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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]



Que faire de son érection matinale ?

Bander le matin. Pour la plupart des hommes, ça n’est même pas un sujet. C’est normal. Vous vous réveillez, le drap forme un tipi sur votre sexe, petit (soyons raisonnable). Et c’est normal, le quotidien du pénis d’un homme.



Que faire de son érection matinale ?
 

 

Le monde peut bien sûr tourner sans qu’on se pose de questions à ce sujet, mais quand on commence à y réfléchir (comme moi, poussée par un collègue curieux), le gourdin du matin cache tout un tas de questions.

Pourquoi la verge des hommes, sans qu’on lui ait demandé son avis, décide parfois, comme ça, de prendre son envol ?

Deux à trois fois par nuit en moyenne

Réponse, au téléphone, de Ronald Virag, sexologue, chirurgien cardio-vasculaire, auteur d’un livre numérique, « Erection, mode d’emploi ». Il explique que des érections surviennent deux à trois fois par nuit en moyenne chez les hommes. Le tout se passe pendant « des phases de sommeil paradoxal qui constitue 20% de notre sommeil habituel » :

« C’est là qu’on a le maximum de nos rêves et qu’on peut avoir des érections, mais ce n’est pas nécessairement lié à des rêves érotiques. »

Bref, si vous vous réveillez avec une érection, c’est que vous étiez en sommeil paradoxal. Ensuite, pourquoi ça survient ?

Pour « la bonne trophicité de la verge »

C’est le même mécanisme que la gaule gênante que vous pouviez avoir en allant au tableau pendant votre scolarité. Dans son ebook, Ronal Virag écrit au sujet de ces érections :

« Les scientifiques qui pensent qu’aucune activité physiologique n’est gratuite (sous-entendu inutile) supposent qu’elles servent à entretenir les structures du pénis pendant le sommeil.

Les érections de nuit, par l’oxygénation répétée de l’organe qu’elles provoquent, entretiendraient la bonne trophicité de la verge. Au contraire, les pénis dont les érections spontanées, en particulier celles précisément survenant la nuit, diminuent ou disparaissent deviennent plus flasques, s’infiltrent de mauvais collagène, perdent de leur élasticité et de leur capacité à s’ériger. »

Le vrai laisser-aller

Le chirurgien explique aussi que contrairement à ce qu’on croit, avoir un sexe flasque, c’est tout un travail :

« S’il n’y avait pas un système qui tenait les artères de la verge fermées, on banderait toute la journée. C’est un phénomène physiologique, une stimulation permanente, conditionnée par des récepteurs chimiques et qui maintient la verge au repos.

Cette stimulation permanente va disparaître s’il y a des sollicitations qui arrivent : ce peut être le pantalon qui frotte, un désir qui vient, des caresses. »

Bref, résume-t-il :

« La situation normale est que les muscles lisses du pénis sont contractés pour que la verge reste flaccide. La nuit, lors des phases de sommeil paradoxal ; l’action chimique constrictive disparaît et la musculature se relâche laissant les artères se dilater pour remplir la verge de sang. »

A écouter Ronald Virag, j’ai compris que toute ma vie j’ai pensé l’érection à l’envers. Croyant que c’était un principe actif alors qu’au contraire c’est un laisser-aller, un état où l’on sort d’une action. Je ne suis pas la seule à avoir été ignorante à ce sujet.

« Je vais pas dire que je suis déçue, mais... »

Marie (certains prénoms ont été changés) parle de l’érection matinale comme d’un malentendu et raconte avoir longtemps cru (jusqu’à ce qu’on en parle ensemble) être à l’origine du tipi matinal :

« C’est gênant. J’ai découvert quand tu en as parlé que c’était un truc physiologique, et pas l’effet d’un désir sexuel. En fait je l’ai su, je crois, j’ai dû le savoir, mais la réalité c’est que je l’ai toujours vécu comme une manifestation du désir. Je vais pas dire que je suis déçue, mais que je reste dubitative sur la réalité purement physiologique. »

Certaines femmes ont au contraire en tête une question éthique au sujet de la gaule du matin. Anna, 28 ans, raconte par exemple ne pas être sûre « que cette érection matinale soit associée à du plaisir ».

« J’ai toujours un doute. Je me demande si c’est cool ou pas d’en profiter pour avoir une activité sexuelle. Après je le fais hein ! Mais, j’ai toujours ce doute. »

La panique de Pierrot dans « Les Valseuses »

Est-ce que ça fait mal ? François, 30 ans, répond que oui, « un peu ».

« Si tu cognes ta bite quelque part, ça peut faire mal. Si tu bandes trop longtemps sans éjaculer, tu peux avoir des douleurs mais la gaule du matin, ça ne dure jamais longtemps pour moi en tout cas. »

Mais Jean, 29 ans, dit que non, « pas plus qu’une autre érection ».

« Quand tu bandes, tu bandes. Qu’importe la source de l’excitation. Je n’ai pas une sensation particulière, si ce n’est celle d’un muscle bandé. »

Bref, ça dépend des hommes. On se souvient de cette scène dans « Les Valseuses ». Les deux personnages, incarnés par Patrick Dewaere (Pierrot) et Gérard Depardieu (Jean-Claude), se réveillent dans le même lit :

« Je bande pas.
– Ben quoi, moi non plus. Je vois pas pourquoi on banderait… en quel honneur.
– D’habitude, le matin, j’ai la trique. »

Extrait de « Les Valseuses », de Bertrand Blier, 1974

Chez Victor Hugo, les « matins triomphants »

Victor Hugo les appelait, lui, joliment  « les matins triomphants ».

« Quand on est jeune, on a des matins triomphants ; 
Le jour sort de la nuit comme d’une victoire. »

Alexandre Silenus, blogueur sexe  au Tag parfait (et contributeur chez Rue69) raconte ce qui pour lui est un bien-être :

« Il y a une forme de volupté à sentir cette chaleur, sentir ses propres chairs se gonfler de sang, palpiter. Une bonne nuit de sommeil amplifie la sensation parce que l’on sort d’un grand bien-être.

Et les frottements avec un tissu, la sensation de chaleur ou de fraîcheur (de l’air, du contact), le toucher avec une peau rajoutent encore à l’excitation naissante, comme un crescendo. »

Une trique « brute de décoffrage »

Certes, c’est mécanique, mais ça peut devenir délicieux, explique le blogueur :

« Au réveil, on passe souvent d’un pénis dur mais engourdi (effectivement, ça peut sembler paradoxal, mais c’est un effet mécanique) à une demi-molle réveillée, puis cette érection peut éventuellement reprendre de la vigueur peu à peu si on s’en occupe un peu et si on souhaite entrer en action.

Pour réveiller un partenaire sexuellement, il faut donc penser à cette petite phase de transition. »

Pour Ronald Virag, l’érection matinale ou nocturne est un outil intéressant. Sa présence est le signe d’une bonne santé  sexuelle. Il dit même qu’elle est un « baromètre » parce qu’elle est « brute de décoffrage », « ni polluée par le désir ni par la peur que ça ne marche pas ».

Le médecin peut ainsi savoir si un patient qui le consulte pour un problème d’érection, a un souci mécanique ou psychologique.

« Si un type vient consulter et vous dis : “Le matin au réveil, je suis comme un morceau de bois, mais dès que j’essaye de pénétrer ma partenaire, je ne peux pas”, c’est que le problème est plus psychologique que mécanique. »

Un blocage psychologique, c’est précisément la situation qu’a connu Robert, 60 ans. C’était avec une femme dont il a été follement amoureux et qui vient de le laisser « sur le bord du chemin ».

« Avec cette femme, j’ai été bloqué. Au début, je ne parvenais pas à la pénétrer. Ce qui sauvait les meubles, c’étaient les matins. »

Une pizza contre un trois-étoiles

Après un traitement de problèmes hormonaux qui expliquaient en partie son état, Robert a pu avoir des érections convenables avec cette femme. Et pas seulement le matin. Les relations avec ces érections mécaniques n’étaient, se souvient-il, pas « flamboyantes ».

« C’est comme manger une bonne pizza dans votre quartier ou manger dans un trois-étoiles. Les deux sont bons, mais ce n’est pas la même chose. »

Marie, elle, voit les choses différemment et préfère laisser planer le doute encore sur cette question de l’érection au réveil.

« Toutes les informations scientifiques qui disent que c’est physiologique ne me bouleverseront pas. Pour moi, ça reste une envie de baiser. C’est une façon de voir la vie aussi sans doute, comme un cadeau qui se renouvelle. »
 
Source : Le Nouvel Observateur

Mercredi 26 Mars 2014

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