
Pourtant, elle représente l'effacement progressif d'une compétence fondamentale que l'humanité a développée il y a 5500 ans et qui a façonné notre civilisation 3 5 . Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelles en sont les conséquences cognitives et sociales ? Et surtout, devrions-nous nous en inquiéter ?
Un déclin aux manifestations tangibles
Les signes de ce déclin sont désormais visibles dans les salles de cours universitaires. La professeure Nedret Kiliceri de la Faculté des Lettres de l'Université d'Istanbul observe un phénomène troublant : de nombreux étudiants arrivent en amphithéâtre sans stylos, se montrent incapables de structurer un paragraphe cohérent et sont littéralement "déconcertés" lorsqu'ils doivent écrire à la main 3 . Leurs travaux manuscrits révèlent une écriture souvent désorganisée et difficile à lire, symptôme d'une pratique en déclin 3 .
Cette nouvelle génération privilégie les phrases courtes, évite les structures complexes et peine à développer une pensée articulée sur papier.
Une étude menée par l'Université de Stavanger révèle qu'après seulement un an d'utilisation exclusive du clavier, 40% des étudiants perdent significativement en lisibilité et en aisance d'écriture7 . Ce n'est pas simplement une question de calligraphie, mais de capacité à structurer sa pensée et à l'exprimer de manière nuancée.
L'ironie de cette situation est frappante : nous vivons dans une époque où l'alphabétisation atteint son apogée historique, mais où une compétence fondamentale de communication écrite s'érode rapidement1. Les jeunes qui maîtrisent parfaitement les interfaces numériques se retrouvent handicapés face à une simple feuille blanche. Ce paradoxe soulève des questions profondes sur notre rapport à l'écrit et au savoir.
L'impact cognitif : bien plus qu'une question de style
Cette régression ne se limite pas à une simple question d'esthétique ou de préférence pour un mode de communication. Des recherches récentes démontrent que l'écriture manuscrite et la dactylographie engagent le cerveau de manière fondamentalement différente. Des chercheurs norvégiens ont observé que l'écriture à la main génère une activité cérébrale significativement plus intense et implique des régions bien plus larges du cerveau que la frappe au clavier 4 8 .
"Cette connectivité cérébrale à grande échelle est connue pour être cruciale dans l'établissement de la mémoire et dans l'encodage de nouvelles informations", expliquent les chercheurs 4 . L'action de former soigneusement les lettres participe directement à l'apprentissage et à l'assimilation des connaissances.
Audrey Van der Meer, co-auteure d'une étude sur le sujet, précise que "les informations visuelles et motrices qui résultent de mouvements précisément contrôlés de la main contribuent largement aux motifs de connectivité cérébrale qui favorisent l'apprentissage" 4 8 .
L'écriture manuscrite, avec sa lenteur délibérée, impose un rythme à la pensée et une discipline mentale que le clavier ne permet pas. Elle engage simultanément la motricité fine, la mémoire visuelle et les capacités d'abstraction. En perdant cette pratique, nous risquons de transformer notre pensée en ce que certains experts qualifient de "bouillie prémâchée", sans la structuration et la profondeur que permet l'écriture manuscrite.
Une compétence ancestrale au cœur de notre civilisation
Pour mesurer pleinement l'importance de cette transformation, il faut comprendre le rôle historique de l'écriture dans le développement de l'humanité. Les premières traces d'écriture élaborée remontent à environ 3300 ans avant notre ère, apparaissant presque simultanément en Mésopotamie (l'actuel Irak) et en Égypte 27 31 .
Ces systèmes, d'abord composés de pictogrammes puis évoluant vers des représentations phonétiques, ont marqué la transition fondamentale entre préhistoire et histoire 27 31 .
L'invention de l'écriture a révolutionné les sociétés de multiples façons. Elle a permis une gestion plus efficace des ressources, facilité l'organisation administrative, la codification des lois et le développement du commerce 30 . Elle a également transformé la transmission du savoir, affranchissant l'humanité des limites de la mémoire orale pour permettre une accumulation sans précédent de connaissances.30
Les supports d'écriture ont eux-mêmes façonné l'évolution des civilisations : papyrus égyptien, tablettes d'argile mésopotamiennes, puis parchemin et papier en Europe 32 . Chaque innovation a démocratisé l'accès à l'écrit et transformé les possibilités d'expression et de diffusion des idées.
L'alphabet, apparu il y a environ 3000 ans avec les Phéniciens, a constitué une autre révolution majeure, simplifiant l'apprentissage de l'écriture et favorisant son adoption plus large 31 . Au fil des millénaires, l'écriture manuscrite est devenue un pilier de l'éducation, de la culture et de l'expression personnelle. Et voilà qu'en l'espace d'une génération, nous assistons à son possible effacement.
Des approches éducatives divergentes face à ce bouleversement
Face à cette mutation, les systèmes éducatifs adoptent des stratégies très différentes. La Finlande a fait figure de précurseur en annonçant en 2016 la fin progressive de l'enseignement obligatoire de l'écriture cursive dans ses écoles, remplacé par des cours de maîtrise du clavier et d'écriture électronique 15 18 . Cette décision a été motivée par des considérations pragmatiques : "Avoir de bonnes compétences dactylographiques est devenu d'importance nationale", selon Minna Harmanen du ministère finlandais de l'Éducation 18 .
Aux États-Unis, quinze États ont tenté une expérience similaire en 2013 en supprimant l'apprentissage de l'écriture manuscrite pour se concentrer sur les compétences numériques 19 . Mais en 2017, suite aux recherches démontrant les bénéfices cognitifs de l'écriture manuscrite, ils sont revenus sur cette décision 19 . Aujourd'hui, les pratiques restent variées : de nombreuses écoles américaines enseignent l'écriture en script (lettres détachées) mais pas l'écriture cursive (lettres liées) 19 .
Le Québec a pris une position plus affirmée en faveur de la tradition. En 2023, le ministre de l'Éducation Bernard Drainville a clairement demandé aux écoles de ne pas abandonner l'enseignement des lettres attachées, rappelant que "le programme scolaire prévoit que l'écriture cursive ET l'écriture script soient enseignées"20 . Cette directive faisait suite à un constat préoccupant : de nombreux établissements avaient cessé d'enseigner l'écriture cursive, créant des disparités et des difficultés lorsque les élèves changeaient d'école.
En France, le système éducatif continue de valoriser l'écriture cursive comme compétence fondamentale, considérant qu'elle joue un rôle crucial dans le développement cognitif. Cette position s'appuie sur les nombreuses recherches démontrant les bénéfices de l'écriture manuscrite pour la mémoire et la compréhension 17 .
Entre tradition et avenir : trouver un équilibre
Ce débat sur l'écriture manuscrite soulève une question plus large sur notre rapport à la technologie et à notre héritage culturel. Faut-il s'accrocher à des pratiques millénaires par simple tradition, ou accepter leur obsolescence face aux nouvelles réalités numériques ?
La réponse se situe probablement dans un juste équilibre. La technologie a indéniablement transformé nos modes de communication, offrant rapidité et accessibilité. Les jeunes d'aujourd'hui développent de nouvelles compétences adaptées à leur environnement : capacité de synthèse, communication multimédia, traitement rapide de l'information 7 . Mais ces avantages ne devraient pas impliquer l'abandon total de l'écriture manuscrite et des bénéfices cognitifs qu'elle procure.
Des approches hybrides émergent pour marier tradition et modernité. Des applications mobiles et logiciels éducatifs sont développés pour enseigner et encourager la pratique de l'écriture cursive de manière ludique et interactive 17 . Les stylos et tablettes numériques sensibles à la pression permettent de conserver les gestes de l'écriture manuscrite tout en bénéficiant des avantages du numérique 17 .
Plusieurs experts plaident pour une "graphothérapie" ou rééducation de l'écriture manuscrite pour les enfants qui montrent des difficultés, soulignant l'importance de préserver cette compétence même à l'ère numérique 6 . L'idéal serait de promouvoir un équilibre entre l'utilisation des appareils numériques et la pratique régulière de l'écriture manuscrite, permettant ainsi aux enfants de développer pleinement leurs capacités cognitives et motrices 6 .
Conclusion : une compétence en mutation plutôt qu'en extinction
L'écriture manuscrite, qui a accompagné l'humanité pendant des millénaires et joué un rôle clé dans l'édification des civilisations, s'éteint-elle doucement sous nos yeux ? Pas nécessairement. Il serait plus juste de parler d'une mutation profonde de notre rapport à l'écrit, avec des conséquences significatives sur nos processus cognitifs et nos modes d'expression.
La question n'est pas tant de préserver l'écriture manuscrite comme une relique du passé que de comprendre sa valeur unique pour le développement intellectuel et personnel. L'enjeu est de trouver comment intégrer cette pratique ancestrale dans un monde numérique, pour qu'elle continue à enrichir notre expérience cognitive et culturelle.
Face à l'évolution rapide des technologies, nous devons faire des choix éclairés sur les compétences que nous souhaitons préserver et transmettre. L'écriture manuscrite, loin d'être obsolète, représente un mode unique d'engagement avec nos pensées et avec le monde. Sa préservation, sous une forme ou une autre, pourrait s'avérer essentielle pour maintenir la richesse et la profondeur de notre pensée à l'ère numérique.
La Génération Z ne sera peut-être pas la dernière à se souvenir vaguement qu'il fut un temps où les hommes savaient écrire sans clavier. Elle pourrait au contraire être celle qui redécouvre la valeur de ce geste ancestral et trouve de nouvelles façons de l'intégrer dans un monde en constante évolution.
N.D.L.R
Article rédigé par Deep Research de Perplexity, à partir d'un article de Presse-citron.net
Avant d'avoir lu l'article de press-citron.net j'avais lu un article sur une tablette grand public, utilisant l'encre électronique (e-ink) couleur (c'est récent) et la reconnaissance électronique de l'écriture manuscrite. Un outil, donc, parfait pour permettre aux jeunes enfants de ne pas oublier l'écriture manuscrite.
Et, last but nos least, de prendre gout à la lecture et à l'annotation de la lecture de livres. Qui, elle aussi, a tendance à être négligée par la jeune génération.
A cet égard j'ai trouvé un article très intéressant de l'excellent site liseuses.info que vous trouverez ici et j'ai demandé à Gemini version 2.0 Experimental, d'en faire le résumé et de nous indiquer les meilleurs choix.
Vous trouverez son analyse dans un fichier PDF attaché au présent article