La malbouffe ne se limite pas à une alimentation riche en mauvaises graisses et en plats préparés, elle est désormais partout ! Ecrit par les journalistes Christophe Labbé, Olivia Recasens, Jean-Luc Porquet et illustré par Wozniak, le livre "Vive la malbouffe !" décortique notre alimentation dans un tableau certes jubilatoire par sa forme, mais sans concession sur le fond.
L'industrie agro-alimentaire regorge d'inventivité pour satisfaire nos besoins quotidiens, souvent au détriment de la qualité, du respect des normes d'hygiène et même de la santé. Le livre "Vive la malbouffe !" reprend des informations parues dans le Canard Enchaîné et vous emmène avec ironie et surtout lucidité dans les coulisses du contenu de votre assiette.
Une transformation massive des aliments
Les auteurs ont organisé leur ouvrage par thèmes - apéro, entrées, viandes, poissons, fromages… - afin de souligner concrètement tout ce que le consommateur ne voit pas ou refuse de voir : les "bons produits" se font rares, même s'ils sont affichés "bio" ou "traditionnels". Selon les journalistes, grâce au développement de l'industrie agro-alimentaire, "80 % des aliments aujourd'hui sur notre table sont transformés (…) ils sont passés par des processus industriels, ont reçu des additifs, des colorants, des OGM, ont subi des irradiations, ont été assaisonnés d'acides gras trans et de graisses hydrogénées, ont été farcis de sel ajouté, de sucre caché".
Une illustration parmi d'autres de ces modifications néfastes pour la santé : nous avalons "25 grammes de mauvaises graisses en moyenne" à chaque fois que nous allons au fast-food, un chiffre certes inférieur aux Américains (36 grammes), mais également loin devant les Danois, qui "affichent moins de 1 gramme par menu" (le taux est réglementé dans ce pays). Inquiétant lorsqu'on sait que la France comporte le plus grand nombre de fast-foods rapportés à la population derrière les Etats-Unis, même si actuellement les marques font quelques efforts pour proposer des hamburgers plus légers et équilibrés.
Des appellations trompeuses
Les appellations traditionnelles recouvrent de plus en plus souvent des produits qui n'ont plus grand chose à voir avec le mets original : il est désormais fréquent de trouver des vins de pays transformés en AOC (Appellation d'Origine Contrôlée), de l'huile d'olive composée en fait pour moitié d'huile de tournesol, des produits étiquetés "traditionnels" alors qu'ils proviennent d'élevage en batterie ou à la chaîne. De même au restaurant, on apprend qu'un menu "terroir" peut cacher une terrine industrielle et un plat principal importé.
Ces tromperies ne sont malheureusement pas que du fait de producteurs ou restaurateurs peu scrupuleux, les autorités internationales s'y mettent aussi. Dans "Vive la Malbouffe ! ", on apprend ainsi que l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a "contraint l'Union Européenne à accepter que sous l'appellation ‘sardine' soient vendus la sardinelle, le hareng, le sprat ou le sardinop, soit au total 21 produits" ! Récemment, la Commission européenne a fini par abandonner un projet qui a hérissé tous les amateurs et producteurs de vins rosés en France : autoriser cette appellation pour des mélanges de vins rouges et blancs. Abandon définitif ou temporaire ?
Des conséquences critiquables sur la société et la santé
Alors que l'industrie agro-alimentaire achète la majeure partie de la production agricole annuelle, il est légitime de s'interroger sur ce changement majeur de société : l'avenir est-il vraiment aux légumes qui se conservent très longtemps mais avec beaucoup moins de goût, aux viandes surgonflées, aux fruits irradiés, "pesticidés" ou encore aux plats préparés trop riches en calories, en mauvaises graisses, en sel ou en sucre ? Même si les traditions sont faites pour être dépassées ou oubliées, doit-on vraiment renoncer aux légumes goûteux, au plaisir de mitonner un plat pour ses amis avec des ingrédients peut-être imparfaits mais surprenants, parfumés, variés et évocateurs d'une région, d'une humeur, d'un désir ?
La progression de l'obésité, du diabète, de l'hypertension, en particulier dans les pays émergents ou dans les milieux socio-économiques les plus défavorisés des sociétés occidentales, apportent un début de réponse : non seulement nos papilles se résignent à l'uniformité et la médiocrité, mais les effets délétères de la malbouffe progressent.
Demain, aggravation ou amélioration ?
A la lecture de ce livre, on peut être pessimiste : généralisation des OGM malgré les réticences européennes, additifs de plus en plus sophistiqués, retour possible des farines animales, utilisation des neurosciences pour influencer les consommateurs, voire viande clonée ou culture par la NASA de "cellules musculaires de boeuf et de poulet sur un gel protéique, histoire un jour de fabriquer de la viande en usine"… Autant d'anticipations au minimum inquiétantes.
Néanmoins, nous n'en sommes pas encore à l'alimentation par pilules des livres de science-fiction des années 60. L'agriculture biologique progresse (même si en France les incitations sont faibles), certaines pratiques néfastes vont être interdites (comme le boeuf aux hormones il y a quelques années en Europe), les publicités pour les aliments les plus nocifs vont finir par être canalisées, la réglementation des graisses, des pesticides, des engrais, des édulcorants et autres va peut-être progresser. De même, les dérives de l'élevage et de l'agriculture intensive peuvent amener des prises de conscience, volontaires ou forcées (épidémies infectieuses, intoxications massives, etc.).
En attendant ces progrès souhaitables (voire indispensables), la sélection s'impose : on peut trouver, même à petits prix, de bons aliments, y compris en supermarché… à condition d'ouvrir l'oeil, comme vous y aident les auteurs de "Vive la malbouffe", ou encore nos dossiers sur l'alimentation et la santé, ainsi que les Doctinautes sur nos forums.
Dr Jean-Philippe Rivière, le 6 juillet 2009
Vive la Malbouffe !
De Christophe Labbé, Jean-Luc Porquet, Olivia Recasens et Wozniak
Editions Hoëbeke
Prix : 19 €
Source : Doctissimo.fr