La Corée du Sud vient de louer la moitié des terres arables de Madagascar, selon le Financial Times. Ceci provoque un vigoureux débat dans la blogosphère malgache sur la souveraineté des Malgaches sur leurs terres et sur le développement économique. Il n'est toujours pas clair si les deux gouvernements ont effectivement signé l'accord. Mais les blogueurs débattent déjà de ce qui peut être considéré comme du “[1] néo-colonialisme” agricole. [sauf indication contraire, les blogs et sites cités sont en anglais]
Voici un récapitulatif des faits :
Le 19 novembre, le Financial Times [2] a annoncé l'accord entre la société sud-coréenne [3] Daewoo Logistics et le gouvernement malgache.
Sur le blog Global Dashboard , Alex Evans [4] résume les principales informations:
Quelques heures plus tard, [5] un article mis à jour sur le Financial Times ajoutait que Daewoo Logistics n'aurait rien à payer à Madagascar pour la location des terres, qu'elle investirait uniquement les moyens de les mettre en valeur et de les exploiter.
Alex Evans, citant ce second article, [6] écrit que les termes de l'accord sont pires qu'il ne l'imaginait :
Voici maintenant quels seront les bénéfices pour la Corée du Sud :
“Nous voulons y cultiver du maïs pour assurer notre indépendance alimentaire. La nourriture peut être une arme dans ce monde”, a dit Hong Jong-wan, un dirigeant de Daewoo. “Nous pourrons soit vendre les récoltes à d'autres pays soit les rapatrier en Corée du Sud en cas de crise alimentaire”
.
Photo de [7] Foko-Madagascar
Le gouvernement malgache n'a toujours pas publié de communiqué officiel. L'agence Reuters [8] annonce que l'accord semble loin d'être finalisé. Mais Daewoo Logistics, de son côté, a déjà publié plusieurs communiqués confirmant l'information.
Robert Koelher, qui vit à Séoul, expose sur le blogThe Marmot’s Hole, [9] la réaction de la compagnie sud-coréenne et des médias locaux:
Le journal JoongAng Ilbo, de son côté, a publié [11] un éditorial violent [en coréen]contre le Financial Time, demandant pourquoi le journal n'a jamais parlé des exploitations agricoles britanniques de [12] jatropha [en français] à Madagascar (utilisé pour le biodiesel ) ou des plantations françaises sur l'île, et s'attaque maintenant à une compagnie coréenne. Les terres que Daewoo loue sont en friches, les nouvelles exploitations créeront des emplois, et le gouvernement malgache touchera 30% des profits en taxes.”
Les réactions à ces informations sont à la fois passionnées et très contrastées dans la blogosphère malagache :
Le site de la diaspora malgache [13] Sobika [14] a annoncé l'accord (en français) quelques instants seulement après la parution de l'article du Financial Times et a demandé à ses lecteurs de réagir. Plus de 100 commentaires ont été publiés en quelques jours. Dans [13] un article plus récent, Sokiba suppose que les réactions indignées sur Internet ont poussé Daewoo à nier dans un second temps les conditions initiales de l'accord [en français].
Tout le monde n'est pas pour autant outré. Certains pensent que l'accord pourrait être bénéfique pour Madagascar, en améliorant la productivité agricole dans certaines régions. Aiky sur le blog collectif Malagasy Miray [15] ajoute [en malgache]:
- ny fanomezana asa ireo tantsaha eny ambanivohitra ka miteraka fidiram-bola maharitra ho azy ireo izany.
- ny fanajariana ireo tany izay tsy noeritreretina fa afaka ambolena na ihany koa tany ngazana ka rahatrizay vita ny fifanarahana izany hoe afaka zato taona dia mba ho moramora ho an’ireo taranaka fara aman-dimby ny hampiasa sy hamboly azy (raha tsy lasa fanan’olom-bitsy indray avy eo)
- raha misy fidiram-bola maharitra ireo tantsaha dia mety ho hita ihany koa ny fiatraikan’izany ka mahasoa ho an’ny manodidina na “effet d’entraînement”. […]
-Asa na tafiditra ao anaty fifanarahana fa mety hihatsara ihany koa ireo lalana sy tambanjotra misy any amin’ireo faritra.
- afaka mifehy ny fiakarana an-tanandehibe ny mpitondra raha misy asa eny ambanivohitra (maîtrise de l’exode rural)
Les avantages, vu d'un point de vue moins épidermique :
- Les perspectives d'emplois pour les paysans, et par conséquent des sources supplémentaires de revenus.
- La mise en valeur de terres qui étaient considérées comme sans valeur, et qui pourront continer à être exploitées après la fin du contrat de location.
- la réaction économique en chaine provoquée par l'augmentation des revenus des locaux [..]
- l'amélioration potentielle des routes nationales et d'autres infrastructure dans cette partie du pays.
- Une incentive pour freiner l'exode rural.
Sur The Cyber Observer, un avocat et blogueur d'Antananarivo, [16] Andrydago [en anglais] avait dès le mois d'octobre - avec une étonnante intuition - abordé le sujet de la souveraineté sur la terre et de l'investissement étranger d'un point de vue juridique, plus d'un mois avant cette controverse. Il est frappant de constater que les lois qui rendent cet accord possible ont été amendées en début de cette année…
1. les terres doivent être exclusivement utilisées pour une exploitation professionnelle. Toute utilisation personnelle et différente de l'exploitation convenue avec le gouvernement malgache est interdite. Si ces conditions ne sont pas respectées, le gouvernement peut légalement résilier le titre de propriété ;
2. l'investisseur ou la société étrangère doivent présenter un business plan de leur projet à un comité nommé EDBM (Economic Development Board Madagascar). Ce projet doit décrire précisément les objectifs et les investissements prévus à Madagascar.
3. l'investisseur ou la société étrangère doivent demander une autorisation officielle, appelée “autorisation pour l'acquisition de terres” au EDBM afin de pouvoir acquérir légalement des terres malgaches. Si l'autorisation est accordée, elle donne à l'investisseur ou à la société étrangère les mêmes droits qu'à une entité malgache pour acquérir et posséder des terres à Madagascar.
Article printed from Global Voices en Français: http://fr.globalvoicesonline.org
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