses auditeurs.
Quoi qu’il en soit, il est un peu étonnant qu’une radio publique admette (ou prétende) déterminer ses programmes en fonction de sondages d’audience, à la fiabilité incertaine, sans se soucier du contenu de ce qui est diffusé. Et des missions de service public imparties à la station. Au point que M. Schlesinger confie : « Et si Daniel [Mermet] était capable de gagner 0,2 point ; et si l’équipe qui le remplace était capable de gagner 0,2 point. Eh bien, France Inter aurait gagné 0,4 point. »
Peut-être que l’idée de permettre à Là-bas si j’y suis de faire remonter une audience très faible – « un challenge » selon le directeur délégué de France Inter – n’est pas tout à fait sans rapport avec la campagne électorale qui s’annonce. Car, quitte à « gagner 0,2 point » quelque part, pourquoi ne pas avoir choisi pour Daniel Mermet et son équipe le « challenge » de faire remonter une tranche horaire plus populaire encore que celle de 17 heures ?
Des milliers d’auditeurs de France Inter, qui se posent la même question, ont déjà signé une pétition de soutien aux journalistes de Là bas si j’y suis.
Adresse de la pétition en faveur du maintien de La bas si j'y suis à une heure décente :
http://www.la-bas.org/petition/index.php?petition=5
Depuis plusieurs semaines, une série d’affaires secouent les médias français, tant privés que publics, soulevant la question de leur indépendance rédactionnelle.
Dans les médias privés, la baisse de diffusion de nombre de titres, certains parmi les plus prestigieux, accroît l’influence du propriétaire appelé à résorber les dettes.
Le fondateur de Libération, Serge July, s’est déclaré contraint au départ par le principal propriétaire du titre, le banquier Edouard de Rothschild, effrayé par les pertes du journal. L’affaire EADS concerne elle aussi un industriel propriétaire de médias, M. Arnaud Lagardère. En effet, des soupçons de délit d’initié visent certains actionnaires importants de l’entreprise aéronautique, dont le coprésident d’EADS, M. Noël Forgeard, ses enfants, et le groupe Lagardère. Tous ont vendu de très nombreux titres peu avant que l’annonce d’un retard à la livraison d’avions Airbus A-380 provoque la plongée de la valeur boursière d’EADS (26 % de baisse le 14 juin). Enfin, l’affaire du remplacement de M. Zacharias à la tête du groupe Vinci, consécutif aux exigences financières démesurées de l’ancien PDG (plus de 200 millions d’euros au total), implique un autre acteur des médias, M. Alain Minc. Ce dernier, en tant que membre du conseil d’administration de Vinci, a appuyé M. Zacharias et s’est opposé à son remplacement.
L’affaire EADS, la plus grave, implique directement le groupe Lagardère. Or celui-ci contrôle de très nombreuses publications (de Paris Match au Journal du Dimanche), plusieurs radios (dont Europe 1, où le principal studio se nomme Lagardère), ainsi que des participations au capital de plusieurs titres indépendants (dont Le Monde). Dans ces conditions, ce n’est peut-être pas seulement l’actualité de la Coupe du monde de football qui explique que les développements à EADS aient suscité moins de fièvre dans les médias – et moins de commentaires indignés des éditorialistes – que telle ou telle déclaration secondaire d’un responsable politique ou d’un amuseur.
Et ce n’est sans doute pas non plus par accident que M. Forgeard, coprésident d’EADS, a choisi le micro (amical) d’Europe 1 pour livrer ses premières explications à Jean-Pierre Elkabbach, journaliste mais aussi conseiller d’Arnaud Lagardère. Quelques semaines plus tôt, M. Forgeard, qui avait alors réalisé la vente de ses millions d’euros de stock options, avait déjà choisi Europe 1, cette fois pour justifier des charrettes de licenciements à l’entreprise Sogerma de Mérignac.
Face à une telle situation dans les médias privés, on pouvait espérer que l’audiovisuel public demeurerait, lui, à l’écart des pressions de ses « actionnaires », le pouvoir politique dans le cas d’espèce. Un an avant l’élection présidentielle, il n’en est rien, apparemment. A Radio France, l’émission produite par Daniel Mermet sur France Inter, Là-bas si j’y suis, dont chacun connaît la capacité de critique sociale, serait menacée.
Interrogé par Le Monde diplomatique, le directeur délégué de France Inter, M. Frédéric Schlesinger, vient en effet de confirmer qu’il envisageait de déplacer cette émission vers une tranche horaire (15 heures au lieu de 17 heures) qui la priverait presque automatiquement de la moitié de son audience.
Selon M. Schlesinger, la décision ne serait pas encore prise. Mais sa motivation (officielle) est déjà connue. Il ne s’agirait pas, bien sûr, d’une mesure politique... M. Schlesinger, qui a exercé précédemment des fonctions importantes au sein du groupe Lagardère, préfère invoquer « les derniers résultats de Médiamétrie », même si, dans une grille marquée par un recul général d’audience de France Inter, Là-bas si j’y suis a conservé, voire accru le nombre de ses auditeurs.
Quoi qu’il en soit, il est un peu étonnant qu’une radio publique admette (ou prétende) déterminer ses programmes en fonction de sondages d’audience, à la fiabilité incertaine, sans se soucier du contenu de ce qui est diffusé. Et des missions de service public imparties à la station. Au point que M. Schlesinger confie : « Et si Daniel [Mermet] était capable de gagner 0,2 point ; et si l’équipe qui le remplace était capable de gagner 0,2 point. Eh bien, France Inter aurait gagné 0,4 point. »
Peut-être que l’idée de permettre à Là-bas si j’y suis de faire remonter une audience très faible – « un challenge » selon le directeur délégué de France Inter – n’est pas tout à fait sans rapport avec la campagne électorale qui s’annonce. Car, quitte à « gagner 0,2 point » quelque part, pourquoi ne pas avoir choisi pour Daniel Mermet et son équipe le « challenge » de faire remonter une tranche horaire plus populaire encore que celle de 17 heures ?
Des milliers d’auditeurs de France Inter, qui se posent la même question, ont déjà signé une pétition de soutien aux journalistes de Là bas si j’y suis.