Par Dr Marion Lagneau Gastroentérologue et auteure du blog Cris et Chuchotements Médicaux
Sincèrement, on est vraiment désolés.
Vous ne trouvez pas de médecin. Vous vous lamentez de voir partir les généralistes de vos villes et villages. Vous êtes insatisfaits des délais d'attente pour consultation de spécialistes. Vous vous énervez des heures d'attente aux urgences débordées.
Sincèrement, on est désolés
Car ce n'est pas de notre faute, à nous, les médecins.
Ce n'est pas nous qui avons mis en place le numérus clausus, limitant le nombre de médecins formés. Au contraire, nous nous sommes battus contre ça. D'année en année, nous avons alerté, les patients et leurs représentants, le conseil de l'ordre, les gouvernants, sur la pénurie prévisible de médecins. On ne nous a pas écoutés. Ou plutôt, on n'a pas voulu écouter. Vous savez ce qu'ils pensaient, ceux qui ont organisé sciemment cette pénurie? Ils pensaient que baisser le nombre de médecins allait baisser la demande de soins... Mais oui ! Ils étaient convaincus que c'était nous, les médecins, qui générions de l'activité. Raisonnement simpliste, moins de médecins = moins de patients, raisonnement simpliste reconduit de gouvernement de droite en gouvernement de gauche. Tous formés dans les mêmes écoles, méprisant la voix du peuple, obsédés de leurs propres convictions.
Sincèrement, on est désolés
Ce n'est pas faute d'avoir alerté sur le vieillissement de la population, sur la gravité des maladies et la lourdeur des patients, sur les polypathologies qui rendaient complexes la consultation médicale. D'année en année, les généralistes ont répété l'impossibilité pour eux de consacrer autant de temps qu'ils voudraient aux patients complexes, parce que 23 euros pour des consultations longues et complexes, c'est insuffisant pour boucler la fin du mois honnêtement, payer toutes ses charges et assurances, et gagner sa vie comme un cadre. Vous savez ce qu'ils pensaient, ceux qui n'ont pas voulu augmenter les tarifs des médecins, en particulier des consultations complexes? ils pensaient que les médecins n'étaient pas bons. Et donc, ils se sont dit qu'au lieu de les augmenter, il fallait leur donner des primes à la bonne médecine. Ils ont alors généré des tas de critères qui génèrent des récompenses financières. A grand renfort de publicité, ils expliquent qu'un généraliste peut toucher jusqu'à 6000 euros par an. Soit 500 euros par mois. Sur lequel il paye 50% de charges, (oui, c'est de l'honoraire imposable, et pas net), soit un gain supplémentaire de 250 euros par mois. Cet argent supplémentaire n'a pas permis de faire des consultations plus longues, parce qu'il y a tellement de patients, qu'il faut de toutes manières aller vite pour satisfaire la demande. Comment voulez-vous que les médecins fassent la médecine lente et réfléchie qu'on leur demande quand ils n'ont pas assez de temps à consacrer aux patients. Ce ne sont quelques billets sciemment décomptés qui vont leur donner le temps dont ils manquent.
Sincèrement, on est désolés
On refuse, oui, on refuse le conventionnement sélectif, et l'obligation d'aller s'installer dans les déserts. Pour beaucoup de raisons. La première est une raison familiale. Une majorité de médecins sont maintenant des femmes. Elles préfèrent vivre en ville. Elles n'ont pas envie de délocaliser mari et enfants loin du confort urbain, des collèges, des lycées, des activités. Et elles ne veulent pas travailler jusqu'à pas d'heure le soir, et faire des gardes la nuit et le week-end en plus. Mais ce n'est pas la seule raison. Dans beaucoup de villes, le désert est aussi installé. Y compris dans certaines grandes villes, et même à Paris. Dans les régions dites surdotées, on veut exiger le départ à la retraite d'un médecin pour l'installation d'un autre. Du coup, les clientèles vont prendre de la valeur. Cela va générer un marché de rachat de clientèle. Tous les spécialistes ayant investi s'installeront en secteur 2, et auront tendance à augmenter leurs honoraires pour rembourser leurs emprunts d'achat de cabinets. La contrainte coercitive à l'installation a toujours et partout démontré son inefficacité. Nous, les médecins, ne cessons de le répéter. Mais une fois encore, on dévalorise la parole des médecins, et si cela se produit, et que cela ne marche pas, ce sera faute d'avoir écouté les mises en garde.
Sincèrement, on est désolés
Désolés, parce que vous imaginez que le tiers-payant signifie ne plus payer de frais médicaux. En tant que consommateurs, vous le savez bien, c'est toujours le consommateur qui paye, au final. En médecine, vous êtes avant tout un client. Un client du médecin, mais aussi de la sécu, et encore plus des mutuelles. On vous a grisés avec la mutuelle payée par l'employeur, et maintenant vous tombez des nues. Ce n'est vraiment pas notre faute si pour le même prix, vous avez désormais 2 fois moins de prise en charge. Mais tout dépités que vous êtes, vous écoutez encore les sonneurs de glas, ceux qui vous murmurent que c'est de la faute des médecins, de leurs dépassements d'honoraires. Les dépassements n'ont pas augmenté, au contraire, ils stagnent, voire baissent. C'est leur prise en charge par les mutuelles qui a fondu. Ils vous ont bien eus. Et toujours habilement, toujours en vous faisant croire que c'est la faute des médecins. Ce n'est pas faute d'avoir crié sans relâche que le tiers payant généralisé n'était qu'une façon de nous rendre totalement dépendants des organismes payeurs, sans que cela n'apporte aucune amélioration du statut des patients, bien au contraire. Déjà, certains traitements lourds sont raccourcis, particulièrement dans des domaines ou les médicaments sont chers, comme en cancérologie. Voire interrompus comme récemment dans ma spécialité des traitements par un nouvel immunosuppresseur suspendus du jour au lendemain pour une seule raison: trop coûteux.
Sincèrement, on est désolés
On est désolés, parce que quand vous êtes vraiment malade, que vous avez besoin de votre généraliste urgemment, il n'est pas disponible. On est désolés que vous râliez, parce que s'il ne vous reçoit pas en consultation aussi vite que vous voulez, c'est qu'il a de bonnes raisons. Certains jours, il n'est pas à son cabinet, peut-être, mais il n'est pas non plus au golf, ou en train de se faire la grasse matinée pendant que vous souffrez. Il a d'autres occupations médicales souvent. Ou bien, il prend un peu de temps pour sa famille. Pourquoi en auriez-vous, du temps libre, et pas votre médecin, après tout? Nous travaillons déjà beaucoup. Tous, et depuis notre jeunesse. Les internes s'épuisent autant qu'il y a 30 ans, les médecins hospitaliers sont sur les genoux, et les généralistes sont pour beaucoup âgés de plus de 50 ans et fatigués.
Sincèrement, on est désolés
On est désolés, de vous voir si nombreux dans les services d'urgence. On comprend, certes, vos angoisses d'avoir un symptôme et de vouloir tout de suite s'assurer que ce n'est pas grave. Mais, on ne comprend pas que vous ne comprenez pas que tous les autres font comme vous, et que nous, aux urgences, on ne peut pas suivre. Parce qu'on n'a pas assez de moyens, pas assez de temps soignant, pour faire face à cet afflux permanent de patients aux urgences. On est désolés de votre incompréhension face à ces situations, de vos impatiences, de vos critiques. On fait de notre mieux pour voir tous ceux qui se présentent, avec des priorités selon la gravité de leur état.
Sincèrement, on est désolés
On est désolés d'entendre ressasser inlassablement sur les restes à charge des patients, et de voir toujours les médecins désignés comme des détrousseurs. Parce que le reste à charge concernant les frais médicaux, est pour beaucoup issu des franchises de remboursement des consultations et des boites de médicaments. Parce que l'essentiel du reste à charge ce sont les dépenses de dentaire et d'optique. Mais, cherchez bien un tableau sur cette répartition, vous ne le trouverez pas si facilement. Il y a des évidences qu'il vaut mieux taire, et charger la barque des médecins avec leurs honoraires est si facile. La seule spécialité dont les ¾ des médecins font des dépassements c'est la chirurgie. Parce que les honoraires des actes chirurgicaux n'ont pratiquement pas été revalorisés depuis des années, et qu'un chirurgien ne peut pas vivre correctement s'il pratique les tarifs de la sécurité sociale, tout en payant 20.000 euros annuels d'assurance. On l'a expliqué, réexpliqué. Ce qui est rare finit forcément un jour par être cher, et c'est exactement la situation de la chirurgie en France. Et vous ne vous rabattrez pas sur l'hôpital public, qui manque dramatiquement de bras chirurgicaux, et même d'anesthésistes pour endormir les malades. On est désolés. Parce que c'est à vous, patients, que cela arrive. Et qu'on ne peut pas changer cela. La plupart des médecins gagnent la même chose, voire moins qu'un cadre de leur niveau d'ancienneté. On ne peut pas plus demander à un médecin de baisser ses honoraires, qu'à un salarié de baisser son salaire.
On est désolés
Désolés d'être dans une société ou des médecins se font tuer ou blesser par des patients. Désolés d'être dans une société ou les médecins sont agressés, donc agressifs parfois aussi. Désolés d'être à votre image, chers patients. Nous aussi avons des envies, des besoins, des exigences, mais aussi beaucoup, énormément de frustrations. La frustration nait, vous le savez, vous vous en plaignez, du manque de dialogue. Nous, les médecins, nous manquons de dialogue, tant avec nos tutelles, qu'avec les patients. Nous voudrions construire une médecine qui satisfasse autant les donneurs de soins que les utilisateurs, et chaque jour démontre que l'emprise financière, la mainmise de l'argent, nous éloignent d'une certaine représentation de l'idéal du monde médical, vu par les patients, comme par les médecins. C'est un sentiment que nous partageons souvent, la désolation. Comment aurions-nous pu éviter d'en arriver à ce stade de découragement? Comment en sortir en allant de l'avant?
Ce billet est également publié sur le blog Cris et Chuchotements Médicaux.
N.D.L.R
L'intérêt de ce texte est qu'il met bien les choses au clair, notamment en ce qui concerne les responsabilités de l'État de de la Sécurité Sociale dans l'état des lieux actuels de la médecine en France.
On voit très bien comment l'État et la S.S ont beau jeu de se défausser de leurs responsabilités sur les médecins.
Par ailleurs, à mon sens, le problème de fond qui se pose actuellement, en dehors des défaillances coutumières de l'État, c'est, compte tenu de l'emprise de plus en plus grande de l'industrie pharmaceutique sur l'État et sur beaucoup de médecins, le statut même de la médecine.
Actuellement, il est privé, en dépit des liens étroits de beaucoup de médecins avec l'État et la SS. Peu de médecins en effet décident la libéralisation totale, à savoir le déconventionnement.
Dans certains pays les médecins sont "nationalisés".
Comme toujours la solution serait dans un juste milieu.
Malheureusement, et nous en sommes désolés nous aussi, comme dans beaucoup d'autres domaines de notre société, la toute puissance de l'argent fait que ce juste milieu devient de plus en plus difficile à atteindre.
La santé, comme l'éducation, ne peuvent valablement fonctionner selon des principes comptables, voire mercantiles. Un hôpital comme une école ne peuvent être "rentables".
C'était évident dans le passé, ce ne l'est plus du tout maintenant.
Résultat : notre système hospitalier, notre médecine et notre système éducatif, naguère considérés comme parmi les meilleurs du monde, sont maintenant dans un état de délabrement avancé.
Je ne suis en aucune façon qualifié pour préconiser des solutions, mais je le suis quand même assez pour constater les dégâts.
Pour conclure je rappelle une singularité qui fait hurler la plupart des médecins "libéraux" quoique conventionnés : en Chine, quand on est malade, on ne paie pas son médecin.
Ce qui signifie, qu'en Chine, c'est-à-dire très loin de nous et depuis des millénaires, on considère qu'un médecin n'est pas là pour soigner des maladies, mais pour faire en sorte que nous soyons le moins malades possible. J'espère que vous saisissez la profondeur de la différence. Les médecins, eux, la saisissent immédiatement et généralement grimpent immédiatement au rideau.
Bien entendu et heureusement, il existe des médecins tout à fait conscients de ce qui précède mais, dans l'ensemble, il faut bien reconnaître qu'ils ne sont pas très nombreux.
Maintenant que nous sommes pour la plupart éduqués et que nous disposons d'un accès à Internet et à l'ensemble des médias et donc de la connaissance de ce qu'il ne faut plus faire pour rester en bonne santé, c'est à nous d'adopter et de nous tenir à des comportements qui permettent non seulement de ne pas être malade, mais aussi de bénéficier d'une espérance de vie en bonne santé après 63 ans.
En effet, la moyenne actuelle de l'espérance de vie dont on nous rebat les oreilles est de plus de 82,57 ans en France. Mais dans quel état ! La différence est de presque vingt ans. Ce qui veut dire que la moitié des français ne sont plus en bonne santé les dernières années de leur vie. Et la mauvaise santé quand on a plus de 63 ans, c'est plutôt pénible. Ceci, alors qu'à cet âge là on est généralement à la retraite, c'est-à-dire le meilleur moment de notre vie. C'est un connaisseur qui vous parle, j'ai 70 ans et je suis à la retraite, en bonne santé, depuis dix ans.
De la même façon qu'il nous est possible de résister à la malbouffe en n'achetant plus les saletés qu'on nous propose, ou de résister aux méfaits de la société de consommation en ne consommant plus stupidement, il nous est possible de nous passer de l'industrie pharmaceutique et de la médecine en décidant de vivre sainement.
Évidemment, la médecine et l'industrie du médicament auront toujours de quoi s'occuper avec les maladies génétiques, les maladies rares et les accidents, mais dans des proportions qui n'auront rien à voir avec celles d'aujourd'hui. Ce qui fera des vacances pour tout le monde ;-)
P.S
Bien entendu si vous buvez comme un trou, mangez comme un porc et avez une existence complètement dissolue, quand vous serez malade, vous aurez juste le droit de la fermer hermétiquement et de faire sans discuter tout ce que l'on vous dira de faire. Comme le bon "patient" que vous serez. C'était votre choix, aimiez-vous à dire, alors assumez-le.
Je suis peut être brutal, mais il y a encore trop de gens qui continuent à mourir du cancer du poumon alors qu'ils savent parfaitement qu'ils ont une chance sur deux de mourir s'ils continuent de fumer, trop de gens qui mangent trop et mal et qui ont donc toutes les chances de développer un diabète de type II, et trop de gens qui font un infarctus ou un A.V.C parce qu'ils ne bougent plus leur cul depuis des années tout en fumant, en baffrant, et en buvant comme des perdus.
Ce qui est quand même dommage pour leurs familles éplorées et la Sécu par nous financée qui, je le rappelle, dépense autant pendant les dernières années de vie d'un assujetti social que pendant sa vie entière.
Quant aux intéressés eux-mêmes, il n'y a aucune raison de les plaindre puisque que "c'était leur choix".
Sincèrement, on est vraiment désolés.
Vous ne trouvez pas de médecin. Vous vous lamentez de voir partir les généralistes de vos villes et villages. Vous êtes insatisfaits des délais d'attente pour consultation de spécialistes. Vous vous énervez des heures d'attente aux urgences débordées.
Sincèrement, on est désolés
Car ce n'est pas de notre faute, à nous, les médecins.
Ce n'est pas nous qui avons mis en place le numérus clausus, limitant le nombre de médecins formés. Au contraire, nous nous sommes battus contre ça. D'année en année, nous avons alerté, les patients et leurs représentants, le conseil de l'ordre, les gouvernants, sur la pénurie prévisible de médecins. On ne nous a pas écoutés. Ou plutôt, on n'a pas voulu écouter. Vous savez ce qu'ils pensaient, ceux qui ont organisé sciemment cette pénurie? Ils pensaient que baisser le nombre de médecins allait baisser la demande de soins... Mais oui ! Ils étaient convaincus que c'était nous, les médecins, qui générions de l'activité. Raisonnement simpliste, moins de médecins = moins de patients, raisonnement simpliste reconduit de gouvernement de droite en gouvernement de gauche. Tous formés dans les mêmes écoles, méprisant la voix du peuple, obsédés de leurs propres convictions.
Sincèrement, on est désolés
Ce n'est pas faute d'avoir alerté sur le vieillissement de la population, sur la gravité des maladies et la lourdeur des patients, sur les polypathologies qui rendaient complexes la consultation médicale. D'année en année, les généralistes ont répété l'impossibilité pour eux de consacrer autant de temps qu'ils voudraient aux patients complexes, parce que 23 euros pour des consultations longues et complexes, c'est insuffisant pour boucler la fin du mois honnêtement, payer toutes ses charges et assurances, et gagner sa vie comme un cadre. Vous savez ce qu'ils pensaient, ceux qui n'ont pas voulu augmenter les tarifs des médecins, en particulier des consultations complexes? ils pensaient que les médecins n'étaient pas bons. Et donc, ils se sont dit qu'au lieu de les augmenter, il fallait leur donner des primes à la bonne médecine. Ils ont alors généré des tas de critères qui génèrent des récompenses financières. A grand renfort de publicité, ils expliquent qu'un généraliste peut toucher jusqu'à 6000 euros par an. Soit 500 euros par mois. Sur lequel il paye 50% de charges, (oui, c'est de l'honoraire imposable, et pas net), soit un gain supplémentaire de 250 euros par mois. Cet argent supplémentaire n'a pas permis de faire des consultations plus longues, parce qu'il y a tellement de patients, qu'il faut de toutes manières aller vite pour satisfaire la demande. Comment voulez-vous que les médecins fassent la médecine lente et réfléchie qu'on leur demande quand ils n'ont pas assez de temps à consacrer aux patients. Ce ne sont quelques billets sciemment décomptés qui vont leur donner le temps dont ils manquent.
Sincèrement, on est désolés
On refuse, oui, on refuse le conventionnement sélectif, et l'obligation d'aller s'installer dans les déserts. Pour beaucoup de raisons. La première est une raison familiale. Une majorité de médecins sont maintenant des femmes. Elles préfèrent vivre en ville. Elles n'ont pas envie de délocaliser mari et enfants loin du confort urbain, des collèges, des lycées, des activités. Et elles ne veulent pas travailler jusqu'à pas d'heure le soir, et faire des gardes la nuit et le week-end en plus. Mais ce n'est pas la seule raison. Dans beaucoup de villes, le désert est aussi installé. Y compris dans certaines grandes villes, et même à Paris. Dans les régions dites surdotées, on veut exiger le départ à la retraite d'un médecin pour l'installation d'un autre. Du coup, les clientèles vont prendre de la valeur. Cela va générer un marché de rachat de clientèle. Tous les spécialistes ayant investi s'installeront en secteur 2, et auront tendance à augmenter leurs honoraires pour rembourser leurs emprunts d'achat de cabinets. La contrainte coercitive à l'installation a toujours et partout démontré son inefficacité. Nous, les médecins, ne cessons de le répéter. Mais une fois encore, on dévalorise la parole des médecins, et si cela se produit, et que cela ne marche pas, ce sera faute d'avoir écouté les mises en garde.
Sincèrement, on est désolés
Désolés, parce que vous imaginez que le tiers-payant signifie ne plus payer de frais médicaux. En tant que consommateurs, vous le savez bien, c'est toujours le consommateur qui paye, au final. En médecine, vous êtes avant tout un client. Un client du médecin, mais aussi de la sécu, et encore plus des mutuelles. On vous a grisés avec la mutuelle payée par l'employeur, et maintenant vous tombez des nues. Ce n'est vraiment pas notre faute si pour le même prix, vous avez désormais 2 fois moins de prise en charge. Mais tout dépités que vous êtes, vous écoutez encore les sonneurs de glas, ceux qui vous murmurent que c'est de la faute des médecins, de leurs dépassements d'honoraires. Les dépassements n'ont pas augmenté, au contraire, ils stagnent, voire baissent. C'est leur prise en charge par les mutuelles qui a fondu. Ils vous ont bien eus. Et toujours habilement, toujours en vous faisant croire que c'est la faute des médecins. Ce n'est pas faute d'avoir crié sans relâche que le tiers payant généralisé n'était qu'une façon de nous rendre totalement dépendants des organismes payeurs, sans que cela n'apporte aucune amélioration du statut des patients, bien au contraire. Déjà, certains traitements lourds sont raccourcis, particulièrement dans des domaines ou les médicaments sont chers, comme en cancérologie. Voire interrompus comme récemment dans ma spécialité des traitements par un nouvel immunosuppresseur suspendus du jour au lendemain pour une seule raison: trop coûteux.
Sincèrement, on est désolés
On est désolés, parce que quand vous êtes vraiment malade, que vous avez besoin de votre généraliste urgemment, il n'est pas disponible. On est désolés que vous râliez, parce que s'il ne vous reçoit pas en consultation aussi vite que vous voulez, c'est qu'il a de bonnes raisons. Certains jours, il n'est pas à son cabinet, peut-être, mais il n'est pas non plus au golf, ou en train de se faire la grasse matinée pendant que vous souffrez. Il a d'autres occupations médicales souvent. Ou bien, il prend un peu de temps pour sa famille. Pourquoi en auriez-vous, du temps libre, et pas votre médecin, après tout? Nous travaillons déjà beaucoup. Tous, et depuis notre jeunesse. Les internes s'épuisent autant qu'il y a 30 ans, les médecins hospitaliers sont sur les genoux, et les généralistes sont pour beaucoup âgés de plus de 50 ans et fatigués.
Sincèrement, on est désolés
On est désolés, de vous voir si nombreux dans les services d'urgence. On comprend, certes, vos angoisses d'avoir un symptôme et de vouloir tout de suite s'assurer que ce n'est pas grave. Mais, on ne comprend pas que vous ne comprenez pas que tous les autres font comme vous, et que nous, aux urgences, on ne peut pas suivre. Parce qu'on n'a pas assez de moyens, pas assez de temps soignant, pour faire face à cet afflux permanent de patients aux urgences. On est désolés de votre incompréhension face à ces situations, de vos impatiences, de vos critiques. On fait de notre mieux pour voir tous ceux qui se présentent, avec des priorités selon la gravité de leur état.
Sincèrement, on est désolés
On est désolés d'entendre ressasser inlassablement sur les restes à charge des patients, et de voir toujours les médecins désignés comme des détrousseurs. Parce que le reste à charge concernant les frais médicaux, est pour beaucoup issu des franchises de remboursement des consultations et des boites de médicaments. Parce que l'essentiel du reste à charge ce sont les dépenses de dentaire et d'optique. Mais, cherchez bien un tableau sur cette répartition, vous ne le trouverez pas si facilement. Il y a des évidences qu'il vaut mieux taire, et charger la barque des médecins avec leurs honoraires est si facile. La seule spécialité dont les ¾ des médecins font des dépassements c'est la chirurgie. Parce que les honoraires des actes chirurgicaux n'ont pratiquement pas été revalorisés depuis des années, et qu'un chirurgien ne peut pas vivre correctement s'il pratique les tarifs de la sécurité sociale, tout en payant 20.000 euros annuels d'assurance. On l'a expliqué, réexpliqué. Ce qui est rare finit forcément un jour par être cher, et c'est exactement la situation de la chirurgie en France. Et vous ne vous rabattrez pas sur l'hôpital public, qui manque dramatiquement de bras chirurgicaux, et même d'anesthésistes pour endormir les malades. On est désolés. Parce que c'est à vous, patients, que cela arrive. Et qu'on ne peut pas changer cela. La plupart des médecins gagnent la même chose, voire moins qu'un cadre de leur niveau d'ancienneté. On ne peut pas plus demander à un médecin de baisser ses honoraires, qu'à un salarié de baisser son salaire.
On est désolés
Désolés d'être dans une société ou des médecins se font tuer ou blesser par des patients. Désolés d'être dans une société ou les médecins sont agressés, donc agressifs parfois aussi. Désolés d'être à votre image, chers patients. Nous aussi avons des envies, des besoins, des exigences, mais aussi beaucoup, énormément de frustrations. La frustration nait, vous le savez, vous vous en plaignez, du manque de dialogue. Nous, les médecins, nous manquons de dialogue, tant avec nos tutelles, qu'avec les patients. Nous voudrions construire une médecine qui satisfasse autant les donneurs de soins que les utilisateurs, et chaque jour démontre que l'emprise financière, la mainmise de l'argent, nous éloignent d'une certaine représentation de l'idéal du monde médical, vu par les patients, comme par les médecins. C'est un sentiment que nous partageons souvent, la désolation. Comment aurions-nous pu éviter d'en arriver à ce stade de découragement? Comment en sortir en allant de l'avant?
Ce billet est également publié sur le blog Cris et Chuchotements Médicaux.
N.D.L.R
L'intérêt de ce texte est qu'il met bien les choses au clair, notamment en ce qui concerne les responsabilités de l'État de de la Sécurité Sociale dans l'état des lieux actuels de la médecine en France.
On voit très bien comment l'État et la S.S ont beau jeu de se défausser de leurs responsabilités sur les médecins.
Par ailleurs, à mon sens, le problème de fond qui se pose actuellement, en dehors des défaillances coutumières de l'État, c'est, compte tenu de l'emprise de plus en plus grande de l'industrie pharmaceutique sur l'État et sur beaucoup de médecins, le statut même de la médecine.
Actuellement, il est privé, en dépit des liens étroits de beaucoup de médecins avec l'État et la SS. Peu de médecins en effet décident la libéralisation totale, à savoir le déconventionnement.
Dans certains pays les médecins sont "nationalisés".
Comme toujours la solution serait dans un juste milieu.
Malheureusement, et nous en sommes désolés nous aussi, comme dans beaucoup d'autres domaines de notre société, la toute puissance de l'argent fait que ce juste milieu devient de plus en plus difficile à atteindre.
La santé, comme l'éducation, ne peuvent valablement fonctionner selon des principes comptables, voire mercantiles. Un hôpital comme une école ne peuvent être "rentables".
C'était évident dans le passé, ce ne l'est plus du tout maintenant.
Résultat : notre système hospitalier, notre médecine et notre système éducatif, naguère considérés comme parmi les meilleurs du monde, sont maintenant dans un état de délabrement avancé.
Je ne suis en aucune façon qualifié pour préconiser des solutions, mais je le suis quand même assez pour constater les dégâts.
Pour conclure je rappelle une singularité qui fait hurler la plupart des médecins "libéraux" quoique conventionnés : en Chine, quand on est malade, on ne paie pas son médecin.
Ce qui signifie, qu'en Chine, c'est-à-dire très loin de nous et depuis des millénaires, on considère qu'un médecin n'est pas là pour soigner des maladies, mais pour faire en sorte que nous soyons le moins malades possible. J'espère que vous saisissez la profondeur de la différence. Les médecins, eux, la saisissent immédiatement et généralement grimpent immédiatement au rideau.
Bien entendu et heureusement, il existe des médecins tout à fait conscients de ce qui précède mais, dans l'ensemble, il faut bien reconnaître qu'ils ne sont pas très nombreux.
Maintenant que nous sommes pour la plupart éduqués et que nous disposons d'un accès à Internet et à l'ensemble des médias et donc de la connaissance de ce qu'il ne faut plus faire pour rester en bonne santé, c'est à nous d'adopter et de nous tenir à des comportements qui permettent non seulement de ne pas être malade, mais aussi de bénéficier d'une espérance de vie en bonne santé après 63 ans.
En effet, la moyenne actuelle de l'espérance de vie dont on nous rebat les oreilles est de plus de 82,57 ans en France. Mais dans quel état ! La différence est de presque vingt ans. Ce qui veut dire que la moitié des français ne sont plus en bonne santé les dernières années de leur vie. Et la mauvaise santé quand on a plus de 63 ans, c'est plutôt pénible. Ceci, alors qu'à cet âge là on est généralement à la retraite, c'est-à-dire le meilleur moment de notre vie. C'est un connaisseur qui vous parle, j'ai 70 ans et je suis à la retraite, en bonne santé, depuis dix ans.
De la même façon qu'il nous est possible de résister à la malbouffe en n'achetant plus les saletés qu'on nous propose, ou de résister aux méfaits de la société de consommation en ne consommant plus stupidement, il nous est possible de nous passer de l'industrie pharmaceutique et de la médecine en décidant de vivre sainement.
Évidemment, la médecine et l'industrie du médicament auront toujours de quoi s'occuper avec les maladies génétiques, les maladies rares et les accidents, mais dans des proportions qui n'auront rien à voir avec celles d'aujourd'hui. Ce qui fera des vacances pour tout le monde ;-)
P.S
Bien entendu si vous buvez comme un trou, mangez comme un porc et avez une existence complètement dissolue, quand vous serez malade, vous aurez juste le droit de la fermer hermétiquement et de faire sans discuter tout ce que l'on vous dira de faire. Comme le bon "patient" que vous serez. C'était votre choix, aimiez-vous à dire, alors assumez-le.
Je suis peut être brutal, mais il y a encore trop de gens qui continuent à mourir du cancer du poumon alors qu'ils savent parfaitement qu'ils ont une chance sur deux de mourir s'ils continuent de fumer, trop de gens qui mangent trop et mal et qui ont donc toutes les chances de développer un diabète de type II, et trop de gens qui font un infarctus ou un A.V.C parce qu'ils ne bougent plus leur cul depuis des années tout en fumant, en baffrant, et en buvant comme des perdus.
Ce qui est quand même dommage pour leurs familles éplorées et la Sécu par nous financée qui, je le rappelle, dépense autant pendant les dernières années de vie d'un assujetti social que pendant sa vie entière.
Quant aux intéressés eux-mêmes, il n'y a aucune raison de les plaindre puisque que "c'était leur choix".
Commentaires sur le tableau d'espérance de vie et d'espérance de vie en bonne santé pour les hommes et pour les femmes.
Entre ces statistiques il y a quasiment 20 ans d'écart entre l'âge statistique de la mort d'un côté, de la fin de la bonne santé de l'autre. Ce qui est énorme. En ce qui me concerne je considère que l'espérance de vie en bonne santé est beaucoup plus significative que l'espérance classique de vie, qui est en fait une espérance de mort.
La différence entre les hommes et les femmes, flagrante pour l'espérance de vie tend à disparaître pour l'espérance de vie en bonne santé
Si on nous rebat les oreilles avec l'espérance de vie, on ne peut pas dire que les statistiques sur l'espérance de vie en bonne santé fasse l'objet de beaucoup de publicité, de la part des services publics ou des organismes médicaux. On comprend pourquoi.
Tous ces chiffres sont susceptibles de grands changements dans les décennies à venir. En effet, pour ne prendre que la pollution :
En matière de pollution toutes les grandes villes sont désormais fortement polluées. Cette pollution a des effets incontestables mais à long terme sur la santé des habitants des villes. Ces effets commencent à se faire sentir mais il est fort probable que dans les 10 à 20 années qui viennent l'impact sur les statistiques d'espérance de vie et de mort s'accentue nettement. Sans distinction entre les hommes et les femmes. Quelqu'un qui aura vécu toute sa vie dans une ville polluée aura plus de risques de cancer que quelqu'un qui aura vécu à l'écart de la pollution. Les campagnes ne sont pas plus avantagées que les villes car avec l'agriculture intensive moderne les agriculteurs sont aussi concernés par les risques de cancer et de stress que les citadins, sinon plus.
C'est la même chose en ce qui concerne les méfaits de la malbouffe et du stress permanent dans lequel vivent désormais la plupart des gens. Les pays en voie de développement étant encore plus concernés par ces dangers désormais que les autres.
Autrement dit, en dépit des progrès de la médecine, la pollution, désormais au niveau mondial et à un niveau très inquiétant pour l'avenir de l'humanité, ainsi que le mode de vie qui se généralise dans le monde entier ne sont guère propices à une évolution dans le bon sens de la vraie espérance de vie, l'espérance de vie en bonne santé.
Entre ces statistiques il y a quasiment 20 ans d'écart entre l'âge statistique de la mort d'un côté, de la fin de la bonne santé de l'autre. Ce qui est énorme. En ce qui me concerne je considère que l'espérance de vie en bonne santé est beaucoup plus significative que l'espérance classique de vie, qui est en fait une espérance de mort.
La différence entre les hommes et les femmes, flagrante pour l'espérance de vie tend à disparaître pour l'espérance de vie en bonne santé
Si on nous rebat les oreilles avec l'espérance de vie, on ne peut pas dire que les statistiques sur l'espérance de vie en bonne santé fasse l'objet de beaucoup de publicité, de la part des services publics ou des organismes médicaux. On comprend pourquoi.
Tous ces chiffres sont susceptibles de grands changements dans les décennies à venir. En effet, pour ne prendre que la pollution :
En matière de pollution toutes les grandes villes sont désormais fortement polluées. Cette pollution a des effets incontestables mais à long terme sur la santé des habitants des villes. Ces effets commencent à se faire sentir mais il est fort probable que dans les 10 à 20 années qui viennent l'impact sur les statistiques d'espérance de vie et de mort s'accentue nettement. Sans distinction entre les hommes et les femmes. Quelqu'un qui aura vécu toute sa vie dans une ville polluée aura plus de risques de cancer que quelqu'un qui aura vécu à l'écart de la pollution. Les campagnes ne sont pas plus avantagées que les villes car avec l'agriculture intensive moderne les agriculteurs sont aussi concernés par les risques de cancer et de stress que les citadins, sinon plus.
C'est la même chose en ce qui concerne les méfaits de la malbouffe et du stress permanent dans lequel vivent désormais la plupart des gens. Les pays en voie de développement étant encore plus concernés par ces dangers désormais que les autres.
Autrement dit, en dépit des progrès de la médecine, la pollution, désormais au niveau mondial et à un niveau très inquiétant pour l'avenir de l'humanité, ainsi que le mode de vie qui se généralise dans le monde entier ne sont guère propices à une évolution dans le bon sens de la vraie espérance de vie, l'espérance de vie en bonne santé.