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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]



L'homme qui jouait avec 50 milliards d'euros !

Un article du Monde très intéressant



L'homme qui jouait avec 50 milliards d'euros !
Jérôme Kerviel, le trader accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société générale, a affirmé aux policiers qu'il avait obtenu la garantie d'un bonus de 300 000 euros pour son année 2007 record. Il avait demandé le double. Un joli pactole pour ce cadre subalterne qui émargeait à 50 000 euros de salaire annuel. En 2006, sa prime n'avait été "que" de 60 000 euros.

En garde à vue depuis samedi 26 janvier, dans les locaux de la brigade financière, il a narré ses belles années de trader, à la division chargée des arbitrages. Et il a crânement assumé ses prises de positions risquées. Oui, depuis 2005, il avait créé des opérations fictives, afin de dissimuler ses positions spéculatives de grande ampleur, de l'ordre de 50 milliards d'euros.

Mais il a nié tout enrichissement personnel, estimant avoir agi dans l'intérêt de la banque qui l'employait. Il a aussi assuré que ses prises de positions auraient pu être gagnantes, à terme, et que la Société générale avait elle-même creusé les pertes abyssales de 4,9 milliards d'euros, en mettant, trop tôt, un terme à ses investissements.

Il a enfin déclaré, lors de son audition devant les policiers, qu'il avait pu agir dans une relative liberté, car il connaissait bien le système de contrôles en vigueur. Dès 2000, sa date d'entrée dans la banque, il avait travaillé pendant cinq ans dans les "middle-offices", ces départements chargés de vérifier l'activité des traders. Il a d'ailleurs estimé, devant les policiers, qu'il n'était pas le seul à agir ainsi à la Société générale.

Sa garde à vue devait se terminer lundi 28 janvier. Le parquet de Paris, saisi de deux plaintes, pourrait ouvrir dans la foulée une information judiciaire, confiée à un juge d'instruction. Reste à caractériser les faits. De source judiciaire, on indique que, faute d'enrichissement personnel avéré, les faits d'escroquerie ne semblent pas constitués.

En revanche, les qualifications de "faux en écriture" et d'"abus de confiance" et de "tentative d'escroquerie" pourraient être retenues. Les avocats de M. Kerviel, Mes Elisabeth Meyer et Christian Charrière-Bournazel, se sont exprimés dimanche 27 janvier. A cette occasion, ils ont expliqué que leur client n'avait commis "aucune malhonnêteté".

"ÉCRAN DE FUMÉE"

Selon eux, M. Kerviel, "au contraire, a réalisé au profit de la Société générale des bénéfices considérables, qui s'élevaient au 31 décembre 2007 à près d'1,5milliard d'euros". Les enquêteurs vont s'atteler à vérifier ce dernier point. Il est jugé essentiel dans la mesure où des gains aussi importants signifieraient que le trader avait depuis longtemps pris des positions très importantes sur les marchés, bien au-delà des limites autorisées. Toute la question est de savoir si le fait que la position ait été gagnante n'aurait pas pu inciter les supérieurs de M. Kerviel à fermer les yeux.

Les deux avocats ont dénoncé tout particulièrement la stratégie de la Société générale lors de la découverte de la fraude. Selon eux, la banque aurait choisi "dans des conditions tout à fait anormales de liquider des positions [50 milliards d'euros selon la banque] qui auraient pu se redresser avec le temps. Elle a ainsi provoqué elle-même des pertes de 4 milliards et demi d'euros". Et d'ajouter qu'"en s'acharnant sur M. Kerviel, la banque croit pouvoir élever un écran de fumée qui détournerait l'attention du public de pertes beaucoup plus substantielles qu'elle a accumulées ces derniers mois, notamment dans l'invraisemblable équipée des subprimes".

Dans un long communiqué diffusé le 27 janvier, la banque a précisé les actes reprochés au trader. Elle a estimé que M. Kerviel avait usurpé "les codes d'accès informatiques appartenant à des opérateurs pour annuler certaines opérations" et falsifié "des documents lui permettant de justifier la saisie de ses opérations fictives".

Pour éviter d'être repéré, il aurait "donné à ses opérations fictives des caractéristiques limitant les occasions de contrôle". C'est un mail de confirmation de contrepartie, reçu vendredi 18 janvier, qui aurait intrigué la banque. Le lendemain, le trader aurait reconnu avoir commis des irrégularités. La Société générale aurait alors décidé de déboucler la position frauduleuse dès lundi 21 janvier, dans un marché particulièrement défavorable.

Le Monde du 28/01.08
Gérard Davet et Elise Vincent

NDLR

L'important la dedans, à mon sens, c'est le chiffre ahurissant de 50 milliards d'euros de positions dissimulées. ! Le monde entier a fait des gorges chaudes au sujet de 5 milliards de pertes mais cela ne représente que le dixième des sommes "spéculées" par le trader.

J'ai beau prêter l'oreille, je n'ai trouvé ce chiffre que dans le Monde et je m'étonne que la presse n'ait pas rebondi sur une telle information. Par ailleurs j'ai écouté notre ministre du budget hier soir et jamais ce chiffre de 50 milliards n'a été évoqué. Selon le trader il n'était pas le seul à effectuer de telles opérations. Ça promet !

Moralité : n'écoutez plus les infos à la radio, ne les regardez plus à la tv. Ce ne sont que mensonges, omissions et dissimulations. Si vous voulez être informé allez sur Internet, informez vous à plusieurs sources différentes, faîtes des recoupements etc. Car désormais le journaliste, c'est vous !

Autre remarque : si vous êtes banquier veillez à ce que vos collaborateurs chargés du contrôle des traders ne deviennent pas eux mêmes traders ! Cela semble pourtant le b.a.b.a de la sécurité mais apparemment à la Société Générale on avait oublié ce détail !

Extrait de Libération, le 29/01/08

L'homme qui jouait avec 50 milliards d'euros !
Aux avocats du trader déchu qui affirment que l’employeur aurait sciemment provoqué l’aggravation de la paume finale, Jean-Claude Marin, procureur de Paris, rétorque que l’état-major de la Générale aurait réagi en «management responsable».

Mais il indique ceci: dans la matinée du vendredi 18 janvier, la position à 50 milliards d’euros prise par Jérôme Kerviel est encore équilibrée. Dans l’après-midi, quand les Bourses commencent à «dégueuler», elle devient perdante de plus de 1 milliard. Du lundi au mercredi suivant, quand la Générale décide de tout solder, la paume grimpera jusqu’à cinq milliards. Pour Marin, quelle que soit l’ardoise finale, il était «insensé de rester dans une telle position de risque», même si la banque «n’était pas obligée» de se couper le bras aussi rapidement.

NDLR

En 2007 M. Kerviel avait fait gagner à sa banque 1,5 milliard d'euros et devait empocher, ce titre, la modique prime annuelle de 600 000 euros. En 2008 il était sur le point de faire perdre à sa banque 1 milliard d'euros quand celle-ci a pris peur et décidé de brader cette position, d'où une perte de 5 milliards.

Voir en annexe un intéressant document de la Société Générale sur les détails de la fraude

NOTE DE LA SOCIETE GENERALE ADRESSEE A SES CLIENTS


Note explicative concernant la fraude exceptionnelle


Paris, le 27 janvier 2008

Le document qui suit décrit les activités d’arbitrage, le mode opératoire de la fraude, les conditions dans lesquelles la fraude a été découverte, le débouclage de la position frauduleuse et les actions immédiates engagées, tels qu’ils ont été investigués par Société Générale au 26 janvier 2008. Un audit externe supplémentaire sera soumis à la décision du Comité des Comptes le 29 janvier prochain.


1. Activités d’arbitrage et explication de l’importance des montants nominaux en jeu dans cette fraude.


Les métiers Actions de Société Générale n’ont pas pour mission de prendre des positions directionnelles (c'est-à-dire jouer à la hausse ou à la baisse) sur les marchés actions. Les activités d’arbitrage où travaillait le trader avaient pour mission d’arbitrer des instruments financiers sur des bourses européennes. Il s’agit d’une activité de trading pour compte propre déconnectée des activités commerciales des métiers Actions.

Ces activités d’arbitrage, par exemple, consistent à acheter un portefeuille d’instruments financiers A et de vendre, au même moment, un portefeuille d’instruments financiers B qui présente des caractéristiques extrêmement proches, mais dont la valeur est légèrement différente. Ce sont ces écarts de valeur qui font les profits ou les pertes de ces activités.

Ces écarts de valeur étant le plus souvent à la fois faibles et temporaires, de telles activités d’arbitrage supposent que les opérations réalisées soient très nombreuses et puissent porter sur des nominaux importants.

Les caractéristiques extrêmement proches des deux portefeuilles A et B et le fait qu’ils se compensent signifient que de telles activités ne présentent que peu de risques de marché.

Ces risques existent cependant et dans le cadre du développement de ses activités d’arbitrage, Société Générale a évidemment mis en place un grand nombre de contrôles permettant de les encadrer : contrôle des opérations et contrôle des risques de marché liés à l’évolution des prix des portefeuilles des instruments financiers.

La fraude exceptionnelle qui nous a touchés a consisté à détourner ces contrôles ou à les rendre inopérants : le trader a introduit au sein du portefeuille B des opérations fictives, afin de laisser croire que ce portefeuille venait bien compenser le portefeuille A qu’il avait acheté, alors qu’il n’en était rien.


Les opérations fictives étaient enregistrées dans les systèmes de Société Générale mais ne correspondaient à aucune réalité économique.


2. Mode opératoire de la fraude


• Le trader incriminé était salarié du Groupe depuis 2000. Il a d’abord travaillé pendant 5 ans en tant qu’agent de différents middle-offices (l’un des départements qui contrôle les traders). En conséquence il connaissait très bien l’ensemble des procédures de traitement et de contrôle de Société Générale. En 2005, il est devenu trader dans la division en charge des arbitrages.


Dans le cadre de son activité d’arbitrage, le trader a constitué un premier portefeuille A composé d’opérations bien réelles d’instruments financiers (les futures) reproduisant l’évolution de grands indices boursiers européens (Eurostoxx, Dax, FTSE…).

Les instruments financiers composant ce portefeuille, bien réels et cohérents avec les volumes traités par une grande banque d’investissement, faisaient l’objet de contrôles quotidiens et notamment d’appels de marges avec les principales chambres de compensation. Dans la mesure où l’achat de ces instruments était bien réel et considéré comme tel par Société Générale, ces appels de marge étaient vérifiés et réglés ou reçus par la banque.

• Les risques nés des engagements pris par la banque sont pilotés et contrôlés quotidiennement. Dans le cas de cette fraude, les instruments financiers du portefeuille A étaient en apparence compensés par les opérations fictives logées au sein du portefeuille B, ce qui ne laissait apparaître qu’un risque résiduel très faible.


Le trader a ainsi pu dissimuler une position spéculative de grande ampleur, sans aucune mesure ou lien avec l’activité normale dont il avait la charge au sein de la banque.

Pour que ces opérations fictives ne soient pas immédiatement identifiées, le trader s’est appuyé sur ses années d’expérience de traitement et de contrôle des opérations de marché pour déjouer successivement tous les contrôles permettant à la banque de vérifier les caractéristiques et par conséquence la réalité des opérations initiées par ses opérateurs.

En pratique, le trader a réussi à détourner les contrôles en place en combinant plusieurs techniques de fraude :
tout d’abord en donnant à ses opérations fictives des caractéristiques qui limitaient les occasions de contrôle : par exemple, il choisissait des opérations très spécifiques sans mouvement de trésorerie ou d’appel de marge et qui ne nécessitaient pas d’envoi de confirmation immédiat ;
en usurpant les codes d’accès informatiques appartenant à des opérateurs pour annuler certaines opérations ;
en falsifiant des documents lui permettant de justifier la saisie de ses opérations fictives.
en faisant en sorte que ces opérations fictives portent sur un instrument financier différent de celles qu’il venait d’annuler, afin d’augmenter ses chances de ne pas être contrôlé.


3. Conditions dans lesquelles la fraude a été découverte

• Vendredi 18 janvier

Une position anormalement élevée de risque de contrepartie sur un courtier avait été détectée dans les jours précédents. Les explications fournies par le trader ont conduit à des contrôles complémentaires.

Le 18 janvier, la hiérarchie du trader est alertée de ce problème et prévient à son tour la hiérarchie du département.

Il apparaît dans l’après-midi du 18 janvier que les opérations enregistrées auraient pour contrepartie une grande banque, mais le mail de confirmation apparaît suspect.

Une équipe est immédiatement constituée pour investiguer.


• Samedi 19 janvier

La hiérarchie n’obtient pas du trader d’explications claires.

La grande banque mentionnée ne reconnaît pas ces opérations.

Le trader reconnaît avoir commis des irrégularités et, en particulier, avoir créé des opérations fictives.

L’équipe d’investigation commence à détecter la position réelle.



• Dimanche 20 janvier

Dans le courant de la matinée l’ensemble des positions sont identifiées.

En début d’après-midi, l’exposition totale est entièrement connue.

Daniel Bouton avertit immédiatement le Gouverneur de la Banque de France.

Le Comité des Comptes avait été convoqué dimanche 20 janvier après-midi pour examiner les résultats estimés 2007 et les dépréciations à passer dans les comptes au titre des produits ayant des créances hypothécaires américaines comme sous-jacent (notamment les CDO), en vue du Conseil d’Administration convoqué le même jour à 18h30.

Le Président a informé les membres du Comité de la découverte qui venait d’être faite de la position du trader. Il a indiqué qu’il avait décidé de clore la position le plus rapidement possible et, conformément à la réglementation des marchés, de reporter toute communication sur cette découverte et sur les résultats estimés jusqu’à la clôture de la dite position.

Daniel Bouton a ensuite informé le Secrétaire Général de l’AMF.

Au Conseil d’Administration, le Président a expliqué qu’il n’était pas possible de communiquer sur les résultats estimés compte tenu de la découverte de problèmes sur certaines activités de marché qui pourraient conduire à des pertes substantielles.

• Lundi 21 janvier

Début du débouclage de la position frauduleuse dans des conditions de marchés particulièrement défavorables.
• Mercredi 23 janvier

Fin du débouclage de la position frauduleuse.

Le Conseil a été de nouveau convoqué le mercredi 23 janvier, date à laquelle la position a été close et où il a été complètement informé des faits et de leurs conséquences.


• Jeudi 24 janvier

Avant l’ouverture des marchés, l’existence de la fraude et ses conséquences sont communiquées au marché. Société Générale demande la suspension de son cours.


Des investigations de l’Inspection Société Générale ainsi que de la Banque de France sont en cours et préciseront les circonstances exactes de la fraude. L’enquête de la police judiciaire a débuté.


4. Débouclage de la position frauduleuse


La position frauduleuse découverte le dimanche 20 janvier s’élève à environ 50 milliards d’euros de nominal équivalent.

Cette position frauduleuse doit impérativement être débouclée dans les plus brefs délais, en raison des risques liés à sa taille.

Le débouclage de la position doit donc démarrer dès le 21 janvier, de façon contrôlée et en demeurant dans les limites de volumes inférieures à 10% afin de respecter l’intégrité des marchés.

Les conditions de marché sont très défavorables. Le vendredi 18 janvier après-midi, les marchés européens avaient fortement chuté. Dans la nuit du 20 au 21 janvier, les marchés asiatiques sont en forte baisse (-5,4% sur le Hang Seng) avant l’ouverture des marchés européens.

La position a été débouclée en trois jours suivant un mode opératoire contrôlé, qui a conduit Société Générale à ne pas dépasser environ 8% des volumes traités sur les indices futures concernés (EUROSTOXX, DAX et FTSE).

% des volumes des positions débouclées sur les marchés Indices Futures
Eurostoxx
DAX
FTSE
21 janvier 2008
8.1%
7.8%
1.7%
22 janvier 2008
6.8%
5.7%
3.1%
23 janvier 2008
5.9%
6.1%
0%



Enfin, la position a été complètement fermée ou couverte le 23 janvier au soir. Au total, l’évolution défavorable des marchés, amorcée par la forte baisse des bourses asiatiques dans la nuit du 20 au 21 janvier a porté la perte finale totale à 4,9 milliards d’euros.

Le détail des positions initiales et des opérations de débouclage a été transmis à nos commissaires aux comptes et aux autorités de tutelle.










L’analyse des méthodes de fraude et les mesures correctrices prises ont été communiquées aux régulateurs le 26 janvier 2008.



5. Actions immédiates engagées


Au cours de cette dernière semaine, les équipes de Société Générale ont revu l’ensemble des opérations passées à partir du poste de travail du trader, de même que toutes les opérations pouvant avoir des caractéristiques similaires aux opérations découvertes dans cette fraude. Parallèlement, la position sur futures a été rapprochée de la position de notre contrepartie (compensateur). Cette revue nous conforte dans la conviction que l’ensemble des opérations fictives avait bien été identifié dès le 20 janvier.

Des procédures de contrôle spécifiques ont été mises en place afin de rendre inopérantes les techniques de contournement des contrôles imaginées par le trader. Ces changements ont été communiqués avec leur calendrier aux régulateurs.

Au-delà de ces mesures spécifiques, des contrôles supplémentaires vont être lancés. Ce projet se verra doté de moyens humains importants et sera appuyé par des spécialistes externes des techniques de fraude. Il sera supervisé par le Comité d’Audit.



Mardi 29 Janvier 2008

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