La grande force du capitalisme moderne et d'avoir compris et de savoir utiliser à son profit la grande découverte de la linguistique moderne, à savoir que ce n'est pas notre esprit qui fabrique les mots, ce sont les mots qui fabriquent notre esprit. Il suffit donc de détourner le sens de certains mots importants pour empêcher les gens de penser. Ou les faire penser à autre chose.
Un exemple fourni par Frank Lepage dans cette conférence gesticulée. Ce n'est pas un spectacle, même si ça y ressemble très fort, car le but n'est pas de nous divertir, mais de nous convertir à la libre pensée.
Dans les années 60 le terme qui revenait leplus souvent dans la plupart des ouvrages traitant du management était : hiérarchie. Ce qui n'étonnera personne. En 1997 le terme de hiérarchie n'apparaît plus du tout dans les ouvrages de management.
La hiérarchie aurait-elle disparu des entreprises ? Bien sûr que non. On peut même dire qu'elle s'est largement renforcée. Mais le concept de hiérarchie a disparu complètement du discours managérial. Il a été remplacé par un nouveau concept, celui de : projet.
Tant il est vrai que s'il est facile de s'attaquer à la hiérarchie, il serait indécent de s'attaquer à un projet. De plus, le projet tue le désir, et c'est bien là son but.
Le talent de Frank Lepage est d'utiliser, brillamment, la scène et les mots pour opérer le processus inverse et remettre les concepts qui comptent à l'endroit.
Pour moi, qui passe beaucoup de temps sur ce blog à tenter de chercher la vérité parmi tous les mensonges qui nous sont en permanence délivrés, cette conférence fut une claque magistrale.
Je comprends enfin le vrai sens de l'éducation populaire qui n'est pas l'éducation du peuple, mais une éducation qui serait « populaire » au sens où elle serait intelligible et donc appréciée par le peuple.
Malheureusement, l'école, la hiérarchie, désormais cachée derrière le concept de projet, et la plupart des profs ne sont pas formatés pour être « populaires ». Ils ne sont pas là pour être « intelligibles et appréciés ». Ils sont là, dans la plupart des cas, pour déverser sur nos chères têtes blondes un savoir programmé pour faciliter la sélection.
J'encourage fortement les enseignants, les parents d'élèves, et même la hiérarchie s'il lui advenait de se fourvoyer ici, à regarder jusqu'au bout cette conférence gesticulée de Frank Lepage. C'est, à mon humble avis, beaucoup plus riche d'enseignements, pour tous ceux qui ont pour noble mission d'enseigner notre jeunesse, que pas mal d'années de formation traditionnelle.
Quant à ceux qui n'enseignent pas, mais qui essaient, tant bien que mal, de se servir de leurs neurones, cette conférence constitue une leçon magistrale d'éveil de la conscience politique.
Les mots sont des armes. La langue de bois n'est pas seulement un travestissement poli du langage, elle a pour but de frapper, au sens littéral du terme, les esprits pour les rendre plus malléables.
N.B
Si vous êtes abonné à Arrêt sur Images je vous conseille la lecture de l'émission consacrée à Frank Lepage : « LA DÉMOCRATIE, C'EST CHIANT. C'EST LE FASCISME QUI EST NATUREL »
C'est une excellente introduction, à l'aide d'une vidéo de presque 2 heures, au monde de Frank Lepage.
Si vous n'êtes pas abonné (trois euros par mois) vous avez tort... C'est, comme l'éducation populaire, une façon de décrypter l'actualité et donc d'ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure.
Vous trouverez ci-après les deux versions de la conférence de Lepage :
Inculture 1, consacrée à la culture
Inculture 2, consacrée à l'éducation
Prévoyez du temps devant vous : ces deux versions durent l'une deux heures, l'autre trois heures. Et bien, figurez-vous qu'on ne s'ennuie pas une minute. Personnellement, je n'ai pas été scotché à ce point depuis bien longtemps. Si j'avais eu la chance d'avoir un prof comme M. Lepage ma vie aurait certainement été toute autre. Mais il n'est jamais trop tard pour commencer à penser sur de bonnes bases.
Pour finir une citation de Franck Lepage :
Ce qui distingue la droite de la gauche c'est que la première ne s'intéresse à l'égalité des chances qu'au départ, alors que la seconde s'y intéresse à l'arrivée.
Sous une autre forme : Pour la droite, dans la course, le lièvre et la tortue sont à égalité puisqu'ils sont sur la même ligne de départ.
Ben voyons...