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«L'avenir n'est plus ce qu'il était» [Paul Valéry]

Quand le pognon s’occupe de la santé ; ça fait mal !

 Dr LOUAFI
Jeudi 3 Décembre 2009

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Bonjour, je lis régulièrement votre blog que j'apprécie.
Cependant, vous faites une erreur qui revient dans vos billets , qui est fréquente et entretenue par les médias, en ce qui concerne la médecine et la chirurgie en particulier. Vous ne connaissez pas suffisamment le problème de la chirurgie en France, concernée en premier lieu par les "dépassements" d'honoraires. Je vous invite à lire le blog que nous avons mis en place contre la loi Bachelot et qui a compté plus de 2000 inscrits ( jeunes médecins et chirurgiens , étudiants en médecine...) au plus fort de l'opposition à cette loi. Je vous apporte donc ces quelques informations, que je soumets à votre réflexion:
- Pour un acte chirurgical, la pratique du devis pour les honoraires est obligatoire en France avec un délai de 15 jours de réflexion minimum. Les patients opérés sont donc aujourd'hui informés et acceptent le tarif proposé par le chirurgien. En cas d'urgence, les "dépassements" sont interdits.
-Le problème de l'accès aux soins est un faux problème puisque les endroits où il y a le plus de "dépassements" ( Paris, Marseille) sont ceux où il y a la plus grande offre de soins hospitaliers. A Paris, l'APHP compte 39 hôpitaux . Le choix d'un chirurgien précis, à honoraires différents, exerçant en libéral, est un libre choix du patient qui peut s'il le souhaite s'adresser à l'hôpital public , où il n'aura pas de reste à charge. C'est comme pour l'Education, si on veut mettre ses enfants dans le système d'éducation privée, c'est un choix.
-Beaucoup de chirurgiens libéraux ont d'ailleurs aussi une activité dans le service public pour laquelle ils travaillent pratiquement bénévolement ( rapporté aux nombres d'heures , le tarif horaire pour lequel me rémunère l'hôpital par exemple est inférieur à celui d'une baby-sitter ou d'un femme de ménage).
-Comme dénoncé par l'Union des Chirurgiens de France et le Syndicat National des Jeunes Chirurgiens , les tarifs conventionnels de la chirurgie n'ont pratiquement pas évolué depuis 30 ans, alors que les assurances et les charges ont flambé. Voici un exemple ( j'en ai une multitude d'autres à vous donner):pour l'ablation d'une tumeur de la paupière sur toute son épaisseur ( éxérèse transfixiante) avec réparation, chirurgie délicate et spécialisée, de durée moyenne de 1h 30 , avec le suivi pendant 15 jours inclus ,pendant lesquels le chirurgien peut être appelé jour et nuit en cas de problème ( hématome...), le chirurgien perçoit une rémunération forfaitaire...de 54€ ( code BAFA 014). L'aide opératoire perçoit en moyenne 50€ , le coût de l'assurance est en moyenne de 50€ par intervention pour ce chirurgien. Il est donc déficitaire d'environ 40€ !! Et je n'ai pas compté la CARMF, l'URSSAF, les frais de cabinet, le secrétariat... Les mutuelles remboursent royalement le patient très souvent à 100% du tarif sécu ( c'est à dire rien ) ou 150 % ( c'est à dire 27€ de plus sur cette intervention par exemple). Voilà avec un exemple concret qui montre qu'il faut arrêter de parler de "dépassement" d'honoraires en chirurgie. Il s'agit bien souvent d'honoraires tout court. Malheureusement, vous, comme beaucoup d'autres êtes tombés dans le piège médiatique. Les médias, surtout par les temps qui courent , ne mettent en avant qu'une partie choisie du problème.
Quand vous payez une paire de lunettes 50€ alors que la sécu rembourse 2€, vous payez... près de 5000% de " dépassement" du tarif sécu. Cela ne veut pas dire que le prix d'une paire de lunettes est de 2€ , mais que l'optique est très mal remboursée par la sécu en France. C'est la même chose pour la chirurgie. La différence avec l'optique, c'est que la chirurgie, en libéral , est en plus très mal remboursée ( ou pas du tout ) par les mutuelles !
En conclusion , ce qui est scandaleux, ce ne sont pas les "dépassements" d'honoraires des chirurgiens mais la façon dont le coût réel d'une chirurgie est remboursé par la sécu ... et par les mutuelles !! les tarifs dits "conventionnels" ne correspondent à aucune réalité économique aujourd'hui.
J'ai appris une chose dans ma lutte contre la Loi Bachelot: se méfier des images toutes faites véhiculées par tapage médiatique... surtout par les temps qui courent ! Sinon, vous risquez fort de faire le jeu des patrons des mutuelles et des cliniques privées ,qui aimeraient probablement bien voir disparaître l'hôpital public , et qui aimeraient avoir des chirurgiens salariés low-coast ,travaillant à la chaîne. Ces grands patrons sont proches ( très proches ) du pouvoir actuel.
Bien cordialement et sans rancune,
Dr Adel LOUAFI
Chirurgien


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