Le CPD n'est pas encore arrivé en France. Il y a quelques années, on nous avait pourtant garanti qu'il serait bientôt adopté chez nous en vertu d'un théorème simple : ce qui surgit aux Etats-Unis finit toujours par être exporté dans notre cher et vieux pays. Le CPD est un contrat, mais il ne faut pas le confondre avec le CPE. Il s'agit d'un contrat à durée déterminée inédit, sans précédent dans l'histoire de notre civilisation. On peut librement traduire son nom en parlant d'un contrat première drague. En anglo-américain, cela donne love contract. Les Américains en signent des milliers chaque année sur leurs lieux de travail.
Le phénomène a commencé au milieu des années 1990, lorsque la question du harcèlement sexuel dans l'univers professionnel a été posée. Ce qui semblait naturel à certains (se sourire, se plaire, se séduire) est devenu suspect dans la mesure où les aventures sexuelles entre salariés au sein d'une même entreprise se nouaient souvent entre des personnes entretenant des liens hiérarchiques. Pour que les "faibles femmes" puissent se protéger de tentatives déplacées et que les "mâles dominants" n'abusent plus du droit de cuissage, les juristes imaginèrent un contrat amoureux type.
Pour résumer, il s'agit d'une stricte codification des relations de séduction. Admettons qu'un ou une collègue vous plaise et que vous envisagiez d'aller plus loin : vous devez alors lui donner rendez-vous à la cafétéria ou dans un bureau (en prenant surtout soin de laisser la porte ouverte), exprimer en quelques mots votre état psychologique et lui présenter un contrat. Du genre : acceptez-vous que nous nous voyions plus souvent ? M'autorisez-vous à être entreprenant et plus si affinités ? Tout dépend de la réponse et de la signature apposée au bas du parchemin...
Cela se passe comme ça outre-Atlantique, où une étude portant sur 1 300 personnes indique que 30 % d'entre elles ont entretenu une relation sexualo-amoureuse dans le cadre de leur lieu de travail, dont 7 % avec un supérieur hiérarchique. Le CPD conduit fréquemment au CPF, le contrat premier flirt, et au CPR, contrat premier rapport.
Depuis, les Américains sont allés beaucoup plus loin. Ou plutôt les Américaines. La vogue des sites de rencontre est en train d'ouvrir une nouvelle ère dans la gestion des relations entre sexes. Résumons à nouveau : un homme et une femme discutent ensemble sur Internet. Ils se plaisent ou croient se plaire. Ils échangent leurs photos et finissent par se rencontrer. Et là, horreur : la femme éprouve le sentiment odieux de s'être fait piéger. L'homme s'était présenté sous son meilleur jour, et, même dans une ambiance tamisée, il se révèle pitoyable...
Désormais, ces femmes déçues ou trompées sur la qualité de leur partenaire peuvent avoir le dernier mot. Le correspondant à Washington d'Europe 1 décrivait l'autre jour un nouveau site (littéralement : ne-sortez-plus-avec-lui.com) où elles peuvent se défouler post-coïtum. Une sorte de service des réclamations ou d'après-vente. Sur ce site, elles rédigent des comptes rendus salés, dénoncent les faiblesses et les mensonges des dons Juans de pacotille. Untel se déclare célibataire alors qu'il est marié. Tel autre est un goujat. A la trappe !
Leurs noms et leurs photos se retrouvent sur le site et finissent par constituer le Bottin des mauvais coups. Un autre site permet de noter de zéro à 122 les "mecs" inaptes... Bref, Internet est annexé à la cause des femmes. Les dragueurs impénitents croyaient pouvoir détourner à leur seul profit la technologie et découvrent qu'elle se retourne violemment contre eux.
On ne sait si cette folie du CPE (contrat post-échec) débarquera prochainement en France. Suggérons en tout cas aux Américaines de ne pas dédaigner sa face positive : le CPE ou contrat première extase.
Laurent Greilsamer
Article paru dans l'édition du 28.03.06
NDLR
Les contrats règnent au pays de la flexibilité ? Cela signifie que les assurances que les américains (nes) n'auront jamais de leurs employeurs ils les réclament à leur partenaire sexuel ! Nous français, nous voulons juste le contraire. Pas étonnant que nous soyons aussi incompris du monde libéral !