Quelle est donc la mystérieuse gorge profonde qui, lundi, a donné à Europe 1 la fausse info annonçant la mort de Pascal Sevran ? Un stagiaire peu aguerri au journalisme ? Point : c’est Jean-Pierre Elkabbach en personne. Oui, Jean-Pierre Elkabbach, patron d’Europe 1. Hier après-midi, il a fini par l’admettre devant sa rédaction furieuse : «C’est la première grande faute de ma carrière.»
Un sacré loupé. Lundi à 19 heures, Europe 1 annonce la mort de l’ex-animateur de France 2, la nouvelle fait le tour du Web et gagne la chaîne de Pascal Sevran. En direct, dans On n’a pas tout dit, Laurent Ruquier informe ses téléspectateurs du décès de Sevran, avec mines compassées et hommage des chroniqueurs. Dix minutes plus tard, l’info est démentie : Europe 1 s’excuse, un à un les sites Web font de même et Ruquier itou, fumasse.
«Réseaux». Comment un tel ratage a-t-il pu avoir lieu ? Lundi, vers 18 h 45, raconte un journaliste d’Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach (1) appelle la rédaction : il a une info, Pascal Sevran est mort. «La rédaction freine, explique le journaliste, il n’y avait aucune confirmation.» A deux minutes du journal de 19 heures, Elkabbach rappelle : «Je confirme.» Un salarié de la station soupire : «Après tout, c’est le patron, on se dit qu’il a des réseaux qu’on n’a pas.» Et Europe 1 d’annoncer la fausse nouvelle, très vite démentie. Consternation. La rédaction est KO debout mais alerte la Société des rédacteurs, chargée de veiller à l’éthique de la station.
Rude. Hier matin, gueule de bois rue François-Ier. Jean-Pierre Elkabbach s’exprime en conférence de rédaction : «J’assume personnellement une erreur collective.» Collective ? Le sang de la rédaction ne fait qu’un tour… Une assemblée générale (AG) est organisée et la publication d’un communiqué votée : «Il apparaît que la responsabilité de Jean-Pierre Elkabbach est directement engagée dans cette annonce erronée. Il apparaît que lui seul a été le donneur d’ordre. Il a transmis l’information et ordonné qu’on la diffuse.» Le ton est rude : «D’habitude, à Europe 1, explique un journaliste, on lave notre linge sale en famille ; pour qu’il y ait un tel communiqué, il faut que ce soit vraiment grave, la rédaction est blessée.»
Après l’AG, la Société des rédacteurs est reçue par Elkabbach : «Il a mangé son chapeau», raconte un témoin. Et finit par se présenter devant la rédaction pour admettre que l’erreur qu’il a qualifiée de «collective» le matin même était son erreur à lui. Il s’excuse. La Société des rédacteurs juge que «l’incident est clos». Pour un journaliste, «En AG, on est passé à deux doigts de la motion de défiance, ce qui était un peu abuser, mais beaucoup ont voulu faire payer Elkabbach pour l’ensemble de son œuvre.» Son œuvre ? «A cause de Jean-Pierre Elkabbach, l’image d’Europe 1 s’est cradifiée, entre le Sarko-Show, les Sarko-interviews et ce qui se passe aujourd’hui», assène un journaliste. Aujourd’hui, la rédaction est «groggy», témoigne un reporter : «On pourra donner quinze infos, ce sera balayé par l’histoire de Sevran.»
Retrait. Pour un autre, «ça arrive parce qu’il y a une énorme pression sur la rédac’ avec Internet qui nous mord les mollets, il faut arrêter la course à l’échalote». C’est le même terme qu’employait en 2004 la rédaction de France 2, après l’annonce par David Pujadas du prochain retrait d’Alain Juppé, sur la foi d’une info du directeur de l’information, Olivier Mazerolle. Ce qui avait valu à Mazerolle de démissionner et à la Deux de se voir infliger une sévère mise en demeure du CSA. Joint par Libération, le Conseil dit se pencher sur le cas Elkabbach.
Ironie : il y a un mois, Elkabbach annonçait la création d’un groupe de travail chargé, à Europe 1, de réfléchir sur «les sources, la vérification de l’information, la crédibilité des sites Internet, des blogs, les rumeurs, les frontières entre la vie publique et la vie privée».
(1) Joint par Libération, Jean-Pierre Elkabbach fait dire qu’«il ne s’exprimerait pas».
NB
Trop enflé Jean Pierre ! (Danny Boon)