Par Hugues Serraf | Chroniqueur | 29/01/2010 | 13H11
Le vélo, c'est la santé. C'est bon pour le cœur. C'est bon pour les jambes. C'est bon pour la concentration. Et, à condition de ne pas se laisser séduire par le dernier modèle de chez Scott à quelque 6 000 euros, c'est même bon pour le portefeuille. Une chose pour laquelle ça n'est pas bon du tout, en revanche, c'est la capacité des cyclistes à se reproduire.
Dysfonctionnements érectiles
Ce n'est d'ailleurs pas moi qui le dit mais le professeur Steven Schrader, un expert américain du National Institute of Occupational Safety and Health. Pour ce véritable ennemi de la petite reine, auteur d'une étude sur les dysfonctionnements érectiles, la question n'est même pas de savoir « si » un pédaleur fréquent risque de devenir impuissant mais bien de prévoir « quand » il le deviendra…
Hum, ça fait peur, hein ? Et si la métaphore n'était pas totalement inappropriée au contexte, j'irais jusqu'à dire que ça fout les boules…
Selon cet aimable spécialiste, ce n'est pas tant le vélo qui pose problème, mais plutôt la selle. Car si poser son derrière sur une chaise n'est dangereux que lorsqu'elle est électrique et située au bout du couloir de la mort d'une prison texane, l'installer trop longtemps sur le petit promontoire de cuir de votre bicloune est une véritable torture pour le périnée.
Bon, d'accord, ce n'est pas le petit quart d'heure passé à se rendre au bureau le matin qui empêchera le jeune cadre en communication-marketing doté d'une conscience écologique de s'assurer une descendance, mais quiconque arpente les pistes cyclables plusieurs heures par semaine peut s'attendre à d'assez mauvaises surprises.
Méchante selle de vélo
Peu de gens le savent, mais la pression imposée aux parties génitales d'un cycliste en action est sept fois supérieure à celle que génère un simple tabouret de bar. Ce qui revient à dire que l'alcoolique se contentant de regarder passer le Tour de France sur l'écran plasma de son bistrot favori prend meilleur soin de son intégrité physique que le moins dopé des participants à la fameuse épreuve !
C'est mécanique : le canal pudendal, un truc que vous et moi possédons (enfin, en principe, et seulement si vous disposez également d'un chromosome Y) contient en effet une artère et un nerf dont le job est, pour la première, d'alimenter le pénis en sang frais et, pour le second, de lui permettre de se rendre compte qu'on est en train de lui faire du bien.
Sur une selle, ce pauvre petit canal est tellement compressé qu'il finit par perdre son élasticité naturelle. Ainsi rabougri, les chances qu'il puisse encore assurer ses missions deviennent aussi minces qu'un, euh, comment dire, canal pudendal compressé… Et alors là, adieu la gaudriole !
Mais le professeur Schrader est peut-être un peu dur (forcément : il ne fait pas de vélo). Quelques uns de ses confrères préfèrent en effet limiter à 5% la proportion de cyclistes acharnés qui devront, un jour ou l'autre, verser un peu de Viagra dans leur gourde avant de partir en randonnée. A condition toutefois qu'il ne s'agisse pas d'une randonnée alpine, puisque les amateurs de grimpette (ha ! ) courent le risque supplémentaire de voir leur scrotum se calcifier sous l'effort. Un vrai cercle vicieux.
Acquisition d'une selle orthopédique
Il existe néanmoins un moyen de ne pas être forcé d'arbitrer entre la poursuite de son activité sportive préférée et la pratique de sa seconde activité sportive préférée (remettez-donc ça dans l'ordre qui vous conviendra le mieux) : l'acquisition d'une selle orthopédique dont la partie allongée aura été supprimée.
C'est sûr, cette espèce de circoncision radicale donnera une drôle d'allure à votre magnifique machine mais, dans la vie, il faut savoir ce qu'on veut.
Moi-même -j'ai le bonheur de faire partie des 95% de cyclistes encore en mesure de faire la nique au professeur Schrader- je me suis senti suffisamment interpellé par cette affaire pour me pointer chez Décathlon histoire d'y faire l'emplette d'une selle raccourcie. Peine perdue : le vendeur, pourtant très au fait des choses de la pédale, n'avait jamais entendu parler d'un accessoire pareil.
« Une selle sans nez ? Qu'est-ce que c'est que cette connerie ? », qu'il m'a répondu en se grattant la tempe d'un index graisseux. « Mais ce n'est pas une connerie, voyons ! » ai-je rétorqué en expliquant que cet accessoire était chaudement recommandé par un très grand spécialiste « américain ».
« Regardez Lance Armstrong… »
« Il dit même que tous les cyclistes qui refusent de les utiliser finiront impuissants », ai-je encore précisé sans m'étendre sur la controverse des 5% pour ne pas faire dévier le débat vers une argumentation statistique nécessairement stérile.
« Pfff… Les Américains, ils inventent vraiment n'importe quoi. Regardez Lance Armstrong, il est américain mais ça ne l'a pas empêché d'attraper un cancer des testicules », a conclu le vendeur persuadé d'avoir trouvé une faille majeure dans ma démonstration.
Bah, du coup, je fais sans. Enfin, pas sans selle, mais sans selle à bout coupé. Je continue aussi d'éviter les cols alpins autant que faire se peut même si je ne manque jamais, lorsque je passe devant un magasin de cycles, de m'informer des nouveautés dans ce domaine.
Mais de toute manière, et s'il devait m'arriver malheur, je ne suis pas inquiet : ma femme fait elle aussi pas mal vélo et le docteur Irwin Goldstein, un scientifique bostonien encore plus maboul que son confrère Schrader, est convaincu que le clitoris souffre au moins autant que le pénis !
Comme quoi, il nous restera toujours les balades à vélo.
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