Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Tome 1 - Synthèse Maryse FOURCADE - IGAS Valérie GERVAIS - IGAS Frédérique SIMON-DELAVELLE - IGAS Patrick LAVARDE - IGEDD Adèle VEERABADREN – IGEDD Alain JOLY - CGAAER Rapport n°M2023-096 Rapport n°015411-01 Rapport n°23111 Les auteurs attestent qu'aucun des éléments de leurs activités passées ou présentes n'a affecté leur impartialité dans la rédaction de ce rapport Statut de communication ☐ Préparatoire à une décision administrative ☐ Non communicable ☐ Communicable (données confidentielles occultées) ☒ Communicable TOME 1 - SYNTHESE Sommaire Résumé......................................................................................................................... 19 Liste des recommandations........................................................................................ 24 Mise en œuvre des recommandations ....................................................................... 26 Introduction.................................................................................................................. 31 1 La surveillance et le contrôle des eaux brutes et distribuées révèlent depuis peu la présence généralisée de métabolites de pesticides.................................. 33 1.1 Il est nécessaire de mieux mettre en synergie la surveillance et le contrôle sanitaire des pesticides et de leurs métabolites dans les eaux brutes et les EDCH ............................................................................................................................ 33 1.1.1 Les agences de l’eau surveillent les eaux brutes ....................................... 33 1.1.2 L’autosurveillance par les PRPDE et le contrôle sanitaire par les ARS du point de prélèvement dans le milieu jusqu’au robinet de l’abonné.............. 34 1.1.3 Les améliorations à apporter à la surveillance ........................................... 36 1.1.4 La biosurveillance et les bioessais, en complément de l’analyse chimique, au service d’une meilleure évaluation de la qualité des EDCH................... 38 1.2 Des métabolites de pesticides sont détectés à des concentrations élevées dans les eaux brutes et les eaux distribuées ............................................................... 39 1.2.1 Les analyses disponibles révèlent que la qualité des eaux brutes est dégradée voire très dégradée dans plusieurs départements et pourrait impacter à court terme l’alimentation en eau potable ................................. 39 1.2.2 Les résultats du contrôle sanitaire révèlent une situation nouvelle de détection généralisée de métabolites de pesticides dans les eaux distribuées.................................................................................................. 41 2 La gestion des non-conformités pose de réelles difficultés aux acteurs de terrain et certaines règles peuvent être très difficiles à déterminer faute de données scientifiques ............................................................................................. 45 2.1 Une prise en compte insuffisante des risques liés aux métabolites dans la réglementation .................................................................................................... 45 2.1.1 Les métabolites sont peu présents dans la réglementation européenne, qu’il s’agisse de la directive cadre sur l’eau et de ses textes d’application ou du règlement encadrant l’approbation des substances actives et Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 3/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques .. 45 2.1.2 Des lacunes dans ces réglementations conduisent à une insuffisante prise en compte du risque lié aux métabolites .................................................... 46 2.2 L’harmonisation à l’échelon européen de la pertinence des métabolites et des valeurs de gestion doit intervenir rapidement...................................................... 47 2.2.1 Les approches de la notion de pertinence sont plurielles ........................... 47 2.2.2 La détermination des valeurs toxicologiques de référence, voire des valeurs de gestion, est à uniformiser à l’échelon européen ........................ 49 2.2.3 Les moyens humains et financiers de l’Anses sont à renforcer.................. 50 2.3 La gestion opérationnelle des non-conformités soulève de plus en plus de difficultés pour les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau et pour les services instructeurs ................................................................ 51 2.3.1 L’instabilité de l’expertise et le manque de clarté de certaines dispositions réglementaires compliquent l’intervention des personnes responsables de la production et de la distribution d’eau et fragilisent les agences régionales de santé ..................................................................................................... 52 2.3.2 À court terme, certaines dispositions réglementaires pourraient ne plus être applicables par les autorités publiques et les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau ...................................................... 55 2.4 L’information des consommateurs sur les non-conformités, bien qu’obligatoire, est inégale et souvent incomplète ....................................................................... 57 3 Des mesures curatives et préventives sont indispensables pour répondre au défi de la qualité des EDCH .................................................................................... 59 3.1 Des PRPDE contraints de mettre en œuvre des mesures curatives à court terme ............................................................................................................................ 59 3.1.1 L’efficacité des filières de traitement varie selon les molécules à traiter et leur concentration....................................................................................... 59 3.1.2 Les techniques de traitement et leurs coûts vont impacter le prix de l’eau . 60 3.1.3 Le financement des solutions curatives...................................................... 61 3.2 Le dispositif de protection des captages et de leurs aires d’alimentation, complexe et peu efficace, est à revoir................................................................. 63 3.2.1 La préservation de la qualité des ressources en eau est en échec pour ce qui concerne les pesticides ........................................................................ 64 3.2.2 La politique de protection des captages est à refonder .............................. 66 3.3 Sans mesures préventives ambitieuses et ciblées, la reconquête de la qualité des eaux est illusoire........................................................................................... 67 3.3.1 Les leviers « régaliens » sont insuffisamment utilisés pour réduire les usages des produits phytosanitaires .......................................................... 67 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 4/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 3.3.2 Les mesures à appliquer sur les captages et leurs aires d’alimentation ..... 69 3.3.3 Le financement des mesures préventives .................................................. 74 Conclusion ................................................................................................................... 77 Annexe 1 - Le bilan de la surveillance du milieu et du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine ................................................................. 82 1 Les résultats du contrôle sanitaire révèlent un nombre croissant de non conformités des eaux distribuées.......................................................................... 84 1.1 Le dernier bilan annuel du ministère de la santé disponible donne une image globale de la situation et ne tient pas encore compte des métabolites de la chloridazone et du chlorothalonil......................................................................... 84 1.2 Les données disponibles pour 2023-2024 révèlent une situation nouvelle.......... 92 1.2.1 Liste des départements pour lesquels il n’y a pas de données de suivi pour les 3 métabolites ciblés .............................................................................. 92 1.2.2 La situation pour la chloridazone desphényl (CLDZ_D) ............................. 94 1.2.3 La situation pour la chloridazone méthyl-désphényl (CLDZ_MD)............... 99 1.2.4 La situation pour le chlorothalonil R 471811............................................. 103 1.2.5 La situation pour le cumul des deux métabolites de la chloridazone ........ 108 2 Les analyses disponibles révèlent que des situations de non-conformité des eaux brutes pourraient se généraliser et impacter à court terme l’alimentation en eau potable ....................................................................................................... 108 2.1 Il existe différentes sources de données sur les eaux brutes............................. 108 2.1 La comparaison de la situation eaux brutes/eaux distribuées ........................... 110 2.1.1 L’état des lieux pour la chloridazone desphényl (CLDZ_D)...................... 110 2.1.2 L’état des lieux pour la chloridazone méthyl desphényl (CLDZ_MD)........ 113 2.1.3 L’état des lieux pour le chlorothalonil R 471811 (à titre indicatif pour la valeur de 0,1 μg/l) .................................................................................... 116 2.2 Des eaux brutes non conformes pour une distribution en eau potable.............. 119 2.2.1 La situation pour la chloridazone desphényl (CLDZ_D) ........................... 119 2.2.2 La situation pour la chloridazone méthyl desphényl (CLDZ_MD) ............. 121 2.2.3 La situation pour le chlorothalonil R 471811 (à titre indicatif pour la valeur de 2 μg/l).................................................................................................. 122 3 L’analyse de quelques cas concrets montre la nécessité de faire converger le suivi de la qualité des EDCH et le suivi des milieux ........................................... 124 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 5/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 3.1 L’Aisne est concernée par des non-conformités pour les métabolites de la chloridazone et du chlorothalonil....................................................................... 124 3.2 Le cas du bassin caennais en Normandie ......................................................... 127 Annexe 2 - Le processus de surveillance et de contrôle des pesticides dans les EDCH (eaux brutes et eaux distribuées).............................................................. 131 1 La surveillance exigée par la DCE des eaux souterraines et de surface .......... 134 1.1 L’application de la Directive-cadre sur l’Eau (DCE) : mise en place d’un programme de surveillance............................................................................... 134 1.1.1 La surveillance de l’état chimique des eaux ............................................. 134 1.1.2 Le rapportage à la Commission européenne............................................ 135 1.2 Des protocoles de surveillance de l’état chimique bien définis.......................... 136 1.3 La liste des molécules suivies pour l’état chimique ........................................... 136 1.4 La bancarisation des données (bases Naïades et Ades) et leur mise à disposition sur le portail EauFrance .................................................................. 138 2 La surveillance et le contrôle sanitaire des EDCH.............................................. 140 2.1 Une organisation du processus de surveillance et de contrôle très précisément décrite par la règlementation............................................................................. 140 2.1.1 La surveillance des EDCH, une obligation des fournisseurs d’eau, sous le contrôle des États-membres..................................................................... 140 2.1.2 En France, la surveillance de la qualité des EDCH incombe aux PRPDE et le contrôle sanitaire aux ARS ................................................................... 140 2.2 Sélection des molécules à surveiller, seuils de qualité applicables et situations de non-conformités : des situations différentes selon les territoires .................. 145 2.2.1 Un encadrement au niveau européen à la fois rigoureux et flou sur certains points ....................................................................................................... 145 2.2.2 La déclinaison au niveau français : une démarche qui s’appuie sur une rigueur scientifique mais qui n’intègre pas suffisamment les contraintes de la gestion opérationnelle .......................................................................... 147 2.2.3 Un schéma très clair d’identification des non-conformités dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux distribuées .................................................... 155 2.3 Une clarification nécessaire du processus de décision en matière de contrôle sanitaire ............................................................................................................ 156 2.3.1 Entre l’échelon communautaire et l’échelon français................................ 156 2.3.2 Entre le niveau national et l’échelon territorial .......................................... 156 2.4 La bancarisation (SISE-Eaux) et l’absence d’opérabilité avec les bases de Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 6/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine données des EB (Ades et Naïades) .................................................................. 157 3 Les difficultés et les lacunes de l’articulation entre les processus de surveillance et de contrôle des eaux visés par la directive cadre, d’une part, et par la directive « eau potable », d’autre part....................................................... 158 3.1 Une nécessaire homogénéisation à introduire dans les listes de molécules suivies............................................................................................................... 158 3.2 Des bonnes pratiques de coordination et d’échange de données entre acteurs à développer ........................................................................................................ 158 4 La biosurveillance et la phytopharmacovigilance épidémiologique doivent accompagner la chimie analytique ...................................................................... 159 Annexe 3 - La réglementation européenne relative aux pesticides et à leurs métabolites dans les eaux destinées à la consommation humaine .................. 160 1 Les métabolites de pesticides sont peu présents dans la réglementation européenne encadrant la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.................................................................................................................. 162 1.1 La liste de substances prioritaires établie dans le cadre de la directive cadre sur l’eau (DCE) ne contient aucun métabolite de pesticide ..................................... 162 1.2 Les textes d’application de la DCE : la directive eau potable et la directive eaux souterraines établissent une concentration maximale réglementaire commune pour les métabolites « pertinents » ; la directive relative aux eaux de surface n’intègre pas les métabolites de pesticides. ...................................................... 162 1.2.1 Eaux souterraines .................................................................................... 163 1.2.2 Eaux destinées à la consommation humaine ........................................... 163 1.2.3 Eaux de surface ....................................................................................... 164 1.2.4 La proposition de révision du 22 octobre 2022 intègre les métabolites non pertinents, mais ses perspectives d’adoption sont incertaines ................. 165 1.3 Les métabolites constituent également le parent pauvre de la réglementation relative aux produits phytopharmaceutiques ..................................................... 166 1.3.1 Le règlement 1107/2009 dit « règlement PPP »....................................... 166 1.3.2 Les textes d’application du règlement PPP 1107/2009 ............................ 167 1.3.3 La directive 2009/128/CE instaurant un cadre communautaire d’action pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ..................................................................................................... 169 2 Les limites et lacunes de la réglementation européenne ................................... 170 2.1 Les lacunes intrinsèques de la règlementation au regard des pesticides et de Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 7/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine leurs métabolites............................................................................................... 170 2.1.1 La non prise en compte des substances non détectées........................... 170 2.1.2 La non prise en compte des effets « cocktail »......................................... 170 2.1.3 La non prise en compte des effets des substances actives désormais interdites pour un usage phytopharmaceutique........................................ 171 2.1.4 Les lacunes propres à la procédure d’autorisation du règlement PPP ..... 172 2.2 Les lacunes dans la mise en œuvre des réglementations européennes ........... 174 2.2.1 En matière de réglementation sur l’eau (DCE, DES, DNQE).................... 174 2.2.2 En matière de réglementation des produits phytopharmaceutiques ......... 175 Annexe 4 - Les voies d’une meilleure coopération / harmonisation entre les États membres pour encadrer la gestion des métabolites dans les eaux destinées à la consommation humaine.................................................................................... 177 1 La nécessité d’une évaluation harmonisée de la pertinence et de la non pertinence d’un métabolite au niveau communautaire ...................................... 179 1.1 Une définition de la pertinence d’un métabolite plus large dans le règlement sur les produits phytopharmaceutiques que dans la directive « eau potable »........ 179 1.1.1 Dans les eaux souterraines et les eaux de surface, selon le règlement 1107/2009 sur les produits phytopharmaceutiques .................................. 179 1.1.2 Dans les eaux destinées à la consommation humaine, selon la directive « eau potable » 2020/2184....................................................................... 180 1.2 Le règlement 2009/1107 est assorti d’une méthode d’évaluation de la pertinence d’un métabolite ; ce n’est pas le cas de la directive « eau potable » ................. 180 1.2.1 L’évaluation de la pertinence d’un métabolite au titre du règlement 2009/1107, établie par le guide Sanco 221/2000 (v11) ............................ 180 1.2.2 En revanche, il n’existe pas de guide méthodologique pour évaluer la pertinence des métabolites pour les EDCH au niveau européen ............. 186 1.2.3 En conséquence, l’Anses a établi une méthode d’évaluation de la pertinence d’un métabolite dans les eaux destinées à la consommation humaine ................................................................................................... 186 1.2.4 Des critères variables pour définir et évaluer un métabolite non pertinent 188 1.2.5 Les divergences de méthode dans l’évaluation de la pertinence et de la non-pertinence dans les eaux souterraines (guide Sanco 221/2000) et dans les eaux destinées à la consommation humaine (méthode Anses).. 189 1.3 L’existence de plusieurs méthodologies d’évaluation de la pertinence d’un métabolite entraîne des conséquences dommageables pour les États membres .......................................................................................................................... 190 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 8/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 2 Harmoniser au niveau européen la détermination des valeurs toxicologiques pour les métabolites de pesticides, à l’exemple des limites maximales de résidus dans les denrées alimentaires ................................................................ 191 2.1 La définition des limites maximales de résidus dans les aliments fait l'objet d'une évaluation européenne, coordonnée par l'Efsa ................................................. 191 2.1.1 Les limites maximales de résidus sont fixées par la Commission européenne sur proposition de l’Efsa, en coopération avec un État membre évaluateur ................................................................................................ 192 2.1.2 En l’absence de limite maximale de résidus spécifique, une limite « par défaut » est fixée...................................................................................... 193 2.1.3 Le règlement relatif aux limites maximales de résidus couvre également les substances à double usage et les substances utilisées comme pesticides dans le passé .......................................................................... 193 2.1.4 L’effet cocktail et les perturbateurs endocriniens ne sont pas intégrés dans le règlement relatif aux limites maximales de résidus............................... 193 2.1.5 Les limites maximales de résidus sont consultables dans la base de données des pesticides de l’Union européenne, accessible au public ..... 194 2.1.6 Un dispositif de contrôle à l’échelle de l’Union européenne pour les limites maximales de résidus............................................................................... 194 2.2 Un processus similaire pourrait être mis en place pour les métabolites de pesticides présents dans les eaux destinées à la consommation humaine ....... 195 2.2.1 Les valeurs toxicologiques de référence étant définies au niveau européen pour les pesticides, elles pourraient l’être aussi pour leurs métabolites, en s’inspirant du processus en vigueur pour la détermination des limites maximales de résidus............................................................................... 195 2.2.2 Mutualiser à l’échelle européenne les travaux de construction des Vmax 196 Annexe 5 - L’expertise en matière d’évaluation des risques sanitaires liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans les EDCH........................ 198 1 L’expertise relative à la présence des substances pesticides et de leurs métabolites, produite par l’Anses en appui des mesures de gestion du risque...................................................................................................................... 201 1.1 Le pôle « Produits réglementés » de l’Anses est en charge des AMM mais la gestion des risques associés relève largement du MASA................................. 202 1.1.1 L’Anses est en charge des AMM.............................................................. 202 1.1.2 Le MASA est responsable de la gestion des risques associés................. 203 1.2 L’évaluation des risques liés à la contamination des eaux par les pesticides : la détermination du caractère pertinent des métabolites et des Vmax .................. 204 1.2.1 La méthode d’évaluation de la pertinence des métabolites de pesticides Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 9/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine dans les EDCH......................................................................................... 204 1.2.2 L’application de valeurs seuils.................................................................. 207 1.2.3 L’identification des métabolites de pesticides........................................... 211 1.3 Le pilotage du dispositif de phytopharmacovigilance par l’Anses...................... 215 1.4 Les missions du laboratoire d’hydrologie de Nancy .......................................... 216 1.5 Une expertise qui mérite d’être renforcée ......................................................... 216 1.5.1 Les expertises de l’Anses s’appuient sur des méthodes reconnues mais sont parcellaires et évolutives par construction ........................................ 216 1.5.2 Améliorer l’articulation entre « science règlementaire » et « science académique » dans la prise en compte des risques chimiques ................ 217 1.5.3 L’organisation est à revoir en mutualisant et en augmentant les moyens. 218 2 La biosurveillance, un outil précieux pour la mesure des risques sanitaires liés aux pesticides........................................................................................................ 221 2.1 La biosurveillance des eaux.............................................................................. 221 2.1.1 La biosurveillance environnementale ....................................................... 221 2.1.2 La biosurveillance environnementale imposée par la DCE (Directive 2013/39/CE)............................................................................................. 222 2.1.3 Un GT mis en place pour améliorer la prise en compte de la biosurveillance pour le suivi des milieux ........................................................................... 224 2.1.4 La biosurveillance a aussi toute sa pertinence pour la surveillance des EDCH....................................................................................................... 225 2.2 La biosurveillance humaine et l’épidémiologie .................................................. 227 2.2.1 L’étude cas-témoins GEOCAP, 2006-2013 relative au lien entre risque de leucémie pédiatrique et résidence proche de parcelles de vignes............ 227 2.2.2 L’étude d’imprégnation Esteban 2014-2016 relayée par l’étude Albane... 228 2.2.3 L’expertise collective de l’Inserm 2021 « Pesticides et effets sur la santé »...................................................................................................... 230 2.2.4 L’enquête épidémiologique AGRICAN ..................................................... 232 2.2.5 L’étude Pestiriv......................................................................................... 233 2.3 De la biosurveillance à la phytopharmacovigilance épidémio-logique ............... 234 2.3.1 Les travaux sur la biosurveillance dans le cadre du partenariat européen pour l’évaluation des risques liés aux substances chimiques (PARC)...... 234 2.3.2 Au niveau français, nécessité d’améliorer les connaissances et intérêt à mettre en place un dispositif de phytopharmacovigilance épidémiologique ....................................................................................... 235 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 10/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Annexe 6 - La gestion des non-conformités............................................................ 237 1 La gestion des non-conformités des eaux brutes n’est pas considérée comme une priorité du fait d’une augmentation des non-conformités des eaux distribuées et d’une réglementation imparfaitement explicite........................... 240 2 La gestion des non-conformités des eaux traitées est un régime dérogatoire relevant des agences régionales de santé .......................................................... 243 3 La réglementation est d’ores et déjà difficilement applicable dans plusieurs départements or les situations de non-conformité vont se généraliser ........... 249 3.1 Les agences régionales de santé éprouvent des difficultés à appliquer une réglementation qui est évolutive compte tenu notamment de l’augmentation et de l’aggravation des situations de non-conformités........................................... 249 3.2 Les modalités de gestion de la présence simultanée de pesticides et/ou de métabolites pertinents peinent à être déterminées............................................ 252 3.3 Les arrêtés préfectoraux de dérogation visent surtout à encadrer administrativement les non-conformités plus qu’à les résorber ......................... 254 3.4 La mise en œuvre de la procédure allégée est inopérante et n’est pas une priorité .......................................................................................................................... 254 3.5 Les plans/programmes d’actions sont insuffisants pour prétendre reconquérir la qualité de l’eau.................................................................................................. 254 3.6 Les sanctions prévues au titre du code de la santé publique ne sont pas mises en œuvre........................................................................................................... 257 3.7 Le nombre de non-conformités des eaux brutes et des eaux traitées va croitre et mettre l’ensemble des acteurs sous tension.................................................. 257 3.8 Les règles de gestion pour les métabolites non pertinents qui ont évolué risquent de ne plus pouvoir être appliquées ................................................................... 258 3.9 L’instabilité de l’expertise est préjudiciable et la mise à disposition des informations relatives aux substances actives et métabolites pourrait être améliorée .......................................................................................................... 263 3.10 Le temps de caractérisation de la non-conformité n’est pas compris de la même manière par l’ensemble des acteurs....................................................... 264 3.11 La fixation de la valeur dérogatoire .......................................................... 265 3.12 La limitation dans le temps de la dérogation ............................................ 265 4 Les pistes d’adaptation des procédures de gestion des non-conformités qui pourraient être étudiées........................................................................................ 265 4.1 S’agissant des eaux brutes ............................................................................... 265 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 11/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 4.2 S’agissant des valeurs dérogatoires ................................................................. 265 4.3 S’agissant de substances pour lesquelles ils n’existent pas de valeur de gestion .......................................................................................................................... 266 4.4 S’agissant des procédures administratives ....................................................... 266 Annexe 7 - La protection des captages et de leurs aires d’alimentation............... 268 1 L’enjeu des captages prioritaires et sensibles.................................................... 272 1.1 Les captages prioritaires ................................................................................... 272 1.2 Les points de prélèvement sensibles ................................................................ 273 2 Les pollutions diffuses doivent être mieux prises en compte dans les périmètres de protection de captage ................................................................... 274 2.1 L’arrêté préfectoral de DUP est rarement utilisé pour prescrire des servitudes sur les pollutions diffuses .................................................................................. 275 2.1.1 La procédure de DUP reste centrée sur les pollutions ponctuelles .......... 275 2.1.2 Les arrêtés de DUP réglementant les activités agricoles sont rares......... 276 2.2 La révision des arrêtés est une opportunité à mieux utiliser.............................. 278 2.3 Les servitudes prescrites dans l’arrêté de DUP des périmètres de captage sont indemnisées...................................................................................................... 279 3 La préservation de la qualité des ressources dans les aires d’alimentation de captages................................................................................................................. 280 3.1 La stratégie de protection des aires de captages .............................................. 280 3.2 Le nombre d’aires d’alimentation de captages délimitées est encore insuffisant281 3.3 Les plans d’action volontaires ont un effet limité ............................................... 283 3.3.1 La mise en place des plans d’action est insuffisante................................ 283 3.3.2 La mise en place des plans d’action bénéficie pourtant d’un appui important ................................................................................................................. 284 3.3.3 L’efficacité des plans d’action volontaires est faible ................................. 287 3.4 Les ZSCE et les programmes d’action dans les captages prioritaires............... 291 3.4.1 Les ZSCE sont peu mises en œuvre........................................................ 292 3.4.2 La mise en place de ZSCE suscite des réticences................................... 294 3.4.3 Les mesures obligatoires sont mobilisées pour les nitrates...................... 295 3.4.4 Les indemnités compensatoires de contraintes environnementales......... 298 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 12/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 4 Le renforcement de la protection des captages et de leurs aires d’alimentation est indispensable................................................................................................... 299 4.1 La politique actuelle de protection des captages ne permet pas de réduire les pollutions diffuses.............................................................................................. 299 4.2 Mieux articuler voire unifier les procédures de protection des captages et de leurs aires d’alimentation .................................................................................. 301 4.3 La mise en œuvre obligatoire des plans de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau .................................................................................................................. 303 4.3.1 L’échéance du volet des PGSSE consacré à la ressource en eau est proche ...................................................................................................... 304 4.3.2 La mobilisation des PRPDE reste hétérogène ......................................... 305 Annexe 8 - Les mesures de prévention de la dégradation de la qualité des ressources en eau ................................................................................................. 307 1 Les mesures génériques pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires ................................................................................................................................ 310 1.1 Le retrait de substances du marché et les restrictions d’usage des produits sont un levier efficace ............................................................................................... 310 1.2 La fiscalité sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques n’est pas suffisante pour réduire les usages .................................................................... 311 1.3 Les contrôles de l’utilisation des produits phytosanitaires sont un levier à mieux mobiliser............................................................................................................ 312 2 Les mesures à appliquer sur les captages et leurs aires d’alimentation.......... 313 2.1 Les actions foncières menées par les collectivités PRPDE et les clauses environnementales associées ........................................................................... 314 2.1.1 Les actions foncières des collectivités PRPDE ........................................ 314 2.1.2 Les clauses environnementales associées aux actions foncières ............ 318 2.2 Les actions d’animation et de conseil, les diagnostics et études, pour mobiliser et accompagner les agriculteurs vers la réduction des usages et des transferts de produits phytosanitaires ............................................................................... 322 2.2.1 Des PRPDE assurent directement l’animation agricole sur leurs AAC ..... 322 2.2.2 Les chambres d’agriculture s’impliquent de manière très hétérogène...... 323 2.2.3 Les agences de l’eau financent l’animation agricole................................. 324 2.3 Les mesures à caractère économique pour inciter à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires .................................................................................... 325 2.3.1 L’accompagnement économique de la conversion à l’agriculture biologique Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 13/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine ................................................................................................................. 325 2.3.2 Les mesures agro-environnementales et climatiques............................... 328 2.3.3 Les paiements pour services environnementaux ..................................... 333 2.3.4 Les filières à bas niveau d’intrants ........................................................... 349 2.4 Les actions techniques pour réduire l’utilisation ou l’intrant des produits phytosanitaires.................................................................................................. 357 2.4.1 Les aides aux investissements agro-écologiques des exploitations agricoles................................................................................................... 357 2.4.2 La réduction des transferts vers les ressources en eau par l’adaptation des pratiques agricoles et par l’aménagement des parcelles et des bassins versants.................................................................................................... 358 3 Le financement des mesures préventives........................................................... 359 3.1 Les moyens de la politique agricole .................................................................. 359 3.1.1 Mieux valoriser les bénéfices environnementaux dans l’écorégime ......... 360 3.1.2 Renforcer les aides du deuxième pilier dans les aires de captages sensibles .................................................................................................. 362 3.1.3 Ouvrir la possibilité dans le PSN d’indemniser les servitudes .................. 363 3.2 Les aides des agences de l’eau ........................................................................ 364 3.3 La couverture du risque associé à une agriculture plus économe en produits phytosanitaires.................................................................................................. 366 Annexe 9 - Les mesures curatives permettant de rendre les EDCH conformes à la réglementation sanitaire ....................................................................................... 367 1 La substitution de ressources.............................................................................. 370 1.1 L’abandon de captages et la recherche de nouvelles ressources d’eaux brutes370 1.2 La dilution.......................................................................................................... 370 2 Les filières de traitement ...................................................................................... 372 2.1 Le traitement par oxydation............................................................................... 373 2.2 Le traitement par adsorption sur charbon actif .................................................. 374 2.2.1 Le charbon actif en grains ........................................................................ 375 2.2.2 Le charbon actif en poudre....................................................................... 376 2.2.3 Le charbon actif micro-grain..................................................................... 377 2.2.4 Synthèse sur les charbons actifs.............................................................. 378 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 14/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 2.3 La rétention physique par filtration membranaire .............................................. 379 2.3.1 La nanofiltration........................................................................................ 382 2.3.2 L’osmose inverse basse pression ............................................................ 383 2.4 Le choix entre une installation de traitement provisoire ou permanente............ 385 3 L’efficacité des différentes filières de traitement................................................ 385 3.1 Les techniques disponibles étaient efficaces pour traiter les molécules les plus fréquentes jusqu’au début des années 2020..................................................... 386 3.2 Les premières difficultés apparaissent avec l’ESA métolachlore....................... 388 3.3 Les traitements efficaces pour traiter les métabolites de la chloridazone et du chlorothalonil..................................................................................................... 389 3.3.1 Le traitement des métabolites de la chloridazone..................................... 389 3.3.2 Le traitement des métabolites du chlorothalonil ....................................... 390 3.4 L’efficacité des traitements pour d’autres molécules telles que les PFAS ......... 394 3.5 Synthèse sur l’efficacité des différentes techniques de traitement .................... 395 3.6 Les perspectives ouvertes par la biodégradation in situ à plus long terme........ 397 4 Les coûts de traitement ........................................................................................ 397 4.1 Les coûts de traitement évalués par quelques PRPDE..................................... 398 4.1.1 Les coûts pour traiter les métabolites du chlorothalonil à Lausanne ........ 398 4.1.2 La démarche d’Eaux de Vienne ............................................................... 401 4.1.3 La démarche du SEDIF............................................................................ 402 4.1.4 Une enquête de la FNCCR ...................................................................... 403 4.2 Synthèse des ordres de grandeur des coûts de traitement ............................... 404 5 Le financement des solutions curatives.............................................................. 406 5.1 La contribution du consommateur d’eau ........................................................... 406 5.2 Les aides des agences de l’eau ........................................................................ 407 5.2.1 Les interventions de chacune des agences de l’eau ................................ 408 5.2.2 Les perspectives pour les 12èmes programmes ......................................... 412 5.3 Les aides de l’État aux collectivités................................................................... 414 5.3.1 La dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ..................................................... 414 5.3.2 L’application du principe pollueur-payeur ................................................. 415 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 15/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 5.4 La contribution des conseils départementaux ................................................... 416 5.5 Les prêts à long terme de la Banque des territoires .......................................... 418 Annexe 10 - Le chlorothalonil : un cas d’école ? .................................................... 419 1 Le chlorothalonil et ses produits de dégradation ............................................... 421 2 Dès 2006, l’approbation du chlorothalonil met en évidence un risque de contamination des milieux.................................................................................... 426 3 Sans surprise, l’utilisation massive de produits contenant du chlorothalonil a abouti à une contamination des milieux.............................................................. 430 3.1 Le chlorothalonil a été très largement utilisé en France .................................... 430 3.2 Les autorisations de mise sur le marché n’ont pas permis de pallier les risques mis en évidence au moment de l’approbation de la substance active ............... 432 3.3 Les produits de dégradation du chlorothalonil sont très présents dans les milieux et donc dans les eaux destinées à la consommation humaine.......................... 437 4 Une interdiction tardive du chlorothalonil en 2019 et une prise en compte de ses métabolites dans le contrôle sanitaire inaboutie en 2024 ........................... 440 4.1 Le processus d’interdiction du chlorothalonil s’est étagé sur plusieurs années . 440 4.2 Le retard de la prise en compte du chlorothalonil dans la surveillance des milieux et le contrôle sanitaire s’explique en partie par des difficultés de métrologie et d’expertise sanitaire .......................................................................................... 441 4.2.1 Les difficultés propres à la métrologie ...................................................... 442 4.2.2 La production de l’expertise sanitaire apparait comme tardive, incomplète et évolutive ............................................................................................... 443 4.3 La substance active est toujours commercialisée malgré la mise en évidence d’effets délétères............................................................................................... 446 5 Des mesures de gestion complexes pour les services de l’État et pour les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau, et une charge financière qui pèse in fine sur le consommateur................................... 447 5.1 La non-conformité des eaux destinées à la consommation humaine est difficile à gérer .............................................................................................................. 447 5.2 Le traitement des produits de dégradation du chlorothalonil pose des difficultés d’ordre technique et financier............................................................................ 449 Annexe 11 - L’évaluation et la gestion des non-conformités des eaux destinées à Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 16/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine la consommation humaine liées aux métabolites de pesticides en Allemagne et en Suisse............................................................................................................ 451 1 La gestion des non conformités liées aux pesticides et à leurs métabolites en Allemagne .............................................................................................................. 454 1.1 La réglementation de l’eau potable en Allemagne............................................. 454 1.1.1 Le cadre politique : l’adoption en mars 2023 d’une « stratégie pour l’eau » avec pour horizon 2050............................................................................ 454 1.1.2 Trois agences fédérales assurent l’encadrement de l’eau potable en Allemagne ................................................................................................ 455 1.1.3 Le cadre règlementaire de l’évaluation et de la gestion des eaux destinées à la consommation humaine..................................................................... 455 1.1.4 La qualité de l’eau potable en Allemagne au regard de la règlementation 457 1.2 Une méthode de détermination des valeurs sanitaires différente de celle pratiquée en France .......................................................................................... 458 1.2.1 Pertinence et non pertinence des métabolites.......................................... 458 1.2.2 Les valeurs d’orientation sanitaire (« Gesundheitliche Orientier ungswerte ») (GOW) : une logique différente des Vmax déterminées par l’Anses...................................................................................................... 459 1.2.3 La détermination des valeurs sanitaires pour les métabolites non pertinents ................................................................................................................. 460 1.2.4 Critères d’établissement de la liste de pesticides à surveiller................... 461 1.3 La gestion des non-conformités de l’eau potable en Allemagne ....................... 461 1.3.1 Dans les eaux souterraines...................................................................... 462 1.3.2 Dans les eaux de surface......................................................................... 463 2 Evaluation, mesure et gestion des non conformités liées aux métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine en Suisse ... 463 2.1 Les organismes en charge de la gestion de la qualité des EDCH ..................... 464 2.1.1 L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV)..................................................................................................... 464 2.1.2 L’Office fédéral de l’environnement (OFEV)............................................. 464 2.1.3 Les autorités cantonales .......................................................................... 465 2.1.4 L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) ................................................... 465 2.2 L’évaluation de la pertinence et de la non-pertinence d’un métabolite s’inscrit dans les recommandations de l’UE, avec certaines différences notables ......... 465 2.2.1 Evaluation de la pertinence ...................................................................... 465 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 17/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 2.2.2 Evaluation de la non-pertinence............................................................... 466 2.3 Le cadre règlementaire national........................................................................ 468 2.3.1 Trois lois fédérales encadrent la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ........................................................................... 468 2.3.2 Deux ordonnances fixent les concentrations maximales autorisées et les critères de dépassement déclenchant le réexamen d’une substance ou d’un produit .............................................................................................. 468 2.3.3 Une directive, contestée, encadre l’utilisation du chlorothalonil et de ses métabolites............................................................................................... 471 2.3.4 Un délai initial de retour à la conformité plus court que dans l’Union européenne .............................................................................................. 472 2.3.5 Critères d’établissement de la liste de pesticides à surveiller................... 472 2.4 Les eaux de surface et les eaux souterraines sont contaminées par des pesticides et des métabolites de pesticides ...................................................... 472 2.4.1 Eaux de surface : des pesticides dépassent leurs valeurs limites dans de nombreux petits et moyens cours d’eau, mais très peu dans les grands cours d’eau............................................................................................... 473 2.4.2 Les eaux souterraines sont largement contaminées par des métabolites de pesticides ................................................................................................. 473 2.5 Un plan d’action national visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires.............................................................................. 475 2.5.1 Un plan d’action extensif privilégiant la protection préventive et durable des ressources................................................................................................ 475 2.5.2 Les grands axes du plan .......................................................................... 478 2.5.3 Un plan d’action assorti de garanties de mise en œuvre.......................... 480 2.5.4 Des premiers résultats encourageants..................................................... 482 Annexe 12 - Exploitation des réponses au questionnaire adressé aux agences régionales de santé ............................................................................................... 488 Annexe 13 - Lettre de mission .................................................................................. 566 Annexe 14 - Liste des personnes rencontrées ........................................................ 570 Annexe 15 - Glossaire................................................................................................ 580 Annexe 16 - Liste des sigles et acronymes ............................................................. 583 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 18/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Résumé Le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable et l’Inspection générale des affaires sociales se sont vu confier le 20 novembre 2023 par leurs ministres de tutelle une mission portant sur la gestion des non-conformités de substances phytosanitaires et leurs métabolites dans l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH). Les pesticides désignent des substances chimiques très hétérogènes tant du point de vue de leurs structures chimiques, de leurs propriétés que de leur mode d'action sur les organismes cibles. Ils regroupent les produits biocides ainsi que les produits phytopharmaceutiques ou phytosanitaires. Principalement utilisés en agriculture, ces derniers servent à la protection des végétaux contre les organismes nuisibles qui les affectent. Leur usage très répandu conduit à des rejets chroniques et diffus vers les milieux naturels. Leur présence dans l’eau est due à leur entraînement par ruissellement ou à leur infiltration dans les sols. Une molécule-mère de pesticide peut se dégrader en un ou plusieurs métabolites, eux-mêmes susceptibles ensuite de se dégrader en d’autres molécules. Comme les substances actives dont ils proviennent, les métabolites de pesticides ont des effets nocifs sur la santé et sur l’environnement. Les objectifs assignés à la mission étaient les suivants : caractériser l’ampleur de la problématique, analyser la stratégie de gestion nationale ainsi que sa mise en œuvre territoriale et les difficultés rencontrées ; analyser la mobilisation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et identifier les éventuels leviers d’amélioration ; réaliser une estimation des coûts nécessaires pour améliorer la qualité de l’eau potable dans des délais compatibles avec la réglementation européenne, les comparer aux coûts des mesures de prévention de la qualité des eaux brutes destinées à la production d’eau potable et identifier les sources de financement de ces mesures ; procéder à une comparaison avec d’autres États-membres de l’Union européenne. Pour mener à bien ses investigations, la mission a procédé à une analyse des données disponibles. Elle a conduit des entretiens avec plus de 250 interlocuteurs, services administratifs concernés et autres parties prenantes. Une enquête a également été menée auprès des agences régionales de santé (ARS). Par ailleurs, un parangonnage a été réalisé avec l’Allemagne et la Suisse. Il n’a pas été possible de réunir les contributions attendues des Pays-Bas et du Danemark. La sensibilité du sujet rend complexe l’obtention d’informations. Afin de caractériser l’ampleur de la problématique, la mission a analysé les processus de surveillance et de contrôle de la qualité des EDCH au regard de la présence des pesticides et de leurs métabolites. S’agissant des eaux brutes surveillées par les agences de l’eau, 33 pesticides sont suivis chaque année en application de la réglementation européenne dans les eaux de surface et 50 pesticides ou métabolites dans les eaux souterraines, qui représentent environ les deux tiers des eaux utilisées pour la production d’EDCH en France. En complément, une analyse de 97 pesticides est prévue dans les eaux souterraines tous les trois ou six ans. En pratique, les agences de l’eau et les ARS suivent un nombre beaucoup plus grand de pesticides et métabolites. S’agissant des EDCH, la surveillance de premier niveau est de la responsabilité des personnes responsables de la production et de la distribution d’eau (PRPDE). Ayant constaté une grande hétérogénéité du suivi des pesticides et métabolites dans les EDCH par les PRPDE, la mission estime nécessaire de fixer un socle minimum d’exigences en la matière. Les ARS sont Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 19/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine quant à elles chargées du contrôle sanitaire, sur la base de limites de qualité fixées réglementairement, d’une part, pour les eaux brutes destinées à la production d’EDCH (2 µg/l par pesticide ou métabolite pertinent et 5 µg/l pour le cumul) et, d’autre part, pour les eaux distribuées (0,1 µg/l par pesticide ou métabolite pertinent et 0,5 µg/l en cumul ; 0,9 µg/l par métabolite non pertinent). La détermination de la liste des molécules à rechercher relève des ARS, auxquelles la Direction générale de la santé (DGS) recommande de suivre pour ce faire une méthodologie décrite dans l’instruction du 18 décembre 2020 relative à la gestion des risques sanitaires en cas de présence de pesticides et de métabolites dans les EDCH. La surveillance des EDCH pourrait être améliorée sur plusieurs points : si le choix de laisser aux ARS le soin d’établir la liste des molécules se justifie par la diversité des systèmes agricoles sur le territoire, il serait néanmoins utile de fixer au plan national une liste socle, à compléter au niveau régional. Par ailleurs, les étalons analytiques ne sont pas toujours disponibles suffisamment tôt, ce qui entraîne des retards dans l’accréditation des laboratoires pour les nouvelles molécules. En outre, une variabilité importante des mesures est parfois constatée. C’est pourquoi la mission recommande d’organiser une collaboration structurée entre les deux laboratoires nationaux de référence AQUAREF pour les eaux brutes et le Laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’Anses pour les EDCH, l’obligation pour les industriels de mettre à disposition les étalons d’analyse dès le dépôt d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et d’améliorer les fonctionnalités des bases de données ADES et Naïades et leur interopérabilité avec la base SISE-Eaux. Enfin, la mission estime indispensable de développer la biosurveillance, qui permet d’évaluer l’exposition des organismes vivants aux substances chimiques et apporter des éléments d’orientation de la surveillance des eaux. En outre, les bio essais pourraient être davantage utilisés à la fois pour mesurer l’efficacité des traitements dans les installations de production d’eau potable et pour évaluer les effets des mélanges de substances chimiques sur les organismes vivants. Quant à la biosurveillance humaine, elle devrait pouvoir s’appuyer sur un dispositif de phyto-pharmaco-épidémiologie, permettant d’évaluer les liens entre exposition à des produits phytopharmaceutiques (PPP), imprégnation du corps humain et pathologies. La surveillance réalisée par les agences de l’eau et les contrôles sanitaires menés par les ARS révèlent des concentrations élevées de pesticides et de métabolites dans les eaux brutes et dans les eaux distribuées. Les trois métabolites de pesticides posant actuellement le plus de difficultés de gestion de la conformité ont plus particulièrement été ciblés par la mission : la chloridazone desphényl, la chloridazone méthyl-desphényl et le chlorothalonil R471811. S’agissant des eaux brutes, les concentrations élevées de chloridazone desphényl concernent plus particulièrement des départements situés dans la moitié nord de la France, dans des zones de culture de la betterave. La situation la plus critique se trouve dans l’Aisne qui concentre de nombreux captages où la concentration moyenne dans les eaux brutes dépasse 2 µg/l, avec une pointe à 23,28 µg/l. Dans ce département, la concentration en chloridazone méthyl-desphényl est, dans une moindre mesure, préoccupante également. Ces teneurs supérieures à 2 µg/l signifient que des ressources ne devraient plus être utilisées pour produire des EDCH et devraient être abandonnées. Pour le chlorothalonil R471811, 32 départements présentent des concentrations comprises entre 0,9 et 2 µg/l. Ils sont situés majoritairement dans les régions Hauts-de-France et Normandie. Les concentrations dépassant 3 µg/l sont localisés à 35 % dans le Calvados et 31 % dans l’Aisne. S’agissant des eaux distribuées, une campagne exploratoire menée en 2020-2021 par l’Anses a notamment permis de mettre en évidence la présence de chlorothalonil R471811 à des concentrations supérieures à 0,1 µg/l dans 34 % des échantillons d’eau distribuée. Portant sur l’année 2022, le dernier bilan annuel disponible du ministère de la santé a montré des dépassements des limites de qualité pendant plus d’un mois pour cinq métabolites concernant un nombre significatif de personnes : la chloridazone desphényl et le métolachlore ESA (environ Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 20/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine quatre millions de personnes chacun), la chloridazone méthyl-desphényl (1,8 million), l’atrazine déséthyl déisopropyl (240 000) et l’atrazine déséthyl (200 000). Interdite depuis 2003, l’atrazine figure pourtant encore parmi les principaux contaminants, d’où l’absolue nécessité de mesures préventives urgentes pour éviter que ce type de phénomène se reproduise. Pour compléter cette analyse sur les années 2023-2024, la mission a analysé les données de SISE-Eaux. Les résultats confirment ce qui est observé déjà au niveau des eaux brutes : pour la chloridazone desphényl, un quart des départements, situés dans la partie nord de la France, connaissent, à des degrés divers, des dépassements de la limite réglementaire de 0,1 µg/l. Les concentrations en chloridazone méthyl-desphényl sont relativement plus faibles, mais des pics sont observés dans l’Aisne et le Calvados à plus de 3 µg/l. Pour le chlorothalonil R471811, 40 départements situés majoritairement dans la moitié Nord de la France présentent des concentrations supérieures au seuil de 0,9 µg/l sur au moins une installation de production d’EDCH. Des concentrations supérieures à 3 µg/l ont été relevées dans 9 départements : l’Aisne, le Calvados, le Seine-Maritime, l’Oise, la Marne, la Seine-et-Marne, l’Orne, l’Eure-et-Loir et la Vienne L’analyse des textes régissant la présence des pesticides et de leurs métabolites fait apparaître plusieurs problématiques relatives à la gestion des non-conformités. La directive européenne de 2020 sur les eaux destinées à la consommation humaine est très précise et repose sur de solides bases scientifiques sur certains points et beaucoup moins sur d’autres. En particulier, la limite de qualité de 0,1 µg/l pour les pesticides et les métabolites pertinents a été fixée en vertu du principe de précaution et en fonction du seuil de détection qui était possible dans les années 70 et non en fonction de considérations sanitaires. En parallèle, il ne s’applique qu’aux métabolites pertinents, détectés et quantifiés, dont la présence dans l’eau est jugée « probable » par les autorités sanitaires. Le soin d’apprécier le caractère pertinent d’un métabolite est laissé aux États membres, ce qui conduit à des différences d’appréciations au sein de l’UE. C’est pourquoi la mission préconise que le ministère de la Santé propose que soit élaborée une méthodologie unique d’évaluation de la pertinence d’un métabolite au niveau européen. Elle recommande également que la détermination des valeurs toxicologiques de référence, à partir desquelles peuvent être valablement établies des valeurs de gestion, soit répartie entre les États membres sous l’égide de l’Autorité européenne de sécurité des aliments afin qu’elles puissent être établies en même temps que l’autorisation de la substance. Dans ce contexte, la gestion des non-conformités pose de sérieuses difficultés aux acteurs de terrain, PRPDE, préfets et ARS : les règles de gestion sont difficiles à appliquer ou lacunaires, et les autorisations exceptionnelles et les dérogations engendrent une lourde charge administrative sans grande valeur ajoutée. S’agissant des règles de gestion, les résultats des expertises peuvent être amenés à évoluer en fonction des informations reçues par l’Anses, ce qui peut avoir des incidences sur le caractère pertinent d’un métabolite. Les règles relatives aux métabolites non pertinents peuvent conduire à une impasse dans la mesure où la valeur indicative maximale, fixée en 2019 à 0,9 µg/l à la suite d’une expertise de l’Anses, risque de ne pouvoir être atteinte qu’à long terme pour le chlorothalonil R471811 par exemple, le temps que des traitements efficaces soient mis en place. Les règles de gestion relatives à la présence simultanée de substances ou à des substances jugées pertinentes ne disposant pas de Vmax ne sont pas encore établies. C’est pourquoi la mission estime indispensable que la DGS propose aux ARS des règles de gestion communes – y compris provisoires – pour les métabolites de pesticides non pertinents de substances actives désormais interdites et pour les non-conformités portant sur des substances ne disposant pas de Vmax et qu’elle s’appuie sur l’avis à venir du Haut conseil de la santé publique s’agissant de la présence simultanée de plusieurs substances. Par ailleurs, afin de gagner en efficacité, la mission suggère que la DGS fournisse aux ARS un modèle type d’arrêté de dérogation, qu’un seul acte administratif regroupant l’ensemble des autorisations exceptionnelles et des dérogations soit établi par PRPDE et, enfin, que l’arrêté de dérogation soit ciblé sur les seules mesures curatives lorsque le captage a déjà fait l’objet d’un arrêté de zone soumise à contrainte environnementale (ZSCE) et sinon, que la rédaction de son volet préventif soit confiée à la Direction départementale des territoires et de la mer (DDT(M)). Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 21/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Par ailleurs, afin que les consommateurs soient mieux informés, la mission estime indispensable d’améliorer l’ergonomie du site du ministère de la Santé et de la Prévention, que soit publiée sur ce site et sur le site de chaque ARS la liste des molécules recherchées et qu’un modèle unique d’info facture détaillé soit proposé. Les ARS devront en outre veiller à ce que toutes les PRPDE respectent leurs obligations d’information des consommateurs en cas d’EDCH non conformes. Face à la situation dégradée décrite ci-dessus, les PRPDE sont contraintes de mettre en œuvre à court terme des mesures curatives. Mais l’efficacité des filières de traitement varie selon les molécules à traiter et leurs concentrations : les traitements d’adsorption sur charbon actif permettent d’obtenir des rendements significatifs d’élimination des métabolites qui étaient les plus détectés ces dernières années. Cependant, ce n’est pas le cas pour le chlorothalonil R471811 qui s’adsorbe dix fois moins sur le charbon actif que la chloridazone desphényl par exemple. Les techniques de traitement membranaire avancé (osmose inverse, nanofiltration) offrent les meilleures performances lorsque de nombreux paramètres sont présents simultanément, mais elles coûtent entre deux et trois fois plus cher. Cet écart de coût s’accentue pour les plus petites unités de traitement en raison des économies d’échelle plus importantes pour les filières membranaires. L’impact sur le prix de l’eau sera donc très différent selon la taille des PRPDE et selon les secteurs géographiques en fonction des techniques adaptées aux contaminations observées. Les départements de l’Aisne (2,55 €/m 3) et du Calvados (2,49 €/m 3), particulièrement affectés par les métabolites de pesticides, présentent d’ores et déjà des prix moyens plus élevés que la moyenne nationale (2,13 €/m 3). Afin de réduire la charge supportée par les consommateurs, les agences de l’eau doivent pouvoir continuer à financer des mesures curatives dans les territoires ruraux, mais il est indispensable pour ce faire d’augmenter leurs recettes obtenues par la redevance pour pollution diffuse. En outre, l’investissement dans les unités de traitement ou dans des réseaux d’interconnexion doit constituer une priorité d’affectation de la DETR/DSIL en 2025 et une contribution apportée par le ministère en charge de l‘agriculture est d’ores et déjà prévue dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie Ecophyto 2023. Un financement public aux investissements à un taux d’autant plus élevé que la densité de population desservie est faible doit ainsi pouvoir être apporté par un co-financement jusqu’à concurrence de 80 % de subvention, assuré par l’État, l’agence de l’eau et le conseil départemental. Le solde du financement pourrait être assuré par la Banque des territoires par un prêt à très long terme. Ayant constaté l’échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides malgré quelques progrès localisés d’ailleurs souvent très lents, la mission propose d’instituer une zone soumise à contrainte environnementale (ZSCE) et de mettre en place, par arrêté, un programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats sur toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites. En cas de non atteinte des objectifs de qualité à l’issue du premier plan, un arrêté doit mettre en place, sans délai, un programme de mesures obligatoires de restriction voire d’interdiction d’usages des produits phytopharmaceutiques sur ces aires, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés. De manière générale, la mission estime que la politique de protection des captages est à refonder, grâce à une coordination renforcée entre les services de l’État concernant les arrêtés pris au titre du double dispositif de déclaration d’utilité publique et de ZSCE. À terme, la mission préconise un seul acte réglementaire de protection des captages. Enfin, la mission considère que la reconquête de la qualité des EDCH passe par des mesures préventives ambitieuses, à mettre en place d’urgence : interdire dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) les usages sur les aires de captages d’eaux souterraines des produits phytopharmaceutiques (PPP) contenant des substances générant des métabolites à risque de migration vers les eaux dans des concentrations supérieures à la limite réglementaire et augmenter le taux de la redevance pour pollution diffuse et élargir son assiette aux produits biocides. Le plan stratégique national de la politique agricole commune (PAC) et les 12èmes programmes des Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 22/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine agences de l’eau devraient renforcer l’accompagnement de l’évolution des pratiques, le premier en valorisant davantage l’agriculture biologique sur les aires d’alimentation de captages (AAC), les seconds en augmentant les moyens consacrés à la réduction des pollutions par les pesticides et en les concentrant sur les AAC les plus sensibles dans des contrats territoriaux portant sur les mesures les plus efficaces pour réduire la pression phytosanitaire : conversion à l’agriculture biologique, cultures à bas niveau d’intrant, paiements pour services environnementaux spécifiques eau en systèmes de grandes cultures, infrastructures agroécologiques pour limiter les transferts, actions foncières dans les périmètres de protection rapprochée des captages, actions d’animation et de conseil aux agriculteurs (avec un financement lié à des objectifs de résultats). Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 23/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Liste des recommandations [DGS, DGALN, Anses et OFB] Organiser une collaboration structurée entre AQUAREF et le laboratoire d’hydrologie de l’Anses sur les méthodes de surveillance des eaux. [DGAL et Anses] Imposer la mise à disposition des étalons d’analyse par les industriels dès le dépôt de demande d’AMM, avec transmission au laboratoire national d’hydrologie de l’Anses. [OFB, DGS et BRGM] Améliorer les fonctionnalités des bases de données ADES et Naïades et les rendre interopérables avec la base SISE-Eaux............ 38 [OFB] Soutenir la recherche et le développement sur les indicateurs de biosurveillance et les bioessais afin de compléter la surveillance analytique et disposer d’une métrologie normée en anticipation d’une évolution des directives liées à l’eau. [SPF, Anses et MASA] Mettre en place un dispositif de phyto-pharmaco-épidémiologie. ...................... 39 [DGS, HCSP et Anses] A l’aune d’une comparaison critique entre la méthode exposée dans le guide Sanco et la méthode d’évaluation de la pertinence de l’Anses (avis du 30 janvier 2019), proposer une méthodologie unique d’évaluation de la pertinence d’un métabolite, retenant les prescriptions les plus protectrices des deux guides actuels pour la santé humaine. Évaluer l’opportunité d’appliquer aux eaux de surface cette méthodologie unique valide pour les eaux souterraines et les eaux destinées à la consommation humaine. ..................................................................................................... 49 [DGS et ANSES] Promouvoir l’établissement des valeurs toxicologiques de référence (VTR) concernant les métabolites dans les EDCH, les eaux souterraines et les eaux de surface, au niveau de l’UE, sous la supervision de l’Efsa...... 50 [DGAL et DGS] Intégrer dans le dialogue de gestion le renforcement de 3 ETP des moyens humains de l’Anses consacrés à l’évaluation des risques dans les EDCH et l’augmentation de la redevance sur les AMM de 500 K€/an pour permettre à l’Anses de faire réaliser des études. ................................................................................... 51 [DGS et HCSP] Proposer aux agences régionales de santé des règles de gestion communes – y compris provisoires - pour les situations suivantes : i) Gestion des métabolites non pertinents des substances actives interdites ; ii) Gestion des non conformités portant sur des métabolites ne disposant pas de Vmax en retenant une valeur calculée à partir de la Vmax de la molécule mère ; iii) Gestion de la présence simultanée de plusieurs substances sur la base de l’avis à venir du Haut conseil de la santé publique. Dans un second temps, prévoir une révision du code de la santé publique pour faire converger les mesures applicables aux non-conformités des eaux brutes superficielles et souterraines.55 [DGS] Fournir aux ARS un modèle type d’arrêté de dérogation (et une méthodologie pour fixer la valeur dérogatoire). [ARS] Autant que possible, regrouper l’ensemble des autorisations exceptionnelles et des dérogations relevant d’une même PRPDE dans un seul acte administratif. [Préfets, ARS et DDT(M)] Lorsque le captage fait l’objet d’un arrêté ZSCE avec un programme d’actions, cibler l’arrêté de dérogation sur les seules mesures curatives. Dans le cas contraire, confier à la DDT(M) la rédaction du volet de l’arrêté préfectoral instaurant le plan d’actions préventif, l’ARS restant chargée de fixer la valeur de gestion et les mesures curatives. .................................................................... 56 [DGS, ARS et PRPDE] i) Améliorer l’ergonomie du site Internet du ministère de la Santé et de la Prévention pour que les usagers puissent accéder plus directement aux résultats du contrôle sanitaire dans leur commune ; ii) Publier sur le site de chaque ARS et sur le site du ministère de la Santé et de la Prévention la liste des molécules recherchées au titre du contrôle sanitaire ; iii) Proposer un modèle unique d’info facture plus détaillée et permettant au consommateur de connaître les pesticides et métabolites de Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 24/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine pesticides responsables des non-conformités et les valeurs maximales mesurées. [ARS] Veiller à ce que toutes les PRPDE respectent leurs obligations d’information des consommateurs en cas de situation d’EDCH non conformes. ........................................... 58 [DGALN, DGCL, DGPE, agences de l’eau et banque des territoires] Apporter un financement public aux investissements de traitement à un taux d’autant plus élevé que la densité de population desservie est faible, par un co-financement pouvant atteindre 80 % de subvention, assuré par l’État (via la DETR/DSIL et les crédits de planification écologique), l’agence de l’eau, et le conseil départemental au titre de sa compétence de solidarité territoriale. Le solde du financement serait assuré par un prêt à très long terme (type « aquaprêt » de la banque des territoires)........................................ 63 Recommandation 10. [DGALN, DGPE, DGAL, DGS, préfets, ARS et DDT(M)] Instituer une ZSCE et mettre en place par arrêté un programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats sur toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité. En cas de non atteinte des objectifs de qualité à l’issue du premier plan, mettre en place par arrêté, et sans délai, un programme de mesures obligatoires de restriction voire d’interdiction d’usages des produits phytopharmaceutiques en dépassement des limites de qualité sur ces AAC, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés.. .. 66 [DGS, DGALN, ARS et DDT(M) ou DREAL] Concevoir un seul acte réglementaire de protection des captages et de leur aire d’alimentation, instruit conjointement par l’ARS et la DDT(M) (ou la DREAL), qui comporte des prescriptions obligatoires sur les pratiques agricoles pouvant être indemnisées par les PRPDE avec l’aide de l’agence de l’eau. [Préfets]A court terme, mieux coordonner l’action des services de l’État (ARS, DDT(M)) et les mesures inscrites dans les arrêtés pris au titre du double dispositif DUP et ZSCE, sur des périmètres différents pour un même objectif de protection des ressources en eau............................................................................................................... 67 [Ministères chargés de la Santé, de l'Agriculture et de l'Environnement] Après adaptation éventuelle du droit, inscrire dans les AMM des restrictions et des interdictions d’usage sur les AAC des produits phytosanitaires contenant des substances générant des métabolites à risque de migration vers les eaux dans des concentrations supérieures à la limite réglementaire. [DGALN et DGPR] Augmenter progressivement le taux de la RPD et élargir son assiette aux produits biocides. [DGALN] Renforcer les contrôles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur les AAC. ........................... 69 [DGPE et DGALN] Lors de la révision du programme stratégique national de la PAC : i) Mieux valoriser l’agriculture biologique dans l’écorégime ; ii) Accroître l’attractivité et le cas échant l’efficacité de MAEC à enjeu eau dans les systèmes de grandes cultures et de cultures industrielles. Promouvoir l’émergence d’un dispositif privé de couverture du risque lié à la transformation agroécologique. [DGALN et agences de l’eau] Dans les 12èmes programmes des agences de l’eau, utiliser l’augmentation de la RPD pour augmenter les moyens consacrés à la réduction des pollutions par les pesticides et les concentrer sur les AAC les plus sensibles dans des contrats territoriaux portant sur les mesures les plus efficaces pour réduire la pression phytosanitaire : conversion à l’agriculture biologique, cultures et filières BNI, PSE spécifiques eau en systèmes de grandes cultures, infrastructures agroécologiques pour limiter les transferts, actions foncières dans les périmètres de protection rapprochée des captages, actions d’animation et de conseil aux agriculteurs (avec un financement lié à des objectifs de résultats). ................................... 76 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 25/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Mise en œuvre des recommandations N° Objet Pilotes Autres acteurs Echéance Impact attendu1 Renforcer la surveillance et le contrôle des eaux brutes et distribuées 1 Organiser une collaboration structurée entre AQUAREF et le laboratoire d’hydrologie de l’Anses sur les méthodes de surveillance des eaux. Imposer la mise à disposition des étalons d’analyse par les industriels dès le dépôt de demande d’AMM, avec transmission au laboratoire national d’hydrologie de l’Anses. Améliorer les fonctionnalités des bases de données ADES et Naïades et les rendre interopérables avec la base SISE-Eaux. DGS DGALN Anses OFB DGAL Anses OFB DGS BRGM 2ème semestre 2024 2 2 2 2 Soutenir la recherche et le développement sur les indicateurs de biosurveillance et les bioessais afin de compléter la surveillance analytique et disposer d’une métrologie normée en anticipation d’une évolution des directives liées à l’eau. Mettre en place un dispositif de phyto pharmaco-épidémiologie. OFB SPF Anses MASA 2025 2027 2 2 Résoudre les difficultés de gestion rencontrées par les acteurs de terrain 3 A l’aune d’une comparaison critique entre la méthode exposée dans le guide Sanco et la méthode d’évaluation de la pertinence de l’Anses (avis du 30 janvier 2019), proposer une méthodologie unique d’évaluation de la pertinence d’un métabolite, retenant les prescriptions les plus protectrices des deux guides actuels pour la santé humaine. Evaluer l’opportunité d’appliquer aux eaux de surface cette méthodologie unique valide pour les eaux souterraines et les eaux destinées à la consommation humaine. DGS HCSP Anses 1er semestre 2025 2 4 Promouvoir l’établissement des valeurs toxicologiques de référence (VTR) concernant les métabolites dans les EDCH, les eaux souterraines et les eaux de surface, au niveau de l’UE, sous la supervision de l’Efsa. DGS Anses 2ème semestre 2024 1 1 Au regard de l’objet de la mission :1 majeur / 2 significatif Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 26/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine N° Objet Pilotes Autres acteurs Echéance Impact attendu1 5 Intégrer dans le dialogue budgétaire, le renforcement de 3 ETP des moyens humains de l’Anses consacrés à l’évaluation des risques dans les EDCH et l'augmentation de la redevance sur les AMM de 500 K€/an pour permettre à l’Anses de faire réaliser des études. DGAL DGS 2025 1 6 Proposer aux agences régionales de santé des règles de gestion communes – y compris provisoires - pour les situations suivantes : i) Gestion des métabolites non pertinents des substances actives interdites ; ii) Gestion des non-conformités portant sur des métabolites ne disposant pas de Vmax en retenant une valeur calculée à partir de la Vmax de la molécule mère ; iii) Gestion de la présence simultanée de plusieurs substances sur la base de l’avis à venir du Haut conseil de la santé publique. Dans un second temps, prévoir une révision du code de la santé publique pour faire converger les mesures applicables aux non-conformités des eaux brutes superficielles et souterraines. DGS HCSP 2ème semestre 2024 2025 1 7 Fournir aux ARS un modèle type d’arrêté de dérogation (et une méthodologie pour fixer la valeur dérogatoire). Autant que possible, regrouper l’ensemble des autorisations exceptionnelles et des dérogations relevant d’une même PRPDE dans un seul acte administratif. Lorsque le captage fait l’objet d’un arrêté ZSCE avec un programme d’actions, cibler l’arrêté de dérogation sur les seules mesures curatives. Dans le cas contraire, confier à la DDT(M) la rédaction du volet de l’arrêté préfectoral instaurant le plan d’actions préventif, l’ARS restant chargée de fixer la valeur de gestion et les mesures curatives. DGS ARS Préfets ARS DDT(M) 2ème semestre 2024 Au fil de l’eau Au fil de l’eau 1 Mieux informer les consommateurs 8 i) Améliorer l’ergonomie du site Internet du ministère de la Santé et de la Prévention pour que les usagers puissent accéder plus directement aux résultats du contrôle sanitaire dans leur commune ; DGS ARS PRPDE 2025 2 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 27/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine N° Objet Pilotes Autres acteurs Echéance Impact attendu1 ii) Publier sur le site de chaque ARS et sur le site du ministère de la Santé et de la Prévention la liste des molécules recherchées au titre du contrôle sanitaire ; iii) Proposer un modèle unique d’info facture plus détaillée et permettant au consommateur de connaître les pesticides et métabolites de pesticides responsables des non-conformités et les valeurs maximales mesurées Veiller à ce que toutes les PRPDE respectent leurs obligations d’information des consommateurs en cas de situation d’EDCH non conformes. ARS Au fil de l’eau Faciliter la mise en œuvre des mesures curatives de traitement des EDCH 9 Apporter un financement public aux investissements de traitement à un taux d’autant plus élevé que la densité de population desservie est faible, par un co financement pouvant atteindre 80 % de subvention, assuré par l’Etat (via la DETR/DSIL et les crédits de planification écologique), l’agence de l’eau, et le conseil départemental au titre de sa compétence de solidarité territoriale. Le solde du financement serait assuré par un prêt à très long terme (type « aquaprêt » de la Banque des territoires). DGALN DGCL DGPE Agences de l’eau Banque des territoires 2025 1 Mieux protéger les captages et prévenir les contaminations 10 Instituer une ZSCE et mettre en place par arrêté un programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats sur toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité. En cas de non atteinte des objectifs de qualité à l’issue du premier plan, mettre en place par arrêté, et sans délai, un programme de mesures obligatoires de restriction voire d’interdiction d’usages des produits phytopharmaceutiques en dépassement des limites de qualité sur ces AAC, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés. DGALN DGPE DGAL DGS Préfets ARS DDT(M) 2ème semestre 2024 1 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 28/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine N° Objet Pilotes Autres acteurs Echéance Impact attendu1 11 Concevoir un seul acte réglementaire de protection des captages et de leur aire d’alimentation, instruit conjointement par l’ARS et la DDT(M) (ou la DREAL), qui comporte des prescriptions obligatoires sur les pratiques agricoles pouvant être indemnisées par les PRPDE avec l’aide de l’agence de l’eau. A court terme, mieux coordonner l’action des services de l’Etat (ARS, DDT(M)) et les mesures inscrites dans les arrêtés pris au titre du double dispositif DUP et ZSCE, sur des périmètres différents pour un même objectif de protection des ressources en eau. DGS DGALN Préfets ARS DDT(M) ou DREAL 2025 Au fil de l’eau 1 12 Après adaptation éventuelle du droit, inscrire dans les AMM des restrictions et des interdictions d’usage sur les AAC des produits phytosanitaires contenant des substances générant des métabolites à risque de migration vers les eaux dans des concentrations supérieures à la limite réglementaire. Augmenter progressivement le taux de la RPD et élargir son assiette aux produits biocides. Renforcer les contrôles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur les AAC. Anses DGALN DGPR DGALN A compter du 2ème semestre 2024 2025 A compter du 2ème semestre 2024 1 13 Lors de la révision du programme stratégique national de la PAC : i) Mieux valoriser l’agriculture biologique dans l’écorégime; ii) Accroître l’attractivité et le cas échéant l’efficacité de MAEC à enjeu eau dans les systèmes de grandes cultures et de cultures industrielles. Promouvoir l’émergence d’un dispositif privé de couverture du risque lié à la transformation agroécologique. DGPE DGALN 2026 1 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 29/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine N° Objet Pilotes Autres acteurs Echéance Impact attendu1 Dans les 12èmes programmes des agences de l’eau, utiliser l’augmentation de la RPD pour augmenter les moyens consacrés à la réduction des pollutions par les pesticides et les concentrer sur les AAC les plus sensibles dans des contrats territoriaux portant sur les mesures les plus efficaces pour réduire la pression phytosanitaire : conversion à l’agriculture biologique, cultures et filières BNI, PSE spécifiques eau en systèmes de grandes cultures, infrastructures agroécologiques pour limiter les transferts, actions foncières dans les périmètres de protection rapprochée des captages, actions d’animation et de conseil aux agriculteurs (avec un financement lié à des objectifs de résultats). DGALN Agences de l’eau 2025 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 30/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Introduction Le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le ministre de la Santé et de la Prévention, la ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé et la secrétaire d’État chargée de la Biodiversité ont confié, le 20 novembre 2023, au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission relative à la gestion des non-conformités des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) pour les pesticides et leurs métabolites (cf. lettre en annexe 13). Une EDCH est une eau propre et salubre qui, seule, convient aux usages liés à la boisson, à la préparation et à la cuisson des aliments, à l'hygiène corporelle, à l'hygiène générale et à la propreté, aux autres usages domestiques. La production d’EDCH est assurée à partir d’eau brute prélevée dans les ressources souterraines et de surface, rendue potable avant d’être transportée dans les réseaux et distribuée au robinet du consommateur. En France, ces dernières activités relèvent de la compétence des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des syndicats mixtes en leur qualité de personnes responsables de la production et de la distribution de l’eau (PRPDE) qui gèrent, à ce titre, plus de 10 000 services d’eau. Le morcellement persistant des services d’eau dans les secteurs ruraux ne facilite pas la gestion face aux nouveaux défis qui émergent. En 2026, cette compétence sera obligatoirement exercée par les EPCI qui pourront toutefois déléguer tout ou partie de la compétence à leurs communes-membres, ainsi qu’à leurs syndicats de périmètre infra communautaire. De son côté, l’État a en charge le contrôle de la sécurité sanitaire des eaux qui est assuré par les agences régionales de santé (ARS). En cas de non-conformité des EDCH, les préfets peuvent être conduits à arrêter des mesures pour engager des actions de restauration de leur qualité voire restreindre les usages. Les pesticides recouvrent plus de 1 000 substances actives qui sont utilisées dans les produits pour la protection des plantes, mais aussi dans les produits biocides. Ces usages conduisent à des rejets chroniques et diffus dont l’entraînement par ruissellement ou infiltration dans les sols aboutit à la contamination des ressources en eau. L’agriculture utilisant une part très majoritaire des quantités de substances pesticides qui se retrouvent ensuite dans les eaux, la lettre de mission met logiquement l’accent sur les produits phytopharmaceutiques (PPP). Elle invite aussi à porter un regard sur des polluants émergents comme les composés perfluorés (PFAS) que la mission n’a toutefois pas investigués en détail dans la mesure où un rapport parlementaire a traité le sujet au début de l’année 2024. Jusqu’à ces dernières années, les bilans établis par les autorités sanitaires indiquaient que plus de 80 % des consommateurs disposaient d’une eau conforme pour le paramètre « pesticides ». Pour la quasi-totalité de la population alimentée par une eau non-conforme, les dépassements des seuils de qualité étaient limités en concentration et/ou en durée, sans qu’il soit nécessaire de restreindre l’utilisation de l’eau pour les usages alimentaires. L’exposition aux pesticides via les EDCH est estimée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) à 10 % de l’exposition globale, les voies d’exposition principales étant l’air et l’alimentation. La mission s’inscrit dans un contexte nouvellement identifié de dépassements nombreux des seuils de qualité pour certains métabolites de pesticides (en particulier les métabolites de la chloridazone et du chlorothalonil), observés dans les EDCH notamment depuis l’été 2023, tout particulièrement dans plusieurs secteurs de l’Aisne et du Calvados, mais également dans d’autres départements. Cette situation conduit à réinterroger les méthodes de gestion des risques sanitaires en cas de présence de pesticides et de leurs produits de dégradation dans les EDCH, à des seuils dépassant Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 31/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine les valeurs réglementaires en vigueur et sur une large échelle. L’ajout de nouvelles molécules aux listes de surveillance et les techniques d’analyse qui se perfectionnent révèlent en effet des situations fréquentes de non-conformité des EDCH liée à la dégradation de la qualité des ressources en eaux souterraines et superficielles. Les eaux brutes apparaissent de fait largement contaminées par les pesticides, y compris par des métabolites de substances dont l’utilisation est interdite depuis plusieurs années. Les substances actives se dégradent et se transforment dans l’environnement ou dans les filières de traitement des EDCH donnant ainsi des produits de transformation, appelés communément métabolites, dont certains sont eux-mêmes des sous-produits de produits de transformation. Les produits de transformation ne sont pas toujours connus ni détectés alors que certains d’entre eux peuvent être dangereux pour la santé humaine et peut-être même plus dangereux que leur molécule-mère dans la mesure où ils sont de taille inférieure et souvent plus solubles dans l’eau. Ils sont jugés pertinents s'il y a lieu de considérer qu'ils possèdent des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance-mère, en ce qui concerne son activité cible pesticide, ou qu'ils font peser un risque sanitaire sur les consommateurs. La caractérisation de la pertinence des métabolites a été examinée de manière approfondie car cette notion a des conséquences importantes sur la gestion des EDCH. La gestion des substances actives de pesticides et de leurs métabolites dans les EDCH est encadrée par plusieurs réglementations européennes dont la plus centrale est la directive n° 2020/2184, dite directive « eau potable ». La mission a analysé ce cadre réglementaire et son application en France. Elle a procédé à un parangonnage en Suisse et en Allemagne (annexe 11). Le fait que certains volets de la mise en œuvre de la réglementation européenne soient laissés à l’appréciation des États-membres induit des pratiques différentes qui conduisent à des situations difficiles à comparer quant à l’état des contaminations des EDCH dans les différents pays. Les données fournies à la mission ne lui ont pas permis de dresser un bilan complet permettant de relativiser la situation française. Dans une première partie, le rapport de la mission dresse l’état des lieux de la contamination des EDCH par les pesticides et leurs métabolites et formule des propositions pour améliorer le dispositif de surveillance et de contrôle de la qualité des eaux. Ensuite, après avoir examiné la manière dont les valeurs de gestion de la conformité des EDCH sont déterminées dans le cadre de la réglementation, la gestion pratique des situations de non-conformité est abordée et des propositions d’amélioration présentées. Puis, les mesures curatives à mettre en œuvre à court terme pour rétablir au plus vite la conformité des eaux distribuées, là où la situation est critique, sont analysées. Enfin, sont détaillées les mesures préventives qui sont indispensables sur l’ensemble des aires d’alimentation de captage (AAC) pour disposer dans la durée de ressources en eau d’une qualité suffisante dans un contexte de dérèglement climatique où qualité et quantité deviennent indissociables. Le rapport est complété par un ensemble d’une dizaine d’annexes qui présentent des analyses plus détaillées sur les principaux constats effectués et sur les pistes d’amélioration à envisager. Dans le cadre de ses travaux, la mission a rencontré plus de 250 interlocuteurs (annexe 14) issus des services centraux et territoriaux de l’État, de la Commission européenne, des établissements publics du domaine de l’eau, de collectivités PRPDE, d’institutions scientifiques et techniques, des entreprises de l’eau, d’autres acteurs économiques et des associations. Elle s’est rendue dans trois départements (Aisne, Calvados, Charente-Maritime) particulièrement concernés par le sujet. Elle a également étayé ses constats par un questionnaire détaillé (annexe 12) adressé à l’ensemble des agences régionales de santé (ARS). Que tous soient remerciés pour leur disponibilité. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 32/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 1 La surveillance et le contrôle des eaux brutes et distribuées révèlent depuis peu la présence généralisée de métabolites de pesticides Les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) sont produites à partir d’eau brutes dont deux tiers sont d’origine souterraine et un tiers d’origine superficielle. Ces eaux brutes font l’objet d’une surveillance assurée par les agences de l’eau, notamment au titre de la directive cadre sur l’eau (DCE). Les EDCH quant à elles font l’objet d’une autosurveillance par les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau (PRPDE) et d’un contrôle sanitaire par les agences régionales de santé (ARS) au titre de la directive EDCH. La mission a dentifié des améliorations qui pourraient être apportées à l’articulation entre les deux dispositifs de suivi de la qualité des eaux. Par ailleurs, l’Anses a publié en 2023 les résultats d’une campagne exploratoire qui ont révélé une contamination plus généralisée des EDCH que celle qui ressortait des bilans annuels du contrôle sanitaire. La mission a souhaité actualiser ce bilan pour les années 2023-2024 afin de fournir un état des lieux récent de la situation (annexe 1). 1.1 Il est nécessaire de mieux mettre en synergie la surveillance et le contrôle sanitaire des pesticides et de leurs métabolites dans les eaux brutes et les EDCH L’organisation de la surveillance des eaux brutes et le contrôle sanitaire sur l’ensemble de la chaîne de production et de distribution des EDCH sont présentés en annexe 2. 1.1.1 Les agences de l’eau surveillent les eaux brutes Depuis 2007, la directive cadre sur l’eau 2000/60 prévoit la mise en œuvre dans chaque bassin hydrographique de programmes de surveillance qui permettent de suivre l’évolution de l’état des eaux. La liste des substances dont la surveillance est obligatoire est révisée tous les 6 ans. Elle contient actuellement 18 substances actives pesticides (phytosanitaires et biocides) pour les eaux souterraines et 11 substances pour les eaux de surface, mais aucun métabolite. Les données recueillies sont rapportées tous les 6 ans à la Commission européenne. La surveillance de l’état chimique des eaux est assurée par les agences de l’eau sur la base d’un réseau de stations réparties sur l’ensemble du territoire et représentatives des différents types de masses d’eau souterraines et de surface. Les modalités de la surveillance (éléments de qualité à surveiller, méthodes à utiliser, fréquence de prélèvement) sont définies par un arrêté pris en application de l’article R.212-22 du code de l’environnement. Les analyses chimiques doivent être réalisées par des laboratoires agréés. Les résultats d’analyses sont enregistrés dans les banques de données nationales, Ades pour les eaux souterraines, et Naiades pour les eaux superficielles. Ces résultats peuvent être consultés à partir du portail EauFrance. L’arrêté du 26 avril 2022 qui établit le programme de surveillance de l’état des eaux, inclut plus de molécules que celles dont le suivi est imposé par la DCE. Il prévoit le suivi de 21 pesticides au titre de l’état chimique dans les eaux de surface, auxquels s’ajoutent 12 pesticides polluants spécifiques de l’état écologique. Pour les eaux souterraines, l’arrêté impose le suivi de 50 pesticides ou métabolites une à deux fois par an sur les stations du réseau de surveillance. En complément, une analyse « photographique » doit être réalisée, une fois tous les 6 ans, sur 97 pesticides et reconduite, sur un quart de ces stations, pour 26 de ces 97 substances, une deuxième Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 33/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine fois pendant les 6 années du cycle. Des suivis plus fréquents sont également réalisés sur les captages prioritaires inscrits dans les SDAGE (annexe 7). Au total, ce sont donc 147 molécules pesticides ou produits de dégradation qui sont réglementairement recherchées dans les eaux souterraines. Dans la pratique, les agences de l’eau peuvent suivre un nombre plus important de molécules soit qu’elles aient pris l’initiative d’ajouter des molécules à celles prévues par la réglementation, soit que le laboratoire d’analyse avec lequel elles ont contractualisé en propose gracieusement d’autres. Sur l’ensemble des bassins, ce sont ainsi jusqu’à environ 650 molécules de pesticides et de métabolites qui bénéficient d’un suivi, soit une forte augmentation depuis le début des années 2000. Les agences réalisent également des campagnes de suivi des polluants émergents de toute nature (PFAS, médicaments, perturbateurs endocriniens, résidus d’explosifs, biocides, bromures). Enfin, un réseau national de surveillance prospective a été mis en place en 2016, sous le pilotage conjoint des agences de l’eau et de l’Office français pour la biodiversité (OFB). Il vise à identifier de nouvelles substances polluantes et à démontrer la pertinence de nouveaux outils de suivi (screening non ciblé par exemple). De fait, les listes de molécules surveillées dans les eaux brutes par les agences de l’eau sont plus larges que celles du contrôle sanitaire des ARS dans la plupart des régions. Cela permet d’assurer une veille vis-à-vis des risques émergents (pesticides et métabolites nouvellement identifiés) ou potentiels (substances autorisées dont les ventes sont susceptibles d’évoluer). Les agences de l’eau ont ainsi anticipé la mise en surveillance de certaines molécules (surveillance des métabolites du métolachlore et du métazachlore depuis 2015, de ceux de la chloridazone depuis 2016 et du chlorothalonil R471811 depuis 2022 pour l’agence de l’eau Adour-Garonne). Afin de mieux maitriser le risque sanitaire, l’EDCH est censée être produite à partir d’une ressource dont la qualité n’est pas trop altérée. S’agissant des pesticides et de leurs métabolites, un arrêté du ministre en charge de la santé du 30 décembre 2022, modifiant l'arrêté du 11 janvier 2007, fixe la limite de qualité des eaux brutes utilisées pour produire des EDCH à 2 µg/l par molécule pertinente et 5 µg/l pour le total des pesticides et métabolites pertinents. Aucune limite n’est fixée pour les métabolites non pertinents. 1.1.2 L’autosurveillance par les PRPDE et le contrôle sanitaire par les ARS du point de prélèvement dans le milieu jusqu’au robinet de l’abonné Les PRPDE sont chargées du suivi permanent de premier niveau de la qualité de l’eau produite et distribuée. Elles établissent et mettent en œuvre un programme de surveillance dont le contenu2 est défini sur la base d’une analyse de dangers et vise à garantir en permanence la qualité des EDCH. Des orientations sont données pour certains paramètres mais les pesticides et leurs métabolites ne sont pas mentionnés dans l’arrêté. Le contenu de la surveillance restant de la responsabilité de la PRPDE, la mission a constaté à l’occasion de ses trois déplacements la grande hétérogénéité des programmes de surveillance, certains étant très complets alors que d’autres sont réduits à leur plus simple expression notamment lorsque les PRPDE sont de petite taille. Face à cette situation, la mission considère qu’il est nécessaire de fixer un socle minimum d’exigences de surveillance par les PRPDE des pesticides et de leurs métabolites de nature à limiter les risques sanitaires. En complément de la surveillance assurée par la PRPDE, l’État assure un contrôle sanitaire officiel de second niveau qui relève de l’ARS. Les analyses sont effectuées par un laboratoire agréé, choisi sur marché public par l’ARS. Le laboratoire doit être accrédité pour chaque molécule, ce qui peut ralentir la prise en compte d’un paramètre dans le contrôle sanitaire. Les résultats des analyses 2 Précisé par l’arrêté du 30 décembre 2022. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 34/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine sont transmis au préfet par l’ARS avec ses observations et à la PRPDE. Ils sont versés dans la base SISE-Eaux et rendus publics via le site du ministère en charge de la santé et le site data.gouv.fr. La qualité des EDCH est encadrée par la directive 2020-2184 ; les États membres doivent rendre compte de leur application tous les trois ans à la Commission européenne. La directive énonce un principe général selon lequel les EDCH « ne contiennent pas un nombre ou une concentration de micro-organismes, de parasites ou de substances constituant un danger pour la santé humaine » (art. 4 1.a) », mais ce principe n’est assorti d’aucune prescription sur la manière de s’en assurer. Elle ne définit pas de limite de qualité pour les eaux brutes souterraines ou superficielles utilisées pour la production des EDCH. Pour les eaux distribuées, Il est indiqué que « seuls les pesticides dont la présence dans une distribution donnée est probable doivent faire l’objet d’une surveillance », sans précision sur le niveau de probabilité censé déclencher une surveillance des pesticides ni la manière de déterminer cette probabilité de présence, qui relèvent en pratique de chaque État membre. La directive fixe deux limites de qualité pour les pesticides et les métabolites jugés pertinents : une limite par pesticide (0,1 µg/l) et une limite en cumul (0,5 µg/l) qui s’appliquent à « tous les pesticides individuels tels que [précédemment] définis, détectés et quantifiés dans le cadre de la procédure de surveillance ». Ces limites ne s’appliquent pas aux métabolites non pertinents. Pour les métabolites de pesticides jugés non-pertinents, pour lesquels aucun critère de détermination du caractère non pertinent n’est énoncé, la directive laisse le soin aux États membres de définir « une valeur indicative aux fins de la gestion de leur présence dans les EDCH » (voir chapitre 2). Une harmonisation à l’échelle européenne de ces valeurs est nécessaire, afin de réduire les risques pour la santé humaine. Les limites de qualité des pesticides et métabolites pertinents ainsi que celle de la valeur indicative des métabolites non pertinents sont fixées par un arrêté du 30 décembre 2022. Pour les eaux distribuées, la limite réglementaire est de 0,1 µg/l par pesticide ou métabolite pertinent, sauf exception, et 0,5 µg/l pour le total des pesticides ou métabolites pertinents quantifiés. Une valeur indicative de 0,9 µg/l est fixée pour les métabolites de pesticides non pertinents (après évaluation de l’Anses), par substance individuelle. La détermination de la liste de molécules de pesticides à rechercher dans le cadre du contrôle sanitaire relève des ARS. Il leur est recommandé d’utiliser la méthodologie proposée par la DGS dans l’instruction du 18 décembre 20203. Cette méthodologie fouillée fait appel à des sources de données aptes à rendre compte de la probabilité de présence de pesticides. Une mise à jour régulière de la liste, a minima à chaque renouvellement de marché public et de préférence tous les deux ans, voire chaque année si besoin, est conseillée par l’instruction (« démarche dynamique »). Les listes de molécules recherchées varient selon les régions, ce qui s’explique par les systèmes de culture en place. Cependant, pour des situations analogues, certaines ARS font le choix d’inclure dans leur contrôle sanitaire des molécules qu’elles ne sont pas encore obligées de rechercher, dans un souci d’anticipation, alors que d’autres font le choix inverse y compris dans des cas où la concentration de ces molécules au-delà des limites de qualité est avérée au vu des analyses réalisées par les PRPDE ou les agences de l’eau. La seconde situation est d’autant plus préoccupante lorsque les molécules ont été trouvées à des concentrations supérieures aux valeurs réglementaires, situation que la mission a pu constater. La mission considère que les ARS doivent prévoir dans leurs marchés d’analyse la possibilité d’inclure par avenant toute molécule détectée au-delà du seuil réglementaire et ce dès lors que l’ARS en aura été informée par une PRPDE ou une agence de l’eau. 3Instruction n°DGS-EA4-2020-177 du 18 décembre 2020 relative à la gestion des risques sanitaires en cas de présence de pesticides et de métabolites de pesticides dans les EDCH. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 35/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 1.1.3 Les améliorations à apporter à la surveillance Une meilleure mise à disposition des ARS des données disponibles Environ 450 substances actives sont approuvées au sein de l’Union européenne dont 300 autorisées dans les produits phytopharmaceutiques commercialisés en France. Selon les différents experts auditionnés par la mission, chaque substance active est susceptible de produire un nombre variable de produits de transformation dont une proportion indéfinie peut se révéler pertinente et comporter un risque sanitaire pour le consommateur. Le choix de laisser aux ARS le soin d’élaborer la liste des molécules à suivre au titre du contrôle sanitaire se justifie compte tenu de la diversité des systèmes agricoles. C’est pourquoi, la mission propose qu’une liste socle de molécules dont le suivi est obligatoire soit établie au niveau national et qu’ensuite chacune des ARS la complète en tenant compte du contexte régional. En outre, elle considère que la mise à disposition et l’utilisation par les ARS des informations produites par les agences de l’eau ou les PRPDE peut être améliorée. Il s’agit pour les ARS d’actualiser plus rapidement cette liste et d’y intégrer de nouvelles molécules détectées au-delà du seuil réglementaire par avenant aux marchés d’analyse du contrôle sanitaire. Améliorer les bases de données Il ressort des échanges avec différents interlocuteurs que les ARS ont des moyens limités pour exploiter des données qui n’ont pas été produites dans le cadre du contrôle sanitaire. En effet, l’exploitation des données de surveillance exige un niveau important de technicité, en programmation de scripts et traitement de données, au vu de la quantité de données produites. Si les bases de données nationales Ades et Naïades, dans lesquelles sont bancarisées automatiquement les données de surveillance des eaux brutes souterraines et superficielles, permettent un accès libre et facile aux données avec la visualisation cartographique instantanée des données sélectionnées (pour Ades), elles ne proposent que des traitements de données assez simples. À titre d’exemple, elles ne permettent pas d’obtenir directement la somme des pesticides par date de prélèvement ni de calculer des moyennes ou des maximums. C’est pourquoi, la mission considère qu’une évolution des bases Ades et Naïades est nécessaire. Il s’agit de mieux répondre aux besoins des utilisateurs, ce qui justifie de s’assurer que les moyens affectés sont suffisants. En outre, la mission estime que des travaux sont à engager pour rendre les bases Ades et Naiades interopérables avec la base SISE-Eaux. Une meilleure disponibilité des étalons analytiques La disponibilité des étalons analytiques est un point qui a été souvent évoqué devant la mission. En effet, l’identification initiale des métabolites imposée aux pétitionnaires pour approuver ou réapprouver une substance active au niveau européen n’entraine pas la mise à disposition effective et systématique d’étalons analytiques aux laboratoires de surveillance nationaux. De même, cette identification initiale ne leur impose pas le développement d’une méthode d’analyse adaptée et sa mise à disposition des laboratoires d’analyse en contrat avec les agences de l’eau et les ARS. Une étude4 a montré que, sur 186 substances pesticides étudiées, 78 % présentent un risque de transfert aux eaux souterraines de 3,2 métabolites en moyenne par substance, dont au moins 1 est attendu au-delà du seuil de 0,1 µg/l. Parmi ces métabolites à risque identifié, 62 % n’avaient pas d’étalon analytique commercialisé et ne pouvaient donc pas faire l’objet d’un développement de méthode par les laboratoires en vue d’une mise en surveillance ultérieure. C’est notamment le cas lorsque le standard analytique synthétisé lors des études pour le dépôt du dossier d’approbation n’est plus disponible (dossiers anciens). Le cas du chlorothalonil illustre les durées 4 Baran N. et Briteau S., Etude Aquaref-BRGM, Besoins analytiques sur les métabolites de pesticides : liste des substances issues des dossiers d’homologation et capacités actuelles des laboratoires – bilan 2015-2018, décembre 2018. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 36/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine importantes qui peuvent s’écouler entre l’identification d’une molécule d’intérêt (2006 pour le R471811), la mise en place d’un standard de détection (2019) et la première accréditation (2021) par le Comité français d’accréditation (COFRAC) de laboratoires susceptibles d’effectuer les analyses (annexe 10). Même si de nouvelles techniques analytiques, comme la spectrométrie de masse haute résolution, peuvent partiellement lever le verrou technique, cette limite explique en partie pourquoi certaines contaminations à large échelle par des métabolites tardent à être identifiées. En outre, la mission a constaté que le délai d’accréditation des laboratoires d’analyse pour chaque molécule peut freiner le déploiement de la surveillance de certains métabolites. Ainsi, une ARS n’a pu engager la surveillance du chlorothalonil R471811 au 1er janvier 2024 que sur 6 des 10 départements de la région, du fait de l’absence de capacité analytique de l’un des laboratoires en charge du contrôle sanitaire, qui n’est pas encore accrédité par le COFRAC. Une meilleure compréhension de la variabilité des mesures De nombreux interlocuteurs de la mission ont signalé la variabilité importante des mesures de concentration en métabolites sur un même point de prélèvement d’eau5 , ce qui justifie une surveillance avec une fréquence de mesure élevée. Dans les eaux brutes, cette variabilité dépend de la recharge de la nappe et des propriétés des molécules, notamment leur aptitude à être lixiviées, mais les mécanismes de transfert des pesticides vers les eaux souterraines sont complexes. Selon les cas, une augmentation de la recharge en eau peut conduire à une augmentation des teneurs (plus forte remobilisation) ou à l’inverse à une diminution des teneurs (effet de dilution). La mission note que la connaissance de la remobilisation sur le long terme des composés dans le sol et/ou la zone non saturée reste un verrou scientifique important. Malgré un arrêt d‘usage, le sol peut relarguer pendant des années la molécule mère ou ses métabolites qui peuvent être lixiviés vers les eaux souterraines, ce qui est constaté pour l’atrazine et ses métabolites. Les premiers éléments obtenus en Suisse semblent indiquer que les métabolites de la chloridazone ou ceux du chlorothalonil ont des comportements très variables en matière de remobilisation sur le long-terme. La durée de persistance des métabolites de la chloridazone dans les eaux souterraines pourrait être plus longue que celle des métabolites du chlorothalonil. Dans les Hauts-de-France, une étude du BRGM devrait prochainement permettre d’établir un schéma conceptuel du transfert de la chloridazone et de ses métabolites depuis le sol vers les nappes. Pour ce qui concerne les eaux de surface, leur qualité se dégrade lors d’épisodes de fort ruissellement et en particulier après des périodes d’application pour les substances ayant des usages autorisés. S’agissant des eaux distribuées, le comportement des métabolites dans les réseaux de distribution (abattement, formation et rémanence de nouveaux produits) lors de la chloration doit être mieux appréhendé par le laboratoire d’hydrologie de l’Anses, notamment pour les métabolites de la chloridazone. De manière générale, la mission considère qu’une collaboration renforcée sur les différents aspects de la surveillance entre les deux laboratoires nationaux de référence, AQUAREF et le Laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’Anses, pourrait permettre de mutualiser les efforts et mettre en synergie les compétences techniques, notamment sur l’analyse des eaux brutes. Cette collaboration pourrait porter, en particulier, sur l’actualisation en continu de l’inventaire des métabolites de pesticides à enjeu, l’obtention des étalons analytiques auprès des fabricants de pesticides, qui ont l’obligation réglementaire d’y répondre favorablement, ainsi que sur le développement des méthodes analytiques et leur transfert aux laboratoires d’analyses. 5 Des variations de concentration allant de 1 à 7 ont été constatées, à l’exemple du captage 00800008 dans les Ardennes où la concentration mesurée en chloridazone desphényl varie en quelques mois entre 1,13 et 7,46 µg/l. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 37/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine [DGS, DGALN, Anses et OFB] Organiser une collaboration structurée entre AQUAREF et le laboratoire d’hydrologie de l’Anses sur les méthodes de surveillance des eaux. [DGAL et Anses] Imposer la mise à disposition des étalons d’analyse par les industriels dès le dépôt de demande d’AMM, avec transmission au laboratoire national d’hydrologie de l’Anses. [OFB, DGS et BRGM] Améliorer les fonctionnalités des bases de données ADES et Naïades et les rendre interopérables avec la base SISE-Eaux. 1.1.4 La biosurveillance et les bioessais, en complément de l’analyse chimique, au service d’une meilleure évaluation de la qualité des EDCH La surveillance fondée sur une approche analytique ne porte que sur une partie des substances chimiques et sur une infime part de leurs produits de transformation. Elle ne prend pas en compte les interactions entre molécules et les effets cocktail à faibles doses, qui constituent pourtant un enjeu scientifique et sanitaire. De fait, l’exposition cumulée aux mélanges est actuellement appréhendée essentiellement par la valeur seuil de 0,5 µg/l, somme de tous les pesticides et de leurs métabolites et produits de dégradation pertinents, détectés et quantifiés dans le cadre de la procédure de surveillance. La mission a constaté que les métabolites non pertinents et ceux qui ne sont pas analysés ne sont pas pris en compte. Il s’agit là d’un angle mort de la surveillance réglementaire fondée sur la seule chimie analytique. A l’inverse, les méthodes biologiques permettent d’évaluer les effets des mélanges de substances chimiques de composition inconnue, de prendre en compte la complexité du comportement de molécules en interaction et de faire une évaluation « groupée » des substances agissant selon un même mécanisme d’action. Utilisées en amont de l’analyse par substance, ces méthodes fournissent des signaux d’alerte précoces fondés sur l’observation d’un impact sur des organismes indicateurs d'effet (biomarqueurs, bioindicateurs, biointégrateurs ou bioaccumulateurs). Cependant, malgré le grand nombre de bioessais disponibles, la mission a constaté que leur utilisation reste limitée. Les agences de l’eau utilisent un « Indice toxique pesticide » qui permet de classer des stations de surveillance en fonction de la toxicité cumulée des éléments connus d’un cocktail de molécules. La mission considère qu’en plus de servir pour le suivi de l’état chimique des eaux brutes de surface (la directive 2013/39/UE introduisant le biote comme nouvelle matrice de surveillance), les bioessais pourraient être utiles pour la gestion de la qualité des eaux distribuées, notamment pour évaluer les taux d’abattement des polluants et donc l’efficacité des traitements dans les installations de production d’EDCH. Une surveillance optimale combinerait biosurveillance et approche analytique par substances. Ces perspectives restent à traduire dans la réglementation. La recherche et le développement sur les indicateurs de biosurveillance pourraient utilement être renforcés afin de disposer d’une métrologie normée en anticipation d’une évolution des directives liées à l’eau. De même, la biosurveillance humaine permet de surveiller les effets précoces liés à la présence de substances chimiques dans l’organisme en dosant ces substances dans des biomarqueurs. L’ingestion d’eau potable est une source, certes minoritaire par rapport à d’autres expositions aux pesticides ou leurs métabolites. Cette exposition, et l’imprégnation qui en résulte chez les individus, se cumule cependant avec les autres et dans la durée. C’est pourquoi la mission estime indispensable, de développer, à l’instar de la pharmacovigilance, un dispositif de phytopharmacovigilance épidémiologique. Ainsi, le croisement des données du système national des données de santé avec celles des produits phytopharmaceutiques utilisés à la parcelle et / ou présents dans les EDCH permettrait de mieux caractériser les effets de Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 38/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine l’exposition aux pesticides sur la santé. Pour ce faire, la mission considère qu’un préalable ambitieux mais nécessaire est de mettre en place un système informatisé de recueil des données de registres d’épandage des produits agricoles et d’étendre leur conservation à une vingtaine d’années pour permettre des études sur le long terme. La mission regrette que cette disposition n’ait pas été retenue dans le cadre de la stratégie Ecophyto 2030. [OFB] Soutenir la recherche et le développement sur les indicateurs de biosurveillance et les bioessais afin de compléter la surveillance analytique et disposer d’une métrologie normée en anticipation d’une évolution des directives liées à l’eau. [SPF, Anses et MASA] Mettre en place un dispositif de phyto-pharmaco-épidémiologie. 1.2 Des métabolites de pesticides sont détectés à des concentrations élevées dans les eaux brutes et les eaux distribuées Le bilan de la qualité des EDCH en France est présenté au regard de la présence de pesticides et de leurs métabolites dans les eaux distribuées aux consommateurs ainsi que dans les eaux brutes à partir desquelles les EDCH sont produites. La mission a tenté, sans succès, de collecter des données de surveillance des eaux brutes et de contrôle sanitaire des eaux distribuées (liste des substances suivies et résultats d’analyses) auprès de plusieurs États membres. Cette réticence à communiquer ces données révèle le caractère sensible du sujet de la qualité des eaux. 1.2.1 Les analyses disponibles révèlent que la qualité des eaux brutes est dégradée voire très dégradée dans plusieurs départements et pourrait impacter à court terme l’alimentation en eau potable Même si l’autosurveillance exercée par les PRPDE et le contrôle sanitaire exercé par les ARS portent aussi sur les eaux brutes, les données collectées par ces deux acteurs sont assez peu nombreuses, la fréquence de réalisation des analyses étant néanmoins encadrée par arrêté ministériel (cf. infra). En revanche, les bases de données Ades, pour les eaux souterraines, et Naïades, pour les eaux superficielles, permettent de dresser un bilan de la qualité des eaux brutes en France. La mission a centré ses travaux sur les trois métabolites de pesticides posant actuellement le plus de difficultés en matière de gestion : le chlorothalonil R4718116 et les deux métabolites de la chloridazone (desphényl et méthyl desphényl). Ces travaux portent sur les données 2023-2024 (annexe 1). Avant la prise en compte des métabolites du chlorothalonil, les métabolites de la chloridazone (31,7 % pour la chloridazone desphényl et 23,7 % pour la chloridazone méthyl desphényl), étaient d’ailleurs les plus fréquemment mesurés dans les eaux souterraines de plusieurs pays européens devant le métolachlore ESA (30 %), le N,N diméthylsulfamide (24,4 %), le métazachlore ESA (21 %) et le diméthachlore CGA 369873 (20,7 %) 7. Pour la chloridazone desphényl, des concentrations supérieures à 2 µg/l ont été mesurées dans 6 Au moment où le choix a été fait, le chlorothalonil R471811 était classé pertinent. 7 Baran et al., Pesticides and their metabolites in European groundwater: Comparing regulations and approaches to monitoring in France, Denmark, England and Switzerland, in Science of the total environment, volume 842, 2022. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 39/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine les eaux brutes de 15 % des captages qui dépassent 0,1 µg/l 8 . Parmi ces captages, la concentration dépasse 3 µg/l sur 44 % d’entre eux. Les bases de données Ades et Naïades permettent d’identifier les départements les plus concernés par ces concentrations élevées. Ils se situent dans les régions des Hauts-de-France, de Normandie, d’Ile-de-France, du Grand-Est et du Centre-Val de Loire : Aisne, Oise, Somme, Pas-de-Calais, Marne, Calvados, Cher, Loiret, Seine et Marne et Aube (ce dernier pour les eaux superficielles). Cette aire géographique correspond en grande partie à la zone de culture de la betterave industrielle, la chloridazone étant très spécifique à cette culture. La situation la plus critique se trouve dans l’Aisne qui concentre 42 % des captages où la concentration moyenne dans les eaux brutes dépasse 2 µg/l et 58 % de ceux où elle excède 3 µg/l. Sur les 38 captages de l’Aisne où la concentration dépasse 3 µg/l, elle dépasse 10 µg/l sur 12 captages, avec une pointe à 23,28 µg/l. La Marne est le deuxième département le plus touché avec près de 16 % des captages dont la concentration excède 2 µg/l. Pour la chloridazone méthyl-desphényl, la situation est un peu moins préoccupante. Elle l’est surtout dans le département de l’Aisne où une concentration dépassant 0,1 µg/l a été mesurée sur 113 captages dont 9 à plus de 2 µg/ et 3 à plus de 3 µg/l. Pour le chlorothalonil R471811, les données disponibles permettent d’identifier 266 captages répartis sur 32 départements qui présentent des concentrations comprises entre 0,99 et 2 µg/l sur au moins un captage. Ils sont situés à 39 % dans la région des Hauts-de-France et à 20 % en Normandie mais ils concernent aussi diverses autres régions car l’usage du chlorothalonil a été beaucoup plus généralisé que celui de la chloridazone (annexe 10). Des concentrations en R471811 supérieures à 2 µg/l ont été mesurées sur 139 captages dont 34 % situés dans le Calvados et 25 % dans l’Aisne. Les concentrations dépassant 3 µg/l se trouvent sur 55 captages localisés à 35 % dans le Calvados et 31 % dans l’Aisne. Les autres se situent dans la Vienne, les Deux-Sèvres, le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne. Ce dernier département présente la concentration la plus élevée (15 µg/l). Les limites de qualité incluant aussi une notion de cumul (la somme des pesticides et métabolites pertinents doit être inférieure à 5 µg/l), la carte figurant en annexe 1 révèle que 6 régions sont concernées par un dépassement du cumul des concentrations : les Hauts-de-France (4 départements), le Grand-Est (2 départements), la Normandie (1 département), l’Ile-de-France (1 département), la Nouvelle-Aquitaine (1 département) et les Pays-de-la-Loire (1 département). Au total, si l’on considère les dépassements de 2 µg/l par substance individuelle et de 5 µg/l pour le cumul, il apparait que la situation est préoccupante et que des ressources devraient ne plus être utilisées pour produire des EDCH et risquent dès lors de devoir être abandonnées. Cette dégradation qualitative viendrait s’ajouter aux pénuries quantitatives auxquelles certaines régions sont confrontées dans le contexte de dérèglement climatique. Cette situation conduit les PRPDE et les ARS à prendre des mesures de gestion dont certaines s’écartent de la réglementation applicable (annexe 6). La mission rappelle à ce stade que les travaux ne portent que sur trois métabolites (cf. encadré relatif à l’Aisne infra) et que le suivi des molécules n’est pas uniforme sur le territoire. 8 La mission prend en compte pour les eaux brutes la valeur seuil de 0,1 µg/l applicable aux eaux traitées pour tenir compte des unités de traitement ne comportant pas de modules pour abattre la teneur en pesticides. 9 La mission a pris en compte ce seuil compte tenu du déclassement du R471811 en non pertinent, le 29 avril 2024, et pour identifier les ressources sur lesquelles il serait nécessaire de mettre en place un traitement pour respecter la valeur de gestion applicable aux métabolites non pertinents (0,9 µg/l). Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 40/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 1.2.2 Les résultats du contrôle sanitaire révèlent une situation nouvelle de détection généralisée de métabolites de pesticides dans les eaux distribuées Jusqu’en 2020, les métabolites de l’atrazine (atrazine déséthyl et atrazine déséthyl déisopropyl) étaient les molécules les plus mesurées à une concentration dépassant 0,1 µg/l malgré l’arrêt d’emploi de l’atrazine, en France, depuis 2003. De nouveaux métabolites ont été ensuite quantifiés dans les EDCH. La campagne exploratoire de l’Anses Dans le cadre de son mandat de laboratoire national de référence pour les EDCH, le laboratoire d’hydrologie de Nancy (LHN) de l’Anses a réalisé une campagne exploratoire en 2020-2021 sur les eaux brutes et les eaux traitées. Sur les 157 molécules recherchées (1/3 de substances actives et 2/3 de métabolites), 89 ont été quantifiées10 au moins une fois. Les fréquences de quantification étaient assez semblables entre eaux brutes et eaux traitées et entre eaux souterraines et eaux superficielles. Les métabolites étaient plus fréquemment quantifiés que les substances actives correspondantes. Parmi les métabolites recherchés, le chlorothalonil R471811 et le métolachlore ESA étaient les molécules les plus fréquemment quantifiées avec plus de 50 % de quantification en eaux traitées et respectivement 34 % et 1,7 % d’échantillons présentaient des concentrations supérieures à 0,1 µg/l pour le métabolite R471811 et supérieures à 0,9 µg/l pour le métolachlore ESA (annexe 1). Cette campagne a été à l’origine d’un renforcement du suivi des EDCH en lien avec le développement des techniques de mesure de certains métabolites (dont le R471811) et l’inclusion de nouvelles molécules dans le contrôle sanitaire opéré par les ARS. Le bilan annuel du ministère de la santé Le dernier bilan national disponible du contrôle sanitaire des EDCH, publié en décembre 2023, porte sur les données de l’année 2022 qui sont présentées de manière détaillée en annexe 1. Il montre que 61 molécules étaient à l’origine des situations de dépassements récurrents des limites de qualité. Comme en 2021, les substances retrouvées le plus fréquemment à des concentrations élevées dans les unités de distribution (UDI) sont les 5 métabolites suivants : chloridazone desphényl 11 (49,2 % des 2313 UDI en NC1ou NC2 12 et environ 4 millions de personnes), métolachlore ESA13 (40,3 % des UDI en NC1 et NC2 et environ 4 millions de personnes), chloridazone méthyl desphényl14 (26,6 % des UDI en NC1 et NC1 et 1,8 million de personnes), atrazine déséthyl déisopropyl (6,5 % des UDI en NC1 et NC2 et environ 240.000 personnes) et atrazine déséthyl (6 % des UDI en NC1 et NC2 et environ 200.000 personnes) (annexe 1). Notons à cet égard que l’utilisation d’atrazine est interdite depuis 2003 et que l’on retrouve encore ses métabolites parmi les principaux contaminants des EDCH, ce qui confirme la nécessité des mesures préventives pour éviter que cette situation ne se perpétue avec d’autres substances. Ce 10 Car présentes à un taux supérieur à la limite de quantification (LQ) de la méthode d’analyse 11 Métabolite pertinent. 12 C : eau en permanence conforme à la limite de qualité / NC0 : présence de pesticides à des concentrations supérieures aux limites de qualité (si présence de Vmax ou VST), moins de 30 jours cumulés sur une année, sans jamais dépasser la Vmax ou VST ; l’eau distribuée ne présente pas de risque sanitaire pour la population / NC1 : idem NC0 mais sur une période de plus de 30 jours cumulés sur une année / NC2 : présence d’au moins un pesticide à une teneur supérieure à la limité de qualité (en absence de Vmax ou VST) ou supérieure à la Vmax ou VST, quelle que soit la durée de dépassement : l’eau présente des risques sanitaires pour la population qui doit être informée de ne pas utiliser l’eau. Pour les situations NC0, NC1 et NC2, l’eau n’est pas conforme à la règlementation. 13 Non pertinent depuis décembre 2022. 14 Ce métabolite et les deux suivants sont pertinents. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 41/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine constat peut aussi être fait pour le chlorothalonil (annexe 10). Si dans un peu moins d’un tiers (30) des départements, plus de 98 % de la population a été desservie par une eau respectant en permanence les limites de qualité pour les pesticides, dans 27 départements cette proportion est inférieure à 80 % (annexe 1). Afin de préciser et d’actualiser ce bilan pour tenir compte notamment de l’intégration progressive de métabolites de la chloridazone puis du chlorothalonil dans la liste des substances suivies, la mission a analysé les données de SISE-Eaux sur la période 2023-2024. Ces données révèlent une situation nouvelle. Les travaux de la mission pour la période 2023-24 Pour la chloridazone desphényl, les données (annexe 1) montrent que les EDCH d’un quart des départements sont concernées par des dépassements de la valeur réglementaire de 0,1 µg/l, mais à des degrés différents. En effet, en cohérence avec les constats relatifs aux eaux brutes présentés ci-dessus, il apparaît que la région des Hauts-de-France est la plus touchée avec un pic à 23,28 µg/l mesuré dans l’eau distribuée dans l’Aisne. L’Aisne, la Marne et l’Oise présentent le plus grand nombre d’UDI avec des concentrations supérieures à 0,1 µg/l, devant la Seine-Maritime et le Calvados. Viennent ensuite dans l’ordre décroissant, les départements du Pas-de-Calais, de l’Aube, de la Somme, de la Nièvre, de l’Eure et des Ardennes. Dans une quinzaine d’autres départements principalement situés dans la moitié Nord de la France, seules quelques installations ont été identifiées. µ Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 42/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine À l’exception de deux d’entre elles situées dans la Marne, toutes les installations de production d’EDCH (57 au total) qui présentent des concentrations moyennes supérieures à 3 µg/l pour la chloridazone desphényl se trouvent dans les Hauts-de-France dont 88 % dans l’Aisne où ont été détectées les concentrations les plus élevées. Les concentrations moyennes en chloridazone méthyl desphényl sont plus faibles, puisqu’aucune concentration moyenne ne dépasse 3 µg/l. Les pics de concentration observés sont de 3,26 µg/l dans l’Aisne et 3,25 µg/l dans le Calvados. Ce sont sensiblement les mêmes départements qui sont concernés par des dépassements en chloridazone méthyl desphényl et chloridazone desphényl, dans une moindre mesure pour la chloridazone méthyl desphényl. µ Pour le chlorothalonil R47181115, dans la plupart des 95 départements pour lesquels l’on dispose de données dans SISE-Eaux16, sont relevées des concentrations moyennes supérieures à 0,1 µg/l dans les installations de production d’EDCH. Les 12 départements où l’on n’observe pas de dépassement de cette limite sont majoritairement situés dans la partie Sud de la France où il y a peu de grandes cultures (et donc d’utilisation du chlorothalonil). 15 Compte tenu du changement récent de son statut de pertinent à non pertinent, la mission a pris en compte les seuils de 0,1 µg/l, 0,9 µg/l (applicable au métabolites non pertinents) et 3 µg/l (VST applicable lorsque le chlorothalonil R471811 était pertinent). 16 Pour certains départements, bien que le métabolite ne soit pas officiellement inclus dans le contrôle sanitaire, des données de suivi sont disponibles. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 43/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Les 40 départements qui sont concernés par des dépassements du seuil de 0,9 µg/l sur au moins une installation de production sont situés majoritairement dans la moitié Nord de la France ; s’y ajoutent les départements de l’Aude, de l’Hérault, du Gard, du Tarn, des Alpes de Haute-Provence, de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne. Les départements qui sont concernés par des concentrations moyennes les plus élevées sont l’Aisne, le Calvados et l’Eure-et-Loir avec des moyennes comprises entre 0,7 et 1,05 µg/l avec un pic observé à 8,65 µg/l dans l’Aisne puis ensuite les départements de la Marne, de l’Oise, de l’Orne, de l’Yonne, de l’Eure, de la Seine-et Marne et de la Meuse avec des moyennes comprises entre 0,4 et 0,7 µg/l. Les concentrations entre 2 et 3 µg/l ont été mesurées dans 16 départements situés principalement dans les régions Hauts-de-France (Aisne, Oise, Nord, Somme et Ardennes) et Normandie (Calvados, Seine Maritime, Orne et Eure). Des concentrations supérieures à 3 µg/l ont été mesurés dans 9 départements : l’Aisne, le Calvados, le Seine-Maritime, l’Oise, la Marne, la Seine-et-Marne, l’Orne, l’Eure-et-Loir et la Vienne. La situation de l’Aisne est préoccupante Fin 2023, 72 % des unités de distribution de l’Aisne desservant environ 400.000 personnes sont concernées par des concentrations supérieures à 0,1 µg/l pour la chloridazone desphényl et il en est de même pour 78 % des unités desservant 467 000 habitants pour le chlorothalonil R471811. Au printemps 2024, sur 21 unités concernées par une concentration supérieure à 3 µg/l pour la chloridazone desphényl, 9 sont dépassent 5 µg/l (23,28 µg/l pour la plus élevée). 5 installations sont au-delà de 2 µg/l (3,26 µg/l au maximum) pour la chloridazone méthyl desphényl. La concentration en R471811 est supérieure à 3 µg/l sur 9 installations (la plus élevée atteint 8,65 µg/l) et comprise entre 2 et 3 µg/l sur 15 installations. La situation de l’Aisne est préoccupante en raison des concentrations importantes en chloridazone desphényl et en chlorothalonil R471811 dans les eaux distribuées. Elle révèle aussi la présence de ces molécules dans les eaux brutes de certaines zones à des concentrations cumulées qui dépassent 5 µg/l. Si sa mise en évidence est récente, cette situation est probablement ancienne, en lien avec la production de betteraves sucrières. En effet, la mise en évidence de la présence de métabolites n’intervient officiellement que lorsque la substance est intégrée dans le contrôle sanitaire. Au-delà des trois métabolites sur lesquels la mission a travaillé, l’analyse des fiches info-facture révèle la présence d’autres molécules dans les eaux distribuées. Par exemple, pour le syndicat des eaux du Soissonnais et Valois, les molécules suivantes ont aussi été retrouvées dans le réseau de Parc et de Tigny : deséthyl atrazine, bentazone, métazachlore, métolachlore, OXA métolachlore, ESA métolachlore, ESA Flufenacet, chloridazone, oxadixyl, azoxystrobine, cyproconazol, époxyconazole, flusilazol, flutriafol, alachlore, quimerac, tebuconazole. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 44/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 2 La gestion des non-conformités pose de réelles difficultés aux acteurs de terrain et certaines règles peuvent être très difficiles à déterminer faute de données scientifiques Les modalités de gestion des non-conformités des EDCH découlent de textes communautaires dont la précision est inégale selon les sujets. Cette réglementation fait par ailleurs l’objet d’adaptations variables selon les États membres. Le manque de consignes nationales ou les difficultés que posent leur application peuvent en partie s’expliquer par la complexité intrinsèque du sujet (qui repose notamment sur des concepts scientifiques élaborés et difficiles à vulgariser), le manque de données scientifiques et le caractère parfois inextricable de la gestion lors que les milieux sont trop contaminés pour que la conformité des EDCH soit atteignable dans le délai imparti. 2.1 Une prise en compte insuffisante des risques liés aux métabolites dans la réglementation 2.1.1 Les métabolites sont peu présents dans la réglementation européenne, qu’il s’agisse de la directive cadre sur l’eau et de ses textes d’application ou du règlement encadrant l’approbation des substances actives et l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques La directive-cadre sur l’eau (DCE-2000/60/CE) de l’Union européenne encadre la politique européenne de l’eau pour ce qui concerne notamment les eaux de surface et les eaux souterraines. Elle est accompagnée par des directives plus ciblées, dont la directive sur les eaux souterraines (DES), la directive sur les eaux destinées à la consommation humaine (directive « eau potable ») et la directive 2008/105/CE sur les normes de qualité environnementale (DNQE). La directive « eaux souterraines » et la directive « eau potable » fixent toutes deux les valeurs limites de concentration dans les eaux souterraines et dans les EDCH, pour les pesticides et leurs métabolites pertinents, à 0,1µg/l par substance individuelle et à 0,5 µg/l pour la somme des pesticides et des métabolites pertinents. Pour les eaux de surface, la DNQE définit des normes de qualité environnementale (NQE) pour les substances prioritaires présentant un risque significatif pour ou via l’environnement aquatique à l’échelle de l’Union. Ces NQE n’intègrent pas les métabolites de pesticides. Le règlement 1107/2009 (PPP), en vigueur depuis le 14 juin 2011, établit quant à lui les règles régissant l’autorisation de mise sur le marché et l’utilisation au sein de l’Union européenne, des produits phytopharmaceutiques et des substances actives qu’ils contiennent. Ce règlement pose comme principe général l’obligation pour l’industriel requérant d’intégrer dans son dossier d’approbation toute information sur les effets potentiellement nocifs sur la santé, l’environnement et les espèces non ciblées des métabolites de la substance active candidate. Le requérant a l’obligation de modéliser le devenir des métabolites dans le sol et d’estimer les concentrations de ces métabolites dans les eaux souterraines. Les métabolites « pertinents » doivent être clairement identifiés lors de l’évaluation des dossiers d’approbation des substances actives. Les modélisations conduisant à détecter une concentration de métabolite pertinent supérieure à Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 45/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 1 µg/l dans les eaux souterraines doivent conduire à la non-autorisation de la substance active candidate. 2.1.2 Des lacunes dans ces réglementations conduisent à une insuffisante prise en compte du risque lié aux métabolites La réglementation ne s’applique qu’aux métabolites détectés Environ 350 substances actives sont actuellement approuvées au sein de l’Union européenne au titre du règlement PPP. Selon les différents experts auditionnés par la mission, chaque substance active est susceptible de produire de 2 à 10 métabolites, dont une proportion indéfinie peut se révéler « pertinente », donc comportant un risque sanitaire pour le consommateur. En dépit de l’obligation d’identifier tous les métabolites et d’en faire mention dans le dossier d’autorisation, des métabolites non identifiés détectés sont donc susceptibles de se retrouver dans les EDCH. Cela s’explique notamment par l’évolution du nombre et de la diversité des substances autorisées. Par ailleurs, selon les experts rencontrés par la mission, les métabolites issus des substances actives les plus récentes seraient plus polaires (c’est à dire plus solubles dans l’eau, plus hydrophiles) que les substances actives dont ils sont issus. La réglementation ne prend pas en compte les « effets cocktail » La problématique des effets des mélanges de pesticides et/ou métabolites n’a pas été prise en compte dans la méthode de définition de la pertinence des métabolites, qui s’établit substance par substance. Pour autant, cette problématique constitue un véritable enjeu scientifique et sanitaire. L’exposition cumulée aux mélanges n’est appréhendée dans la réglementation actuelle que par la valeur seuil de 0,5 µg/l qui ne constitue pas une valeur sanitaire. La réglementation se limite aux métabolites quantifiés, dont la présence dans l’eau est jugée « probable » par les autorités sanitaires Les annexes 1 de la directive eaux souterraines et de la directive eau potable définissent ainsi la somme à prendre en compte dans la surveillance : « somme de tous les pesticides détectés et quantifiés dans le cadre de la procédure de surveillance, y compris leurs métabolites, les produits de dégradation et les produits de réaction pertinents ». En outre, la directive 2020/2184 précise que « seuls les pesticides dont la présence dans une distribution donnée est probable doivent faire l’objet d’une surveillance ». Ainsi, ni les métabolites non pertinents, ni les métabolites non détectés, ni les métabolites non quantifiés ne sont pris en compte dans le calcul de la somme. Par ailleurs, la mission considère que la procédure d’autorisation objet du règlement 1107/2009 comprend également des lacunes concernant les métabolites. En effet : L’autorisation est accordée sur la base d’études principalement fournies par les industriels, puisque le processus d’approbation d’une substance active ou d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique fait reposer la charge de l’analyse initiale des dangers et des risques sur les industriels pétitionnaires. Ainsi, les agences et les États rapporteurs auxquels l’évaluation est confiée sont largement dépendants d’études financées par l’industrie, pour lesquelles on ne peut exclure l’existence de biais de sous-estimation des risques. La durée des études demandées n’excède pas 90 jours pour les métabolites, ce qui ne permet pas d’appréhender leurs effets à long terme dans le cadre des procédures Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 46/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine d’évaluation ex-ante. La toxicité des métabolites ne serait pas évaluée de manière exhaustive et approfondie : selon l’un des interlocuteurs auditionnés par la mission, les études de toxicité appliquées aux métabolites ne permettent de détecter que les toxicités fortes, pas celles qui opèrent sur le long terme. En particulier, les effets d’immunotoxicité, neurologiques, et de perturbation endocrinienne seraient peu ou non pris en compte actuellement pour les métabolites ; La procédure ne prend pas en compte les effets des métabolites des substances actives désormais interdites pour un usage PPP : les industriels titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques n’ont pas d’obligation de fournir des éléments scientifiques relatifs à des métabolites de substances actives dont l’approbation a expiré. Enfin, si le principe de la non-autorisation de substances actives libérant dans les eaux souterraines des métabolites pertinents à une concentration supérieure à 1 µg/l est posé, l’appréciation de la pertinence d’un métabolite soulève des difficultés. Selon l’association « Générations futures », une faible proportion de métabolites seraient classés comme « pertinents » au moment de l’approbation du dossier d’autorisation. L’organisation professionnelle Phyteis, qui regroupe les entreprises commercialisant en France des produits phytopharmaceutiques, les évalue à 20 % environ des métabolites identifiés au stade du dossier d’autorisation. 2.2 L’harmonisation à l’échelon européen de la pertinence des métabolites et des valeurs de gestion doit intervenir rapidement 2.2.1 Les approches de la notion de pertinence sont plurielles En premier lieu, la mission a constaté que plusieurs définitions de la pertinence d’un métabolite, proches mais distinctes l’une de l’autre, cohabitent au sein de la réglementation européenne. Ainsi, aux termes du règlement 1107/2009, « un métabolite est jugé pertinent s’il y a lieu de présumer qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance mère en ce qui concerne son activité cible biologique, qu’il représente, pour les organismes, un risque plus élevé que la substance mère ou un risque comparable, ou qu’il possède certaines propriétés toxicologiques qui sont considérées comme inacceptables. Un tel métabolite est pertinent dans le cadre de la décision générale d’approbation ou de la définition de mesures visant à réduire les risques ». Selon la directive « eau potable » 2020/2184, « un métabolite de pesticide est jugé pertinent pour les eaux destinées à la consommation humaine s’il y a lieu de considérer qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance mère en ce qui concerne son activité cible pesticide ou qu’il fait peser (par lui-même ou par ses produits de transformation) un risque sanitaire pour les consommateurs ». Par ailleurs, le règlement 2009/1107 est assorti d’une méthode d’évaluation de la pertinence d’un métabolite, décrite dans le guide Sanco 221/2000 v11, mais qui ne s’applique qu’aux eaux souterraines. La directive « eau potable », qui s’applique quant à elle aux EDCH, n’est accompagnée d’aucune méthode d’évaluation de la pertinence d’un métabolite, ce qui a conduit l’Anses, saisie sur ce point par le DGS, à proposer une démarche d’évaluation de la pertinence d’un métabolite dans les EDCH (avis du 30 janvier 2019). Les deux méthodes sont proches mais divergent sur plusieurs aspects : Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 47/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine L’une vise les eaux souterraines, l’autre les eaux destinées à la consommation humaine, d’origine souterraine ou superficielle ; elles sont toutes deux centrées sur la protection de la santé humaine ; La méthode Sanco est prédictive alors que la méthode Anses s’applique à des métabolites identifiés dans les EDCH ; La méthode Anses utilise l’ensemble des études disponibles (réglementaires et académiques) ; la méthode du guide Sanco, utilisée dans le cadre de l’approbation de substances et d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, se réfère en premier lieu aux études réglementaires délivrées par les industriels requérants ; La méthode de l’Anses intègre les perturbateurs endocriniens (PE), ce que ne fait pas le guide Sanco, en dépit de sa mise à jour récente (2021). De fait, dans le guide Sanco, le caractère PE n’est pas pris en compte pour statuer sur la pertinence d’un métabolite ; À la différence de la méthode exposée dans le guide Sanco, la méthode Anses intègre les procédés de potabilisation des EDCH ; Les deux méthodes diffèrent également sur la définition des valeurs seuils pour les métabolites non pertinents : 0,75 µg/l à 10 µg/l pour le guide Sanco ; 0,9 µg/l pour la méthode Anses ; Par ailleurs, dans la méthode Anses, l’absence ou l’insuffisance de données à l’une des deux premières étapes d’évaluation (activité « pesticide » ou génotoxicité) fait systématiquement entrer le métabolite évalué dans la catégorie des « métabolites pertinents ». En revanche, l’absence ou l'insuffisance de données dans les études toxicologiques (cancérogenèse non mutagène, repro-toxicité, potentiel de perturbation endocrinienne) concernant un métabolite conduit à un classement du métabolite dans la catégorie des « non pertinents », si la substance active mère n’est pas classée en catégorie 1A ou 1B au titre du règlement CLP17. Le guide Sanco 221/2000 ne précise pas quant à lui dans quelle catégorie entre le métabolite en cas d’absence ou d’insuffisance de données. L’existence de plusieurs méthodologies d’évaluation de la pertinence d’un métabolite entraîne des conséquences dommageables pour les États membres L’absence de guide méthodologique pour l’évaluation de la pertinence des métabolites dans le cadre de la directive « eau potable » engendre des disparités de mise en œuvre de cette directive, sans approche commune au niveau de l’Union européenne. Ainsi, certains États membres, tels que la France, ont choisi de développer une méthodologie propre pour évaluer la pertinence des métabolites dans les EDCH. D’autres, comme l’Allemagne, s’appuient sur le document guide Sanco 221/2000, établi pour évaluer la pertinence des métabolites présents dans les eaux souterraines dans le cadre du règlement 1107/2009. En conséquence, des métabolites évalués comme pertinents dans certains pays sont considérés comme non pertinents dans d’autres pays. L’Allemagne juge, par exemple, le métabolite R417888 du chlorothalonil « non pertinent » alors qu’il est évalué comme pertinent par l’Anses. En outre, certains États membres fixent des concentrations maximales dans les EDCH pour les métabolites « non pertinents », d’autres pas. Les modalités de gestion des métabolites non pertinents sont hétérogènes au sein de l’UE. En conséquence, il n’existe pas actuellement de liste commune et actualisée des métabolites pertinents et des métabolites non pertinents au niveau communautaire. 17 Règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 (CLP) relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 48/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Cette situation entraîne notamment une duplication inutile des efforts des autorités sanitaires nationales, en termes de temps d’expertise consommé, ressource rare qui gagnerait à s’investir sur d’autres sujets. Elle se traduit également par des décalages de calendrier entre les décisions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et celles des autorités nationales, source de difficultés accrues pour les autorités de gestion locales. Elle entraine enfin des incompréhensions pour les élus et le grand public, en particulier dans les régions frontalières (Grand Est par exemple, régulièrement tenté d’appliquer les décisions allemandes…). Les eaux destinées à la consommation humaine provenant aux deux tiers des eaux souterraines, la mission considère que les deux méthodes pourraient être unifiées, en retenant dans une méthode unique les éléments les plus protecteurs pour la santé humaine présents dans chacune des deux méthodes d’évaluation. Outre les eaux souterraines et les EDCH, cette méthode unique pourrait également s’appliquer aux eaux de surface, dans la mesure où celles-ci représentent en France un tiers des eaux destinées à la consommation humaine. En ce sens, le guide Sanco 221/2000 précité, qui s’applique aux eaux souterraines, précise d’ailleurs que : « l’approche générale proposée pour les eaux souterraines pourrait être appliquée aux eaux de surface utilisées comme eaux destinées à la consommation humaine ». [DGS, HCSP et Anses] A l’aune d’une comparaison critique entre la méthode exposée dans le guide Sanco et la méthode d’évaluation de la pertinence de l’Anses (avis du 30 janvier 2019), proposer une méthodologie unique d’évaluation de la pertinence d’un métabolite, retenant les prescriptions les plus protectrices des deux guides actuels pour la santé humaine. Évaluer l’opportunité d’appliquer aux eaux de surface cette méthodologie unique valide pour les eaux souterraines et les eaux destinées à la consommation humaine. 2.2.2 La détermination des valeurs toxicologiques de référence, voire des valeurs de gestion, est à uniformiser à l’échelon européen Aujourd’hui, les valeurs toxicologiques de référence (VTR) sont définies au niveau de l’Union européenne pour les pesticides, mais ne le sont pas pour les métabolites de pesticides. Chaque État membre dispose de comités d’experts chargés d’établir des VTR pour les métabolites, sans harmonisation des approches. Selon l’Anses, les étapes d’élaboration d’une VTR sont les suivantes : recenser et analyser les données de toxicité disponibles, sur la base d‘études épidémiologiques et/ou expérimentales ; identifier le ou les organes cibles et l’effet critique ; identifier l’hypothèse de construction, à seuil ou sans seuil de dose, en fonction du mode d’action de la substance ; choisir une (ou plusieurs) étude clé de bonne qualité scientifique permettant généralement d'établir une relation dose-réponse (ou dose-effet) ; définir une dose critique chez l’homme ou l’animal à partir de cette étude, éventuellement dans le cas d’une dose critique obtenue chez l’animal, ajuster cette dose à l’Homme ; pour une VTR à seuil, appliquer des facteurs d’incertitude à cette dose critique de manière Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 49/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine à dériver une VTR applicable à l’ensemble de la population ; pour une VTR sans seuil, réaliser une extrapolation linéaire à l’origine afin de déterminer un excès de risque unitaire. La mission considère que l’Efsa pourrait être chargée de valider des VTR pour les métabolites de pesticides, puisque des VTR sont déjà définies au niveau européen pour les pesticides. L’élaboration des VTR pourrait s’effectuer selon un processus du même type que celui relatif à l’élaboration des limites de résidus de pesticides (LMR) dans les denrées alimentaires. Les LMR correspondent aux niveaux maximaux de résidus de pesticides légalement admis dans ou sur les aliments destinés à l’alimentation humaine ou animale. Harmonisées au niveau communautaire, elles sont fixées par la Commission européenne sur proposition de l’Efsa, en coopération avec un État membre évaluateur. Le règlement (CE) 396/2005, dit règlement LMR, prévoit en outre que si aucune LMR spécifique n’est fixée, une « LMR par défaut » de 0,01 mg/kg s’applique automatiquement. La protection des consommateurs est ainsi assurée, puisque toute combinaison de résidu de pesticide/denrée alimentaire est couverte par une LMR. Les LMR sont répertoriées dans la base de données des pesticides de l’UE, consultable par le grand public. Enfin pour s’assurer du respect des LMR de résidus de pesticides par les États membres et évaluer le niveau d’exposition des consommateurs, l’UE dispose d’un programme de contrôle, pluriannuel et coordonné. L’Efsa rassemble ses résultats et les publie annuellement. Une fois les VTR validées au niveau de l’UE pour les métabolites de pesticides, selon un processus semblable à la détermination des LMR, des valeurs sanitaires maximales (Vmax) pourraient également être établies puisque les Vmax sont déterminées à partir des VTR. La mission considère qu’une harmonisation est possible au niveau européen. L’UE devrait prendre la responsabilité d’établir des VTR pour les métabolites. Elle pourrait également prendre en charge l’ensemble du processus : évaluation de la pertinence sur la base d’une méthodologie unifiée et définition d’une Vmax, déclinée à partir de la VTR. [DGS et ANSES] Promouvoir l’établissement des valeurs toxicologiques de référence (VTR) concernant les métabolites dans les EDCH, les eaux souterraines et les eaux de surface, au niveau de l’UE, sous la supervision de l’Efsa. 2.2.3 Les moyens humains et financiers de l’Anses sont à renforcer Les moyens de l’Anses, tant humains que financiers, consacrés à l’évaluation des risques liés à la présence de pesticides dans les EDCH, paraissent insuffisants pour lui permettre de répondre aux sollicitations de la DGS ou des ARS en matière d’évaluation de la pertinence des métabolites et d’établissement de leurs Vmax. En effet, à ce jour, les moyens humains que l’Anses affecte aux travaux d’expertise sur les pesticides, au sein de l’unité d’évaluation des risques liés à l’eau (UERE), sont limités à environ 1,5 ETP. Concernant les expertises externes, l’Anses s’appuie sur 3 à 4 experts rapporteurs toxicologues pour l’ensemble des travaux (en complément des experts membres de ses collectifs). Un seul ETP est affecté aux travaux de recherche sur les métabolites de pesticides au laboratoire d’hydrologie de Nancy. En prenant en compte les flux actuels de demandes, les moyens supplémentaires nécessaires Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 50/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine pour éviter les priorisations réalisées actuellement dans leur traitement, et le besoin d’appui au groupe de travail permanent du HCSP, la mission estime qu’un renfort de 3 ETP de l’unité UERE serait nécessaire. En complément, comme il n’existe pas à ce jour de mécanisme de financement pour des études de caractérisation toxicologique « à la main » de l’action publique, la mission considère qu’il serait utile que l’Anses dispose de moyens financiers lui permettant de réaliser des études lorsque les données venant des industriels manquent, notamment pour déterminer la pertinence de métabolites de substances retirées du marché. Ce financement de l’ordre de 500 K€ par an pourrait être apporté par les industriels dans le cadre d’une augmentation de la redevance sur les demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. [DGAL et DGS] Intégrer dans le dialogue de gestion le renforcement de 3 ETP des moyens humains de l’Anses consacrés à l’évaluation des risques dans les EDCH et l’augmentation de la redevance sur les AMM de 500 K€/an pour permettre à l’Anses de faire réaliser des études. 2.3 La gestion opérationnelle des non-conformités soulève de plus en plus de difficultés pour les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau et pour les services instructeurs L’utilisation d’une ressource naturelle (eau brute) en vue de la production d’EDCH (eau distribuée) fait l’objet d’une autorisation préfectorale dont les modalités sont précisées par le code de la santé publique (CSP). Les eaux brutes peuvent être utilisées pour produire des EDCH si la concentration est inférieure à 2 µg/l par substance et à 5 µg/l pour le total des pesticides et/ou métabolites pertinents. Pour les eaux distribuées, la limite est de 0,1 µg/l par substance et 0,5 µg/l pour le total des pesticides et/ou métabolites pertinents. Pour les métabolites non pertinents, aucune limite n’est fixée pour les eaux brutes et une valeur indicative18 de 0,9 µg/l est déterminée pour les eaux distribuées. Au-delà de ces limites et dans certaines conditions, les eaux brutes peuvent faire l’objet d’une autorisation exceptionnelle et les eaux distribuées d’une dérogation (annexe 6). La limite de qualité pour les eaux distribuées, qui découle des versions les plus anciennes de la directive « eau potable », n’a aucun fondement sanitaire (annexe 2). D’autres valeurs de gestion ont été conçues par les pouvoirs publics (valeur sanitaire transitoire (VST) et Vmax) qui rendent ardue la compréhension du dispositif par les gestionnaires et par les consommateurs. L’analyse des différentes règles applicables a mis en lumière un certain nombre de situations dans lesquelles les PRPDE et les services de l’État - et tout particulièrement les ARS - peuvent être en grandes difficultés. Celles-ci sont décrites en détail en annexe 6. 18 La valeur indicative pour les métabolites non pertinents était préalablement nommée valeur de vigilance et notamment dans l’instruction DGS du 18/12/2020. Cette terminologie a été modifiée pour éviter la confusion avec le mécanisme de vigilance introduit avec la transposition de la directive eau potable et qui porte des valeurs de vigilance pour nonylphénol et 17 beta oestradiol. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 51/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 2.3.1 L’instabilité de l’expertise et le manque de clarté de certaines dispositions réglementaires compliquent l’intervention des personnes responsables de la production et de la distribution d’eau et fragilisent les agences régionales de santé L’instabilité de l’expertise La difficulté la plus fréquemment mentionnée par les acteurs de terrain concerne la production d’expertise par l’Anses qui est perçue comme lente (en lien notamment avec le volume important de saisines qu’elle reçoit de la part de la DGS) et évolutive puisque les industriels produisent de nouvelles données pour faire changer le statut d’un métabolite lorsqu’il est classé pertinent par défaut (annexe 5). Ainsi, le déclassement des métabolites du S- métolachlore a mis les ARS en difficulté et a pu entamer leur crédibilité ainsi qu’elles en ont fait part à la mission (annexe 12). Elles ont dû en effet inciter les PRPDE à constituer des dossiers de demande de dérogation. Des arrêtés ont ensuite été préparés par les services de l’État, présentés au Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), portés à la connaissance des consommateurs, puis ont dû être abrogés lorsque l’expertise a évolué. Une situation comparable à celle du S-métolachlore vient de se reproduire pour le métabolite R471811 du chlorothalonil que l’Anses a déclaré non-pertinent après réexamen. Cette évolution aura néanmoins un impact moindre sur la charge de travail et la crédibilité des services dans la mesure où les arrêtés de dérogation n’avaient pas été préparés dans l’attente des conclusions de l’Anses (annexe 10). Cette instabilité conduit également les PRPDE à hésiter désormais à investir lourdement pour traiter des molécules qui pourraient ne plus être jugées pertinentes, d’autant que la technique de traitement peut s’avérer inopérante pour traiter des molécules nouvellement mises en évidence dans les eaux. Par exemple, une filière conçue pour traiter le S-métolachlore n’est pas adaptée pour gérer des concentrations élevées en chlorothalonil R471811. Confrontées à ce type de situation, elles sont enclines à attendre une stabilisation des connaissances avant d’engager les études préalables à un investissement. Ceci peut retarder le retour à la conformité et peut poser des problèmes de compatibilité avec l’échéance maximale de 6 ans prévue pour les dérogations (cf. infra et annexe 6). Les règles de gestion des non-conformités pour les métabolites non-pertinents La mise en œuvre des règles relatives à la gestion des non-conformités pour les métabolites non pertinents soulève des questions qui ne semblent pas avoir été identifiées par les administrations centrales pour ce qui concerne les substances actives interdites (annexe 6). La mission a récapitulé les règles applicables dans le tableau ci-dessous et souligne les difficultés qui risquent de se présenter dans les cas où la concentration dépasse la valeur indicative de 0,9 µg/l pour des métabolites non-pertinents de substances actives désormais interdites. En effet, dans ce cas, seules des mesures curatives peuvent permettre un retour à la conformité, solution qui requiert du temps (plusieurs années) et des financements importants. En l’état, le respect strict de la réglementation est parfois impossible, du fait que la prise de mesures est obligatoire dès confirmation d’une non-conformité. Ceci est le cas pour le chlorothalonil R471811 qui vient d’être classé non-pertinent, la valeur de gestion applicable passant de 3 µg/l à 0,9 µg/l. Nombre de PRPDE ne pourront respecter cette limite à court et moyen termes, compte tenu des concentrations mesurées (annexe 1) et des spécificités de traitement de ce métabolite (annexe 9), l’eau distribuée demeurant pendant ce délai non conforme, ce qui risque de provoquer l’incompréhension de la population concernée. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 52/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Statut administratif [Métabolite non pertinent] < 0,9 µg/l [Métabolite non pertinent] > 0,9 µg/l Eau conforme Eau non conforme Mesures de gestion Aucune mesure spécifique - - - - - Substance interdite Substance autorisée Risque d’impasse administrative le temps de mettre en place un traitement efficace (plusieurs années entre la conception, le financement et la réalisation) - - La gestion des non-conformités des eaux brutes Les modalités d’autorisation préfectorale d’utilisation d’une eau brute pour la production d’EDCH sont précisées par les articles R.13621-6 à R.1321-11 et R.1321-42 du CSP, dont le détail est présenté en annexe 6. Jusqu’à la directive relative aux EDCH de 2020, une procédure de dérogation était prévue pour encadrer l’utilisation d’eaux brutes ne respectant pas les valeurs réglementaires mentionnées supra. Désormais, il appartient au préfet d’accorder une autorisation exceptionnelle - le caractère « exceptionnel » n’étant pas précisé - par arrêté autorisant l’utilisation de la ressource concernée et de solliciter, s’il le juge utile, un avis du ministre en charge de la santé qui peut lui-même saisir l’Anses. Dans le cadre de l’enquête lancée par la mission auprès des ARS (annexe 12), 37 % des répondants ont indiqué un recours à des eaux brutes non-conformes pour le paramètre pesticide ou métabolite de pesticide. Cela correspond à 270 captages à l’échelle de la France, nombre probablement sous-estimé puisque les réponses sont fondées sur les résultats du contrôle sanitaire qui ne mesure pas encore partout les métabolites à l’origine de la plupart des dépassements actuels, en l’occurrence ceux de la chloridazone et du chlorothalonil (annexe 1). Au final, la mission fait le constat d’une réglementation peu explicite avec plusieurs renvois d’un article du CSP à un autre. Elle en fait l’interprétation suivante : les eaux brutes superficielles contenant des métabolites pertinents de substances actives désormais interdites qui dépassent le seuil de 2 µg/l, ne peuvent pas faire l’objet d’une autorisation exceptionnelle prévue à l’article R.1321-42, dès lors que la deuxième condition (plan de gestion de la ressource) ne peut être respectée. La gestion de la présence simultanée de plusieurs substances Depuis 202019 , la DGS recommande, en cas de présence simultanée de plusieurs molécules 19 Instruction n° DGS/EA4/2010/424 du 9 décembre 2010 relative à la gestion des risques sanitaires en cas de dépassement des limites de qualités des eaux destinées à la consommation humaine pour les pesticides, en application des articles R1321-26 à R1321-36 du code de la santé publique. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 53/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine d’appliquer la formule établie en juin 2007, par l’AFSSA (devenue Anses)20. La règle est fondée sur le calcul de la somme des rapports entre la concentration mesurée pour chaque molécule et la Vmax qui lui est associée. Si cette somme est supérieure à 1 ou si une Vmax est dépassée alors il convient de mettre en œuvre les mesures de gestion correspondant à la situation NC2 « ceci afin de tenir compte de l’additivité possible des effets de chaque pesticide ». La DGS a saisi le Haut conseil de la santé publique (HCSP)21 le 27 avril 2023 afin de savoir si cette formule pouvait être encore utilisée du fait du recours à des VST pour les pesticides ou les métabolites de pesticides pertinents pour lesquels la Vmax n’est pas connue. Le HCSP a notamment proposé « de limiter, dans la formule élaborée par l’Afssa, l’ajout d’une seule [valeur sanitaire provisoire] VSP22 à la somme des Vmax, en raison de l’impossibilité d’additionner des VSP entre elles du fait qu’elles sont issues d’une approche probabiliste ». La DGS considère « que cet avis ne modifie pas les recommandations portées par l’instruction du 20 octobre 2023 : la recommandation de restriction d’usage ne s’applique pas pour le cumul des molécules avec les VST, lorsque seules ces valeurs sont disponibles. Un autre projet de saisine, plus générale, du HCSP devrait être examiné dans le « groupe de consensus » et concernera des propositions d’évolution des modalités d’évaluation et de gestion du risque lié à la présence de pesticides et métabolites de pesticides, qui soient compatibles avec les exigences européennes et tiennent compte des enjeux sanitaires”. Cette saisine est intervenue le 2 janvier 2024. Lorsque le HCSP aura rendu son avis, il conviendra de proposer des mesures de gestion communes à l’ensemble des ARS qui aujourd’hui gèrent au cas par cas. La gestion des dépassements pour les substances ne disposant ni de Vmax, ni de VST Pour les pesticides dont la Vmax n’est pas disponible, l’instruction de 2020 précise que « il conviendra de solliciter […] un avis de l’Anses, qui évaluera (ou actualisera) l'impact sanitaire de la molécule considérée […] ou bien apportera un appui dans l’évaluation des risques sanitaires liés à une situation locale de contamination, le cas échéant. Dans l’attente du retour d’expertise de l’Anses et plus généralement, dans les cas où l’Anses ne sera pas en mesure de déterminer la Vmax d’une molécule en l’absence de VTR, il est recommandé de restreindre les usages de l’eau dès que le dépassement de la limite de qualité est confirmé ». Il est important de noter qu’il n’est en principe pas possible de substituer systématiquement la Vmax d’un métabolite ou sous-produit de dégradation ou de réaction par celle de la molécule mère sans expertise au niveau toxicologique, certains métabolites se révélant parfois plus toxiques que leur molécule-mère. L’instruction de 2022 est venue compléter ces dispositions en permettant le recours aux VST fixées par l’UBA. Dans la pratique, lorsqu’il n’existe ni Vmax, ni VST, certaines ARS peuvent être confrontées à cette situation et se retrouvent donc en difficulté de gestion puisque la mesure préconisée est une restriction d’usage sur une durée inconnue mais vraisemblablement longue. Pour ces situations de dépassement, faute de disposer des éléments d’expertise nécessaire compte tenu du degré de sollicitation de l’Anses et des moyens qu’elle peut consacrer à ces travaux, et pour ne pas faire porter la décision sur les ARS concernées par cette situation, il pourrait être envisagé de faire évoluer la doctrine de gestion, par exemple en reconsidérant une solution qui 20 L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a été saisie le 6 février 2001 d’une demande d'avis sur le dossier (anses.fr). 21 Conduite à tenir en cas de présence de plusieurs pesticides et métabolites pertinents de pesticides dans une eau destinée à la consommation humaine (hcsp.fr) 22 L’expression de VSP utilisée par le HCSP correspond à la VST Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 54/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine avait été proposée par la DGS dans la saisine adressée au HCSP le 22 décembre 202123 : « retenir la Vmax de la molécule mère en lui appliquant un facteur de sécurité de 5 ». [DGS et HCSP] Proposer aux agences régionales de santé des règles de gestion communes – y compris provisoires - pour les situations suivantes : i) Gestion des métabolites non pertinents des substances actives interdites ; ii) Gestion des non conformités portant sur des métabolites ne disposant pas de Vmax en retenant une valeur calculée à partir de la Vmax de la molécule mère ; iii) Gestion de la présence simultanée de plusieurs substances sur la base de l’avis à venir du Haut conseil de la santé publique. Dans un second temps, prévoir une révision du code de la santé publique pour faire converger les mesures applicables aux non-conformités des eaux brutes superficielles et souterraines. 2.3.2 À court terme, certaines dispositions réglementaires pourraient ne plus être applicables par les autorités publiques et les personnes responsables de la production et de la distribution d’eau Lorsque la concentration de substances actives et/ou de métabolites pertinents dans les eaux distribuées dépasse la valeur réglementaire de 0,1 µg/l, tout en étant inférieure à la Vmax (ou par défaut à la VST), le préfet peut accorder une dérogation dont l’instruction est confiée aux ARS (annexe 6). L’arrêté préfectoral, après avis du CODERST, fixe une valeur seuil dérogatoire et un plan d’actions comportant normalement des actions préventives (lorsque la substance active n’est pas interdite) et des mesures curatives visant à restaurer la qualité des eaux (annexes 8 et 9). La mission a constaté que les arrêtés sont hétérogènes selon les régions et qu’il n’existe pas de méthodologie commune aux différentes ARS pour fixer la valeur dérogatoire inscrite dans l’arrêté. Elle considère en conséquence qu’un modèle type d’arrêté de dérogation devrait être élaboré par la DGS, en concertation avec les ARS, dans lequel seules les variables seraient à renseigner (valeurs dérogatoires établies sur la base d’une méthode commune). L’amélioration des techniques de détection et l’allongement des listes de molécules recherchées, au titre du contrôle sanitaire, révèlent un état des eaux brutes dégradé (annexe 1). Cela entraine donc un nombre de situations de non-conformité croissant, que les services instructeurs vont avoir de plus en plus de mal à gérer, ce qui suppose d’adapter et de simplifier les procédures administratives (annexe 6). Compte tenu des délais de retour à la conformité, l’arrêté encadrant la dérogation pourrait être pris pour 6 ans avec des jalons de suivi annuels. En tout état de cause, au bout de 6 ans, l’autorisation exceptionnelle d’utilisation de l’eau brute non conforme ne devrait pas être reconduite. Par ailleurs, les situations de prélèvements d’eau brute non-conformes sont à régulariser dans les cas où une autorisation exceptionnelle peut être délivrée. Dans cette situation, la mission propose que ce soit fait dans le même arrêté que celui qui encadre la dérogation sur les eaux distribuées. Pour faciliter la gestion dans les départements confrontés à de très nombreuses demandes de dérogation, il semble pertinent de regrouper dans un arrêté unique les autorisations exceptionnelles d’utiliser une eau brute non-conforme et les dérogations relatives aux non conformités des eaux distribuées. La PRPDE ne présenterait alors qu’une seule demande. Enfin, la mission a constaté que la plupart des arrêtés de dérogation étaient laconiques en matière 23 Gestion des risques sanitaires liés aux pesticides et métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine (hcsp.fr) – voir la saisine en annexe de l’avis du HCSP en date du 18 mars 2023. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 55/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine de mesures préventives, ce qui n’est pas de nature à mobiliser les PRPDE. La collaboration à renforcer entre l‘ARS et la DDT(M), qui dispose de l’expertise sur les actions préventives liées aux activités agricoles, doit se concrétiser également dans l’instruction des demandes de dérogation. Celle-ci doit englober les actions préventives déjà engagées ou à initier sur l’AAC (chapitre 3). L’annexe 6 décrit les difficultés administratives pour les PRPDE qui doivent élaborer un ou plusieurs dossiers de demande de dérogation et pour les services instructeurs. Ces difficultés risquent de s’accumuler en même temps que le nombre de demandes de dérogation augmente. La mission propose donc une adaptation du dispositif actuel dont le détail figure en annexe et formule la recommandation ci-après. [DGS] Fournir aux ARS un modèle type d’arrêté de dérogation (et une méthodologie pour fixer la valeur dérogatoire). [ARS] Autant que possible, regrouper l’ensemble des autorisations exceptionnelles et des dérogations relevant d’une même PRPDE dans un seul acte administratif. [Préfets, ARS et DDT(M)] Lorsque le captage fait l’objet d’un arrêté ZSCE avec un programme d’actions, cibler l’arrêté de dérogation sur les seules mesures curatives. Dans le cas contraire, confier à la DDT(M) la rédaction du volet de l’arrêté préfectoral instaurant le plan d’actions préventif, l’ARS restant chargée de fixer la valeur de gestion et les mesures curatives. L’analyse des quelques plans d’actions adressés à la mission révèle leur insuffisance en matière préventive (annexe 6) pour espérer une amélioration réelle et rapide dans le délai maximal de 6ans fixé par la directive de 2020, et repris dans la réglementation nationale. Ceci fait craindre la survenue de situations d’impasse pour nombre de situations de non-conformités à l’issue du délai (annexe 6). L’augmentation des non-conformités et les difficultés que poseraient des restrictions d’usage généralisées mettent l’ensemble des acteurs sous tension (annexe 6) et peuvent conduire à des pratiques d’adaptation ou de contournement qui posent question : par exemple, une méthode de quantification des dépassements en recourant à des moyennes de concentrations plutôt qu’aux concentrations elles-mêmes ou l’intégration retardée dans le contrôle sanitaire de molécules dont la surveillance du milieu indique pourtant la présence, comme dans le cas du chlorothalonil R471811, non suivi dans quatre régions dont trois concernées par des zones de grandes cultures (annexe 1). Enfin, la mission estime probable la généralisation des situations où les concentrations mesurées excèdent les limites permettant d’accorder une dérogation. Afin d’apporter une réponse opérationnelle à l’une d’entre elles (en l’occurrence les dépassements des VST applicables aux métabolites du chlorothalonil et de la chloridazone dans la plaine de Caen décrits en annexe 1), le directeur général de la santé a signé une instruction le 20 octobre 202324 qui conclut que les règles prévues par les instructions de 2020 et 2022 peuvent ne pas être appliquées et donc que la restriction des usages n’est plus systématique en situation NC2. Cette décision est expliquée par différents arguments dont le fait que ces mesures de gestion sont basées sur le principe de précaution et que d’autres États membres ont pu faire des choix différents. L’analyse de la balance bénéfice-risque a pris en compte les conséquences réelles qu’aurait pu présenter un moindre accès à l’eau potable. Cette instruction prévoit par ailleurs la mise en œuvre de mesures dont l’efficacité n’est pas certaine (saisine de l’Anses, sollicitation de la Commission européenne, actions locales de remédiation et information des consommateurs). 24 Instruction n° DGS/EA/2023/160 du 20 octobre 2023 relative à la gestion des risques sanitaires en cas de présence de pesticides et métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine, à l’exclusion des eaux conditionnées. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 56/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Au-delà du fait qu’elle engage la responsabilité des autorités sanitaires nationales et régionales, la mission considère cette instruction comme une « fuite en avant » rendue inéluctable par des procédures d’approbation des substances actives insuffisamment protectrices (annexes 3, 4 et 10) et des politiques de protection des captages et de prévention qui ne sont pas assez ambitieuses au vu des enjeux de préservation de la santé humaine et des milieux (annexes 7 et 8). 2.4 L’information des consommateurs sur les non-conformités, bien qu’obligatoire, est inégale et souvent incomplète L’information des consommateurs est prévue par la réglementation, d’une manière générale et en cas de dérogation. L’article 17 et l’annexe IV de la directive de 2020 prévoient les modalités d’information du public. Les États membres doivent veiller à ce que toutes les personnes approvisionnées en EDCH disposent d’un lien vers le site internet présentant les informations indiquées à l’annexe IV et reçoivent les informations suivantes au moins une fois par an : qualité des eaux, prix, données de consommation. Cette annexe précise par ailleurs notamment, qu’en cas de danger pour la santé humaine résultant d’un dépassement des valeurs réglementaires, des informations sur les risques pour la santé humaine, assorties de conseils en matière de santé ou de consommation, doivent être fournies. Au niveau communautaire et dans un souci de transparence, la mission recommande que la France propose que la liste des substances actives et de leurs métabolites (ainsi que leur caractère pertinent ou non-pertinent), suivis dans chaque État membre au titre du contrôle sanitaire, soit publiée sur le site Internet de la Commission. Au niveau français et s’agissant des non-conformités, l’article R.1321-36 du CSP prévoit l’information « rapide et de manière appropriée » par la PRPDE de la population concernée par une dérogation. Elle a également la charge de faire connaitre aux populations spécifiques les risques éventuels associés à cette dérogation (annexe 6). L’analyse de la situation actuelle faite par la mission et les réponses apportées par les ARS au questionnaire révèlent les difficultés de communication inhérentes au processus de dérogation : possibilité de consommer une eau dite non-conforme (> 0,1 µg/l), coexistence de différentes valeurs et notamment la valeur dérogatoire de l’arrêté préfectoral et la VST ou la Vmax, maintien d’une distribution alors que la VST est dépassée, abaissement de la valeur de gestion de 3 µg/l à 0,9 µg/l lorsqu’un métabolite devient non pertinent. Il conviendrait pour l’ensemble de ces sujets que le ministère chargé de la santé mette à jour les éléments de langage existants - mais obsolètes pour certains d’entre eux - afin de permettre une communication harmonisée. Le consommateur dispose des informations qui lui sont fournies par la PRPDE et son délégataire éventuel (responsables au sens de l’article R.1321-36 du CSP). L’information produite peut être de qualité, mais est variable selon les PRPDE et en particulier selon leur taille. La mission s’est aussi intéressée aux données mises à la disposition du public via quatre outils : le site data.gouv.fr25, le site du ministère de la santé26, le site atlasante.fr27 et les info-factures. 25 Résultats du contrôle sanitaire de l'eau du robinet - data.gouv.fr 26 Qualité de l'eau potable - Ministère du travail, de la santé et des solidarités (sante.gouv.fr) 27 La qualité de l'eau dans votre commune (infofactures) (atlasante.fr) : Atlasante.fr est un portail géographique des Agences régionales de santé, du ministère de la Santé et de la Prévention et plus globalement de l'ensemble des acteurs de la santé qui a pour objectifs de centraliser l’information géographique de santé entre les ARS, les services de l’État, les collectivités locales et les établissements publics et de mettre en place les outils nécessaires au partage de ces données aux acteurs de la santé, ainsi qu’avec le grand public. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 57/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Le premier site permet un accès complet en open data aux données du contrôle sanitaire, mais ne saurait être considéré comme une information du public telle que prévue par les textes, compte tenu de la faible lisibilité, pour le grand public, des informations fournies. L’ergonomie du site Internet du ministère de la santé qui reprend les résultats obtenus au titre du contrôle sanitaire pour les rendre plus accessibles au grand public pourrait être améliorée. En effet, un consommateur qui souhaite connaître les résultats du contrôle sanitaire doit consulter plusieurs bulletins afin de disposer d’une vision complète des paramètres suivis et des résultats obtenus. Le site atlasante.fr permet d’accéder de manière très aisée aux info-factures28 commune par commune. En revanche, le niveau d’information des différentes info-factures consultées par la mission est inégal et ne permet pas toujours d’avoir une idée très précise de la situation en matière de contamination des eaux par des pesticides ou des métabolites. À cet égard, la mission souhaite mettre en avant les documents produits dans le département de l’Aisne, qui proposent une description très précise. [DGS, ARS et PRPDE] i) Améliorer l’ergonomie du site Internet du ministère de la Santé et de la Prévention pour que les usagers puissent accéder plus directement aux résultats du contrôle sanitaire dans leur commune ; ii) Publier sur le site de chaque ARS et sur le site du ministère de la Santé et de la Prévention la liste des molécules recherchées au titre du contrôle sanitaire ; iii) Proposer un modèle unique d’info facture plus détaillée et permettant au consommateur de connaître les pesticides et métabolites de pesticides responsables des non-conformités et les valeurs maximales mesurées. [ARS] Veiller à ce que toutes les PRPDE respectent leurs obligations d’information des consommateurs en cas de situation d’EDCH non conformes. 28 Il existe un modèle commune proposé par la note d’information du 19 juillet 2019. La fonctionnalité "Publier les infofactures" est désormais disponible dans le module « Rapports Locaux » d’Aqua-Sise. Les ARS l’utilisent progressivement. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 58/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine 3 Des mesures curatives et préventives sont indispensables pour répondre au défi de la qualité des EDCH La surveillance et le contrôle des EDCH montrent (annexe 1) que les mesures préventives s’avèrent actuellement clairement insuffisantes pour assurer la distribution d’EDCH conformes aux règles de qualité. Des actions curatives s’imposent à court terme, mais elles ne peuvent pas être la seule voie. La politique de préservation de la qualité des ressources utilisées pour produire des EDCH doit être améliorée pour préserver l’avenir dans un contexte de dérèglement climatique où les enjeux de qualité et de quantité sont étroitement liés. Les leviers les plus efficaces sont à privilégier et à concentrer sur les secteurs où les enjeux de qualité sont les plus forts. 3.1 Des PRPDE contraints de mettre en œuvre des mesures curatives à court terme Dès lors qu’une non-conformité est avérée, la PRPDE doit mettre en œuvre des mesures pour respecter les normes de qualité sous peine de carence fautive29. En outre, lorsque l’usage des molécules présentes dans les eaux n’est plus autorisé, seules des mesures curatives peuvent être mises en œuvre. La substitution ou la dilution d’une ressource par une autre moins contaminée sont largement utilisées depuis de nombreuses années. Ainsi, environ 15 % des captages ont été abandonnés, sur la période 1980-2019, en raison de la dégradation de la qualité de la ressource en eau, due, dans 41 % des cas, à des teneurs excessives en nitrates et pesticides (annexe 7). Dans le contexte de l’ampleur des contaminations des eaux brutes par les métabolites de pesticides et du dérèglement climatique, le changement de ressource est désormais plus difficile à mettre en œuvre. De même, la dilution de ressources différentes ne peut plus être considérée comme une réponse systématique aux situations de non-conformité. L’émiettement des structures de gestion, qui se traduit par une insuffisante interconnexion des réseaux, limite les possibilités de dilution dans certains secteurs. Les concentrations en métabolites sont telles qu’il faudrait diluer dans un rapport de 1 à 20, voire 30, pour respecter les limites réglementaires. La mission a constaté que certaines PRPDE y ont recours à titre temporaire, mais sont en difficultés dès lors qu’il faut gérer l’augmentation de la demande en période estivale. 3.1.1 L’efficacité des filières de traitement varie selon les molécules à traiter et leur concentration Les procédés « classiques » de traitement de l'eau (floculation/décantation, filtration sur sable, oxydation conventionnelle) sont assez inefficaces sur la plupart des pesticides et leurs métabolites. Seuls les procédés d'oxydation poussée couplant l’ozone et un activateur, et/ou les procédés d'adsorption sur charbon actif, et surtout les procédés de filtration sur membranes, présentent une efficacité plus ou moins importante selon les propriétés physico chimiques des molécules. Ces procédés sont présentés en annexe 9. Le choix de la filière de traitement ne peut être réalisé qu’au cas par cas à l’issue d’une étude de faisabilité technico-économique. En effet, le choix du procédé dépend des molécules à traiter et de 29 Une jurisprudence récente a reconnu la carence fautive d’un syndicat compétent pour la distribution d’eau potable du fait de son inaction face à la mauvaise qualité de la ressource (TA Amiens, 4 février 2021, n° 1901791). Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 59/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine la variation des flux de contaminants. Des stations provisoires peuvent être installées en quelques mois, mais leur coût de fonctionnement sur une longue durée est plus important que celui d’une station pérenne. Elles ne sont généralement envisageables qu’à titre transitoire. Si les procédés de traitement des substances actives de pesticides sont maitrisés et efficaces, le traitement des métabolites était, jusqu’à récemment, mal connu et peu performant. De plus, la diversité des métabolites limite l’efficacité des solutions de traitement dès lors qu’il s’agit de molécules très hydrophiles et au spectre de traitement étroit. Si des solutions alternatives comme la biodégradation in situ ouvrent des perspectives à plus long terme, les procédés par charbons actifs ou membranes s’avèrent actuellement les plus efficaces. Les traitements d’adsorption sur charbon actif permettent d’obtenir des rendements significatifs d’élimination des métabolites qui étaient les plus détectés jusqu’à ces dernières années. Toutefois, le rendement est variable. En effet, une molécule est d’autant plus adsorbable sur charbon actif que sa masse est élevée, qu’elle est hydrophobe, peu polaire et peu soluble. Les procédés à base de charbon en poudre (CAP) ou en micro-grains (CAµG) sont plus efficaces et pérennes que la filtration sur charbon en grains (CAG). Cela tient au fait que le charbon actif est renouvelé en continu. Ainsi, les rendements d’élimination varient fortement pour les métabolites ESA et OXA du métolachlore. La capacité d’adsorption de ceux de la chloridazone est bonne à condition de renouveler plus ou moins souvent les CAG ou d’adapter les dosages de CAP ou CAµG aux concentrations de métabolites. Le traitement de ces métabolites ne semble donc pas constituer un obstacle majeur sur le plan technique. En revanche, le chlorothalonil R471811 s’adsorbe 10 fois moins sur les charbons actifs que la chloridazone desphényl et 4 fois moins que l’ESA métolachlore. Selon les retours d’expérience présentés en annexe 9, pour une concentration comprise entre 0,1 et 0,5 µg/l, la filtration sur CAG constitue une solution acceptable pour les plus petites unités productrices. Pour les usines déjà en place, une solution de réacteur CAµG est techniquement préférable et acceptable pour une concentration comprise entre 0,5 et 0,9 µg/l. La mission note que, sous réserve d’avoir optimisé le carbone organique dissous, la plupart des PFAS sont également éliminés par les CAP et CAµG. Les techniques de traitement membranaire avancé (osmose inverse, nanofiltration) offrent les meilleures performances notamment lorsque de nombreux paramètres sont à abattre simultanément. Les rendements d’élimination sont constants quelle que soit la concentration en métabolites. Pour le chlorothalonil R471811 qui est le plus difficile à éliminer, la nanofiltration permet d’atteindre 0,1 µg/l pour une concentration initiale comprise entre 0,9 et 1,5 µg/l. Pour une concentration supérieure à 1,5 µg/l, seule l’osmose inverse basse pression (OIBP), combinée avec du CAG en finition, permet d’obtenir 95 à 99 % de rétention. Un complément de traitement en aval par du CAG assure également de bons résultats sur les métabolites de la chloridazone moins bien éliminés par les membranes. Les principales contraintes de cette technique sont la consommation d’énergie, les pertes en eau et la gestion des produits de sortie. La mission note que la filtration membranaire permet d’anticiper l’émergence de métabolites plus hydrophiles et mobiles que ceux de la génération actuelle. Elle permet aussi un abattement supérieur à 95 % pour les PFAS. 3.1.2 Les techniques de traitement et leurs coûts vont impacter le prix de l’eau Le choix économique de la filière de traitement est influencé par la taille des installations, la nature et les concentrations des molécules à éliminer, la qualité de la ressource à traiter et les contraintes de localisation géographique. C’est pourquoi, chaque PRPDE doit réaliser une analyse coûts/bénéfices à une échelle de temps suffisante pour supporter les coûts d’investissement et de fonctionnement. La mission a constaté que si certaines agences de l’eau ont une connaissance Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 60/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine partielle de ces coûts, ce n’est pas le cas des ARS. L’annexe 9 présente des éléments de coûts fournis par plusieurs PRPDE. Pour un même volume d’eau à traiter, le coût d’investissement d’un traitement par charbon actif est moins élevé que celui d’une filière membranaire. Les coûts d’exploitation sont également moindres pour les unités à charbon actif. Globalement, le traitement par charbon actif est entre 2 et 3 fois moins cher que le traitement membranaire. Comme le montre le graphique ci dessous, cet écart de coût s’accentue pour les plus petites unités, l’économie d’échelle étant plus marquée pour les filières membranaires. À titre d’exemple, pour un très gros service comme le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (SEDIF), le surcoût d’un investissement en OIBP est estimé entre 0,30 et 0,40 €/m3. Cela représente une hausse de 20 à 26 % et une augmentation de la facture d’eau de 36 à 48 €/an pour un foyer moyen. Pour un service de petite taille, le surcoût serait très élevé avec une filière membranaire (au-delà de 1 €/m3). Avec une filière à charbons, le surcoût varie surtout avec les concentrations à traiter. 3.1.3 Le financement des solutions curatives Par leur facture d’eau, les consommateurs supportent en totalité les coûts de fonctionnement des unités de traitement, l’amortissement des investissements après déduction des aides publiques et les frais financiers des emprunts. Nombre des PRPDE rencontrées par la mission s’insurgent contre le fait que ce soient les usagers qui aient à supporter le coût de pollutions dont ils ne sont pas responsables et s’interrogent sur le consentement futur de leurs abonnés à payer. En outre, les services d’eau en milieu rural disposent d’une densité d’usagers moindre et donc de Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 61/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine capacités de financement plus faibles que les services des zones urbaines. La mission a constaté que cette « fracture territoriale » se reflète dans le prix de l’eau qui varie selon la taille des services en nombre d’habitants desservis30, mais également selon les secteurs géographiques. Ainsi, les départements de l’Aisne (2,55 €/m3), de l’Oise (3,07 €/m3), du Calvados (2,49 €/m3) particulièrement touchés par les métabolites de pesticides, présentent des prix moyens plus élevés que la moyenne nationale (2,13 €/m3). Afin de réduire la charge supportée par les consommateurs, des aides publiques peuvent être accordées pour contribuer au financement des investissements. Au cours des cinq premières années des 11èmes programmes d’intervention, 5 des 6 agences de l’eau ont attribué des aides à 21 projets d’unités de traitement d’EDCH (dont 60 % en Seine-Normandie) pour un montant cumulé de 10,8 M€ de subventions et 4,6 M€ d’avances remboursables (annexe 9). La mission a constaté que toutes les agences conditionnent ces aides à la mise en œuvre d’un plan de protection des ressources. Les orientations fixées par le ministre de la Transition écologique pour les 12èmes programmes 2025-2030 ne mentionnent pas explicitement l’aide au traitement des EDCH. Compte tenu de la situation, la mission considère que les agences doivent pouvoir continuer à financer des mesures curatives, dès lors qu’un plan d’action préventif est également mis en œuvre sur l’aire de captage. Afin de donner la priorité au financement des investissements en zone rurale, où l’impact sur le prix de l’eau sera le plus important, la mission note l’intérêt de coupler un critère de solidarité territoriale technico-financier (par exemple le nombre de m3 d’eau distribuée/km de réseau) à un zonage selon les besoins des territoires. De même, la mission juge utile de conditionner l’aide à un prix minimum de l’eau, par exemple en référence au prix moyen départemental. Le taux d’intervention de chacune des agences serait établi dans une fourchette permettant d’optimiser au mieux les effets de levier avec les autres aides publiques. Compte-tenu de la répartition géographique des concentrations en métabolites (annexe 1), l’agence de l’eau Seine-Normandie sera la plus sollicitée. Comme les capacités de financement des agences sont liées au principe pollueur-payeur, la mission invite les départements ministériels concernés à augmenter les taux de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) et à élargir son assiette aux substances actives utilisées en biocides. En matière d’investissements liés à l’eau, la mission a constaté que la quasi-totalité des préfets de départements mobilisent la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et, à un degré moindre, la dotation de solidarité pour l’investissement local (DSIL), pour un montant total de 45 M€/an. À titre d’exemple, les projets d’interconnexion ou d’unités de traitement sont aidés au taux de 35 à 55 % dans l’Aisne. A l’inverse, ces opérations ne sont plus éligibles dans le Calvados. Compte-tenu de l’intérêt de ces aides, la mission souligne l’importance de préciser dans l’instruction ministérielle sur les règles d’emploi des dotations pour l’année 2025 que l’investissement dans des unités de traitement ou des réseaux d’interconnexion constitue une priorité d’affectation de la DETR/DSIL dans les départements touchés par des concentrations élevées en métabolites de pesticides. La mission a noté, dans la stratégie Ecophyto 2030 présentée le 06 mai 2024, la contribution de 20 M€ apportée par le ministère chargé de l’agriculture, sur des crédits de planification écologique, pour participer au financement des investissements de traitement des EDCH. Cette contribution devrait être mise en œuvre par les préfets. Si nécessaire, son montant devrait être ajusté au vu des résultats des études technico-économiques préalables aux choix d’investissements. 30 Tous services confondus, au 1er janvier 2021, le prix global moyen de l'eau potable était de 2,13 €/m3 (taxes et redevances incluses). Les services desservant de 1 000 à 10 000 habitants sont ceux qui affichent les tarifs les plus élevés (2,35 €/m3 en moyenne). Les grands services qui distribuent de l’eau à plus de 100 000 habitants pratiquent les tarifs les plus bas (1,95 €/m3 en moyenne). Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 62/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine De nombreux conseils départementaux soutiennent les projets des communes et des intercommunalités dans le domaine de l’eau. Dans le cadre de la prise de compétence obligatoire des EPCI sur l’eau potable en 2026, le projet de loi d’orientation agricole présenté en avril 2024 prévoit (article 18) que les EPCI ou les syndicats mixtes compétents puissent déléguer la maîtrise d’ouvrage au conseil départemental sur tout ou partie de la compétence production, transport, stockage, distribution d’eau potable. La mission estime que ces dispositions viennent à propos pour compenser le déficit de compétences techniques et de capacité de financement des plus petits EPCI. La Banque des Territoires dispose d’une enveloppe de 4 Mds€ sur la période 2023-2028 pour des « aquaprêts », au taux du livret A +0,4 % ou à taux fixe suivant un barème mensuel. Ces prêts peuvent être mobilisés par les PRPDE sur une durée allant jusqu’à 60 ans pour financer des unités de traitement d’EDCH. Globalement, la mission a toutefois constaté que, dans les départements où la situation est la plus critique, les taux d’aides publiques s’avèrent insuffisants pour répondre aux enjeux du traitement curatif. Elle estime qu’il serait utile de préciser dans une convention conclue entre le préfet au nom de l’État, le conseil départemental et la ou les agence(s) de l’eau concernée(s), les conditions respectives d’intervention financière pour apporter une réponse coordonnée et rapide aux demandes de soutient des PRPDE. C’est pourquoi, elle formule la recommandation suivante à l’attention des différents financeurs : [DGALN, DGCL, DGPE, agences de l’eau et banque des territoires] Apporter un financement public aux investissements de traitement à un taux d’autant plus élevé que la densité de population desservie est faible, par un co-financement pouvant atteindre 80 % de subvention, assuré par l’État (via la DETR/DSIL et les crédits de planification écologique), l’agence de l’eau, et le conseil départemental au titre de sa compétence de solidarité territoriale. Le solde du financement serait assuré par un prêt à très long terme (type « aquaprêt » de la banque des territoires). 3.2 Le dispositif de protection des captages et de leurs aires d’alimentation, complexe et peu efficace, est à revoir La France compte environ 33 000 captages sur lesquels sont prélevés 18 Mm3/jour pour produire des EDCH. Deux tiers sont en eaux souterraines et un tiers en eaux superficielles. Les pollutions diffuses constituent le principal motif de fermeture des captages. Les captages les plus affectés par des pollutions diffuses font l’objet, depuis 2009, d’un suivi national. Les SDAGE 2022-2027 répertorient ainsi 1 398 captages prioritaires, soit une augmentation de 24 % par rapport aux SDAGE précédents. Cette liste devrait être élargie, en 2024, lorsqu’un arrêté interministériel aura défini la méthode pour déterminer les points de prélèvement sensibles institués par la directive 2020/2184. La mission note que ce nombre pourrait être de l’ordre du triple de celui des captages prioritaires. La protection des ressources en eau destinées à produire des EDCH relève de deux procédures distinctes et de quatre codes différents31. De fait, des mesures portent sur les aires d’alimentation des captages (AAC), d’autres concernent les périmètres de protection (PP) de ces captages. Des zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE) peuvent être créées à l’échelle des AAC présentant un enjeu particulier pour l’approvisionnement actuel ou futur en eau potable. Cette 31 Le code général des collectivités territoriales (CGCT), le code de la sante publique (CSP), le code de l’environnement (CE) et le code rural et de la pêche maritime (CRPM). Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 63/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine situation constitue un facteur de complexité et d’inefficience, alors que la contrainte quantitative qui s’accroit avec le dérèglement climatique, renforce l’enjeu lié à la prévention de la dégradation de la qualité des ressources. La légitimité des collectivités PRPDE à agir sur les AAC a été renforcée en 2019 et la directive 2020/2184 les oblige désormais à déployer des plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) pour garantir la qualité de l'eau de la ressource jusqu'au robinet du consommateur. 3.2.1 La préservation de la qualité des ressources en eau est en échec pour ce qui concerne les pesticides Renforcer le dispositif de déclaration d’utilité publique sur les périmètres de captages Régie par le code de la santé, la procédure de déclaration d'utilité publique (DUP) permet de déterminer des périmètres de protection (immédiat, rapproché, éloigné) autour du captage et de le protéger contre toutes les pollutions. La mission constate, qu’en 2021, seuls 80 % des captages bénéficiaient d'une protection par DUP. L’arrêté de DUP permet de prescrire des servitudes pour maîtriser les pollutions diffuses sur les PPR. La mission a constaté que là où de tels arrêtés le prévoient pour les produits phytosanitaires, les servitudes sont jugées efficaces (annexe 7). Elle préconise d’inscrire dans les nouveaux arrêtés de DUP des servitudes sur l'affectation ou l'utilisation des sols (obligation de boisement, de création ou maintien de prairie, d'agriculture biologique, de cultures à bas niveau d’intrant) et les pratiques agricoles (plafonnement des quantités de produits phytosanitaires, pratique du désherbage mécanique…). Pour les DUP en cours, la mission juge utile d’enclencher, au cas par cas, une procédure de « révision simplifiée » dès lors que cela ne remet pas en cause les périmètres de protection concernés. Cette révision pourrait avantageusement intervenir en parallèle d’une modification de l’arrêté préfectoral d’autorisation de prélèvement. En outre, la mission a observé que l’efficacité des DUP serait renforcée par une meilleure coordination entre l’ARS qui prépare l’arrêté de DUP et la DDT(M) en charge de l’arrêté d’autorisation de prélèvement, et qui possède l’expertise agricole. L’article L 1321-3 du CSP reconnaît le droit à indemnisation pour les propriétaires et les exploitants des terrains soumis à des restrictions d’usage, ce qui concourt à leur acceptation. La mission constate que ces indemnités, subventionnées par les agences de l’eau et qui ne sont pas considérées comme une aide agricole, sont bien acceptées par les bénéficiaires. Recourir aux zones soumises à contrainte environnementale pour hâter la reconquête de la qualité de l’eau sur les AAC Des actions de prévention sont également mises en œuvre par les PRPDE à l’échelle des AAC en application de l’article 7 de la directive cadre sur l’eau. Les PRPDE peuvent ainsi engager des études pour délimiter les AAC, et réaliser un diagnostic territorial des enjeux environnementaux, sociaux et économiques, des filières et des acteurs, en complément du diagnostic territorial des pressions et émissions agricoles. À partir de ce diagnostic, un plan d’action pour reconquérir la qualité de l’eau est établi. La PRPDE associe les acteurs du territoire au sein d’un comité de pilotage (COPIL) chargé d’élaborer puis de suivre la mise en œuvre du plan d’action. Une instruction des trois ministères en charge de l’écologie, l’agriculture et la santé, en date du 5 février 2020, a fixé l’objectif d’engager un plan d’action sur tous les captages prioritaires avant fin 2021. Selon EauFrance, en 2021, seulement 1 150 AAC étaient recensées (3,5 % du total des captages) dont 60 % de celles des captages prioritaires qui, selon Chambres d’Agriculture de France, couvriraient environ 2 Mha de surface agricole utile (7 % de la SAU totale), sachant que les 2 % de très grandes AAC (correspondant en général à des prélèvements en eau superficielle) couvrent à elles seules plus de la moitié de cette SAU. La mise en œuvre des plans d’action peine Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 64/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine à se concrétiser, y compris dans les AAC de captages prioritaires, puisqu’en août 2023, selon la direction de l’eau et de la biodiversité, seuls 60 % des captages prioritaires des SDAGE 2016- 2021 disposaient d’un plan d’action validé. Pour 15 % de ces captages, le plan était en cours, mais pour 20 % son élaboration n’était pas engagée. Cette politique bénéficie pourtant d’un appui important des agences de l’eau qui accompagnent les maîtres d'ouvrage pour mener les études de délimitation de l’aire d’alimentation et de zonage des vulnérabilités du territoire, caractériser les pressions qui s’y exercent et leurs impacts sur la ressource, ainsi qu’établir le diagnostic socio-économique du territoire. Des initiatives diverses de contractualisation ont été prises dans les bassins pour soutenir la conception et la mise en œuvre des plans d’action que les agences aident à des taux qui atteignent 70 à 80 % sur les territoires prioritaires du SDAGE (annexe 7). Lorsqu’ils existent, ces plans d’action à base de mesures volontaires consistent en une compilation de mesures sur les pratiques, mais sans démarche d’ensemble de transition des systèmes de culture dans les zones les plus impactantes de l’AAC vers des cultures à bas niveau d’intrants sur la ressource en eau. Ils ne permettent pas, le plus souvent, d’obtenir des résultats tangibles en matière de reconquête de la qualité des eaux pour les pesticides, ainsi qu’en attestent les évaluations qui ont été effectuées (annexe 7). Leur rapport coût-efficacité n’est pas bon pour améliorer la qualité de l’eau. Les services de l’État assurent un suivi qui porte plus sur l’avancement des procédures que sur les actions déployées et encore moins sur leur efficacité. Toutefois, malgré leurs limites, l’appréciation largement partagée est que la situation serait pire en l’absence de ces plans d’action. Si les actions volontaires visant à lutter contre les pollutions diffuses ne sont pas suffisantes ou si le taux de pollution dépasse le maximum réglementaire, les articles L. 211-3 du code de l’environnement et R. 114-1 à R. 114-10 du code rural permettent au préfet de délimiter une zone soumise à contraintes environnementales (ZSCE) dans l’AAC concernée et d’établir sur cette zone un programme d’actions obligatoires pour reconquérir la qualité de l’eau. La mission note que, selon une enquête de Chambres d’agriculture de France, réalisée en 2019, seulement un quart des plans d’action finalisés sur des AAC de captages prioritaires étaient mis en œuvre dans le cadre d’une ZSCE. Le programme d’action de la ZSCE a une durée de trois ans. La PRPDE peut demander au préfet de traduire réglementairement certaines mesures du plan d’action qu’elle met en œuvre en les inscrivant dans le programme d’actions qu’il arrête. Si ses services constatent que les objectifs fixés ne sont pas atteints, le préfet peut rendre obligatoires certaines mesures, dans les délais et les conditions qu'il fixe par arrêté. Il s’agit notamment de limiter ou d’interdire certaines occupations des sols et l'utilisation d'intrants de synthèse. La mission a constaté que cette démarche a montré son efficacité pour les nitrates. Elle n’a pourtant pas identifié de ZSCE sur lesquelles des mesures obligatoires ont été imposées pour les produits phytopharmaceutiques. Elle observe que l’opportunité de mobiliser le levier ZSCE ainsi que son efficacité ne font pas consensus y compris au sein des PRPDE, notamment parce qu’il n’est pas possible de compenser des coûts engendrés par des mesures rendues obligatoires. Le Plan eau de mars 2023 (mesure n°28) prévoit la mise en place automatique de la démarche ZSCE en cas de dépassement des seuils de qualité des EDCH pour une substance active toujours autorisée, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité. La mission considère que les ZSCE comportant des mesures obligatoires de restriction, voire d’interdiction, de l’usage des produits phytopharmaceutiques en cas de dépassement des seuils de qualité, sont indispensables sur les AAC de captages prioritaires et sensibles. Elle estime que le dispositif pourrait prospérer si des indemnités compensatoires de contraintes environnementales (ICCE) venaient aider les agriculteurs sur une Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 65/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine période limitée et de façon dégressive. Pour ce faire, la mission propose d’ouvrir la mesure 72 du règlement européen des plans stratégiques nationaux de la PAC « désavantage spécifique à une zone résultant de certaines exigences obligatoires », ou à défaut de notifier une mesure similaire en tant qu’aide d’Etat au titre des « Aides destinées à compenser les désavantages liés à la directive-cadre sur l’eau32 ». [DGALN, DGPE, DGAL, DGS, préfets, ARS et DDT(M)] Instituer une ZSCE et mettre en place par arrêté un programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats sur toutes les aires de captages en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites, en complément des mesures du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité. En cas de non atteinte des objectifs de qualité à l’issue du premier plan, mettre en place par arrêté, et sans délai, un programme de mesures obligatoires de restriction voire d’interdiction d’usages des produits phytopharmaceutiques en dépassement des limites de qualité sur ces AAC, accompagné d’indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés. 3.2.2 La politique de protection des captages est à refonder La directive 2020/2184 oblige désormais les collectivités PRPDE à disposer de plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) pour garantir la qualité de l’eau de la ressource jusqu’au robinet du consommateur. L’obligation de mettre en œuvre, d’ici juillet 2027, un volet ressource dans le cadre du PGSSE devrait inciter les PRPDE et les autorités publiques locales à intensifier conjointement leurs interventions. En effet, depuis 2020, la situation des captages ne cesse de se dégrader. L’eau produite à partir de nombreux captages fait ou pourrait faire l’objet de restrictions, voire d’interdiction de consommation, pour tout ou partie de la population d’un territoire, en raison notamment des taux de métabolites de pesticides. Face à ce constat d’insuffisance de la politique de protection des captages, une accélération de la mise en œuvre de plans et programmes d’action plus ambitieux est indispensable. Attendre fait subir à l’ensemble des financeurs et aux consommateurs d’eau une période de « double peine » consistant à payer en même temps le curatif devenu indispensable à court terme et le préventif nécessaire pour l’avenir. Cela nécessite de faire converger les modes opératoires portant sur les périmètres de protection qui dépendent du code de la santé publique et ceux définis pour les zones d'alimentation qui relèvent du code de l'environnement et du code rural. Force est de constater que la juxtaposition des outils et des procédures n'a fait l'objet d'aucune amélioration structurelle à la suite des propositions formulées en 2014 par les inspections (annexe 7). Plusieurs PRPDE ont évoqué devant la mission les difficultés que leur pose cette situation. La mission estime qu’il convient de rapprocher les logiques et les procédures, les moyens et les intervenants. Elle considère que cela devrait se traduire par une procédure unique de protection des captages et de leur aire d’alimentation. Concrètement, lorsque la procédure au titre du CSP est en cours (que ce soit dans le cadre d’une procédure initiale de DUP ou dans le cadre de la révision des PPC), il s’agit d’articuler les démarches en délimitant conjointement l’AAC et les PPC. Cela signifie qu’il y a lieu de réviser la DUP des PPC lorsqu’elle est antérieure à la démarche AAC. Des exemples récents de révision de 32Une telle mesure viserait à indemniser les agriculteurs pour les surcoûts et pertes de revenus occasionnés par des obligations liées à l’application d’un plan de gestion sur les aires d’alimentation des captages contaminés par les pollutions diffuses d’origine agricole définies dans les SDAGE. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 66/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine DUP montrent l’intérêt d’identifier les parcelles les plus à risques au regard des pollutions diffuses par une étude spécifique et de les inclure dans l’arrêté de DUP avec des prescriptions adaptées. Dans tous les cas, si l’avancement de la démarche le permet, il est possible sur le plan réglementaire et pertinent au plan de l’efficacité d’inclure des prescriptions concernant les pollutions diffuses dans le PPR. Cela permet de gagner en cohérence avec le plan d’action envisagé sur l’AAC. La mission considère également qu’en cas de non-conformité des eaux distribuées, les arrêtés préfectoraux de dérogation devraient préciser les actions à engager ou à renforcer en matière de prévention, avec des échéances et des indicateurs de suivi. Sachant qu’un état d’avancement est à transmettre par la PRPDE à l’ARS tous les six mois, cela améliorerait le suivi de situation à effectuer en mission interservices de l’eau et de la nature (MISEN). La mission préconise que la nouvelle feuille de route sur la protection des captages et points de prélèvement sensibles précise les conditions dans lesquelles les propositions ci-dessus seront mises en œuvre dans le cadre d’un exercice de simplification et dans le contexte de mise en œuvre des PGSSE. [DGS, DGALN, ARS et DDT(M) ou DREAL] Concevoir un seul acte réglementaire de protection des captages et de leur aire d’alimentation, instruit conjointement par l’ARS et la DDT(M) (ou la DREAL), qui comporte des prescriptions obligatoires sur les pratiques agricoles pouvant être indemnisées par les PRPDE avec l’aide de l’agence de l’eau. [Préfets] A court terme, mieux coordonner l’action des services de l’État (ARS, DDT(M)) et les mesures inscrites dans les arrêtés pris au titre du double dispositif DUP et ZSCE, sur des périmètres différents pour un même objectif de protection des ressources en eau. 3.3 Sans mesures préventives ambitieuses et ciblées, la reconquête de la qualité des eaux est illusoire La préservation de la qualité des ressources en eau brute est un impératif afin de pouvoir continuer à les utiliser pour produire des EDCH et éviter des coûts de traitement élevés. Deux types de mesures préventives, présentées de manière détaillé en annexe 8, peuvent être mises en œuvre. Les premières visent à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires par le retrait du marché de substances ou de produits, par une taxation qui crée un signal prix, et par des contrôles sur les conditions d’utilisation. Les secondes sont mises en œuvre dans le cadre des plans et programmes d’actions évoqués au chapitre précédent et s’appliquent sur les aires d’alimentation et les périmètres de protection des captages. Les améliorations de pratiques agricoles doivent être combinées à des actions aux effets à plus long terme comme des mesures foncières et la structuration de filières économiques à bas niveau d’intrants, soutenues par des incitations économiques au changement de systèmes de cultures. Les aides publiques constituent un puissant levier pour accompagner cette évolution. 3.3.1 Les leviers « régaliens » sont insuffisamment utilisés pour réduire les usages des produits phytosanitaires Le retrait de substances actives et les restrictions d’usage des produits sont un levier efficace La Commission européenne a lancé un plan de réévaluation de 250 substances actives qui amène Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 67/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine à penser que, d’ici 2025, certaines d’entre elles ne devraient pas satisfaire les critères de renouvellement de leur approbation. Tel est potentiellement le cas de 75 molécules représentant 79 % des quantités de substances actives utilisées en France en 2022. De fait, le non renouvellement de l’approbation d’une substance (annexe 3) contribue efficacement à la préservation des eaux brutes utilisées pour produire des EDCH, même si l’effet peut n’être constaté que de nombreuses années après le retrait du marché. Un plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA) a été engagé avec les filières agricoles pour trouver des alternatives aux substances actuelles et concrétiser le principe « pas d'interdiction sans solution ». L’approbation d’une substance active ne préjuge pas de l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un produit pour tous les usages proposés. Un État membre peut refuser d’autoriser un usage qui ne satisfait pas aux conditions d’autorisation définies à l’article 29 du règlement (CE) n°1107/2009. Ainsi, suite à des évaluations de l’Anses, plusieurs AMM ont été refusées ou retirées pour certaines conditions d’utilisation. La mission appelle l’attention de l’Anses sur l’intérêt, lors de l’instruction des AMM, de considérer la préservation de la ressource en eau par le développement de modèles d’évaluation prenant en compte les spécificités des milieux. Il s’agirait de limiter l’usage sur les aires d’alimentation de captage des produits contenant des substances générant des métabolites à risque de migration vers les eaux superficielles ou souterraines dans des concentrations supérieures à la limite réglementaire. Il serait utile de faire précéder ces mesures d'une évaluation de leur impact socio-économique pour les exploitations agricoles. Si nécessaire, des adaptations réglementaires seront à envisager. La fiscalité sur l’utilisation de produits phytosanitaires est insuffisante La redevance pour pollutions diffuses (RPD) est une taxe affectée perçue sur les ventes de produits phytosanitaires et affectée aux agences de l’eau et à l’Office français de la biodiversité (programme national du plan Ecophyto). Son taux varie suivant le degré de toxicité des substances. En 2023, le produit annuel de la redevance était de l’ordre de 188 M€, montant à rapporter aux 2,5 Md€ de chiffre d’affaires du secteur. Une mission IGF-CGAAER-CGEDD33 a montré que l’élasticité prix des produits phytosanitaires est faible et confirmé le faible impact d’une hausse de la RPD sur une diminution de leur usage. Cette mission considérait qu’un alourdissement de la RPD, même en créant un « choc de prix », ne saurait seul constituer un signal prix suffisant pour aboutir à une diminution de 50 % de la consommation des produits phytosanitaires. Elle estimait que cette taxe devrait poursuivre essentiellement un objectif de rendement dans le cadre d’un système global de transition. La présente mission constate donc que le montant actuel de la RPD est insuffisant pour créer un signal prix susceptible d’induire à lui seul une réduction significative de l’utilisation de ces produits. Elle constate également que cela s’inscrit dans un contexte tendanciel de baisse des ventes de produits à base de substances les plus nocives et de progression des ventes de produits de bio contrôle qui sont taxés à des taux plus faibles. Dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le gouvernement prévoyait d’augmenter les taux de la RPD de 20 %, en moyenne, dans le but de dégager 37 M€ de recettes supplémentaires. Cette disposition a finalement été retirée. Au sein des comités de bassin, les représentants des collectivités et ceux des associations de protection de la nature et de consommateurs considèrent que cela rompt l’équilibre qui avait été trouvé pour une contribution au financement de la politique de l’eau équitablement répartie. Considérant l’impact que cette situation pourrait avoir sur certaines mesures de protection des ressources en eau, le gouvernement prévoit une trajectoire d’augmentation de la RPD. Les métabolites détectés dans 33 Rapport IGF-CGAAER-CGEDD, La fiscalité des produits phytosanitaires, juillet 2013 Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 68/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine les ressources en eau pouvant également provenir des biocides, la mission estime que l’assiette de la RPD devrait aussi inclure les produits biocides. Les contrôles de l’utilisation des produits phytosanitaires sont à améliorer Les contrôles dans le domaine des phytopharmaceutiques sont essentiellement assurés par les services des ministères chargés respectivement de la consommation (fabrication, conditionnement, commercialisation des produits), de l’agriculture (distribution et utilisation des produits) et de l’écologie (utilisation). La mission observe, qu’à ce titre, les services régionaux de l’alimentation (SRAL) ne contrôlent qu’un peu plus de 1 % des exploitants chaque année sur le volet produits phytopharmaceutiques des mesures de conditionnalité de la politique agricole commune (PAC). De leur côté, les inspecteurs de l’environnement de l’OFB sont chargés du contrôle du respect des zones non traitées en bordure des cours d’eau et des règles relatives au contrôle périodique des pulvérisateurs. En janvier 2024, une instruction du gouvernement a précisé la stratégie des contrôles en matière de police de l’eau et de la nature. Elle prend en compte l’action des ministères chargés de l’intérieur, de la justice, de l’agriculture et de l’écologie, mais pas les contrôles des eaux brutes destinées à produire des EDCH qui relèvent du ministère chargé de la santé. La mission considère que dans le cadre d’une prochaine feuille de route sur la protection des captages, il est nécessaire de renforcer la place donnée aux contrôles sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques parmi les leviers disponibles pour assurer la préservation des ressources en eau utilisées pour la production d’EDCH. [Ministères chargés de la Santé, de l'Agriculture et de l'Environnement] Après adaptation éventuelle du droit, inscrire dans les AMM des restrictions et des interdictions d’usage sur les AAC des produits phytosanitaires contenant des substances générant des métabolites à risque de migration vers les eaux dans des concentrations supérieures à la limite réglementaire. [DGALN et DGPR] Augmenter progressivement le taux de la RPD et élargir son assiette aux produits biocides. [DGALN] Renforcer les contrôles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur les AAC. 3.3.2 Les mesures à appliquer sur les captages et leurs aires d’alimentation Maîtriser le foncier pour une protection pérenne des captages L’acquisition de foncier par les PRPDE facilite la mise en place d’une gestion agroécologique pérenne de surfaces agricoles. La mission a constaté l’efficacité d’acquisitions ciblées en priorité sur les PPR des captages, sur des AAC de petite taille ou sur des zones particulièrement sensibles de l’AAC. L’action foncière est plus difficile à envisager sur de vastes superficies en raison des délais et des coûts d’acquisition. C’est une solution d’un bon rapport coût/efficacité lorsque la poursuite de certaines formes d’activité agricole peut rendre impossible le maintien en exploitation d’un captage. Ces acquisitions peuvent se faire à l’amiable directement auprès de propriétaires fonciers, auprès d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ou d’autres acteurs, ainsi que par la mobilisation du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau défini par l’article L.218-1 du code de l’urbanisme. Cependant, la mission a constaté que, malgré des taux d’aides de 70 à 80 % par les agences de l’eau, les surfaces acquises restent faibles. En outre, au vu des entretiens menés par la mission, la collaboration entre SAFER et PRPDE semble Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 69/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine très variable selon les départements. Selon la FNSAFER, 120 opérations portant sur 800 ha ont été réalisées en 2021 dans les AAC. La mission observe que les représentants de l’État auprès des SAFER doivent veiller à ce que la protection des ressources en eau soit bien prise en compte dans les critères d’attribution des terres retenus par les comités techniques des SAFER. Le décret n° 2022-1223 a étendu le droit de préemption des PRPDE en vue d’assurer la protection de la ressource en eau sur une AAC. Celui-ci prime sur le droit de préemption de l’exploitant en place et sur celui de la SAFER. Il semble qu’aucune PRPDE n’ait encore mis en œuvre ce droit. La mission note qu’en décembre 2023, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les pesticides a proposé (recommandation n°26) de le compléter par un droit d’expropriation. Cette proposition pourrait utilement être suivie pour délimiter des périmètres de protection de taille suffisante pour éviter les pollutions diffuses. Les acquisitions foncières peuvent aussi être effectuées par des sociétés foncières solidaires comme Terres de Liens et Fermes en Vie qui ont acquis plus de 10 000 hectares mis en location par un bail environnemental de très longue durée répondant au cahier des charges de l’agriculture biologique. Le bail rural à clauses environnementales vise à garantir des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Les clauses du bail doivent s’appuyer sur une liste de 16 pratiques culturales dont la limitation ou l’interdiction des produits phytosanitaires, l’agriculture biologique, les cultures pluriannuelles à bas niveaux d’intrants, les prairies. La mission estime que ce type de bail pourrait se développer s’il était accompagné d’une incitation fiscale pour les propriétaires privés qui, actuellement, se privent d’un loyer sans bénéficier d’une baisse d’impôts. Les revenus des baux ruraux environnementaux pourraient être exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Les propriétés concernées pourraient être sorties de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière. Enfin, les communes et EPCI souhaitant favoriser ces baux sur les parcelles sensibles situées dans des périmètres de captage d’eau devraient aussi pouvoir exonérer de taxe foncière les parcelles concernées par un bail rural environnemental. Par ailleurs, l’outil juridique des obligations réelles environnementales (ORE) permet à un propriétaire de mettre en place une protection environnementale attachée à son bien au moyen d’un contrat librement signé avec une collectivité pour une durée pouvant aller jusqu’à 99 ans. Les mesures sont attachées au bien et s’imposent aux propriétaires et détenteurs de droits successifs pendant toute la durée de l’ORE. La loi prévoit une compensation financière au titre de la propriété, fondée sur la perte de valeur vénale de la parcelle. Celle-ci est évaluée à partir du niveau d’engagement (intensité des modifications de pratiques), de la durée de contractualisation et de la localisation de la parcelle. La compensation versée par une collectivité PRPDE peut bénéficier d’une aide des agences de l’eau. De fait, les ORE se développent progressivement. La mission considère qu’elles constituent une bonne alternative à l’acquisition foncière. Les actions d’animation et de conseil pour mobiliser et accompagner les agriculteurs La contrainte quantitative, accrue par le dérèglement climatique, renforce l’enjeu de la préservation de la qualité des ressources. C’est dans ce contexte que les collectivités PRPDE se dotent progressivement de moyens d’animation afin d’aller au-devant des acteurs agricoles pour protéger les aires de captages. Toutefois, compte tenu des moyens humains et de l’expertise à mobiliser, seules les PRPDE de grande taille et bien structurées sont en mesure de prendre directement en charge tout ou partie de cette animation agricole. L’exemple d’Eau de Paris qui mène une stratégie de protection efficace sur de grandes AAC en contexte céréalier, montre que le poids politique et financier de la PRPDE ainsi que sa détermination dans la durée, sont une condition nécessaire pour obtenir des résultats. La mise en œuvre des programmes de reconquête de la qualité de l’eau dans les AAC peut Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 70/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine également s’appuyer sur le réseau des chambres d’agriculture dont la mobilisation face aux pollutions par les produits phytosanitaires est variable selon les territoires. Dans les contrats d’objectifs de ces établissements publics, une priorité d’intervention doit leur être fixée en matière de déploiement du conseil aux agriculteurs sur les AAC les plus sensibles à la pollution par les produits phytosanitaires. L’animation visant à réduire et maîtriser les pollutions diffuses sur les aires de captages est financée par les agences de l’eau à des taux variant entre 50 et 80 %. Une évaluation de l’efficience des moyens déployés pour l’animation, notamment sur les zones de captages à enjeux, est à réaliser pour identifier les pistes d’optimisation et de rationalisation de l’animation agricole assurée par les différents intervenants. L’accompagnement économique de la conversion à l’agriculture biologique La conversion à l’agriculture biologique (CAB) est la mesure volontaire la plus efficace pour réduire sur les cultures l’usage des produits phytopharmaceutiques de synthèse. Le renforcement des aides à la CAB a permis d’atteindre 2,88 Mha, soit 10,7 % de la surface agricole nationale en bio, situation proche de la moyenne européenne. La progression est variable selon les cultures. La crise que connaît le marché français des produits de l’agriculture biologique, à laquelle s’ajoute la suppression de l’aide au maintien à partir de 2017 (aide maintenue jusqu’à 2023 dans certaines régions), a freiné le mouvement de conversion en France depuis 2021, malgré le rétablissement à partir de 2023 d’une forme d’aide au maintien par un niveau spécifique dans l’écorégime. À court terme, l’enjeu consiste à soutenir l’existant (14 % des fermes engagées en bio en 2022). Le plan stratégique national (PSN) de la PAC pour 2023-2027 vise 18 % de la surface agricole française en bio en 2027. Le financement alloué à la conversion est passé de 250 à 340 millions d’euros par an, soit une enveloppe totale de 1,7 Md€. Le montant d’aide est de 130 €/ha pour les prairies, 350 €/ha pour les cultures annuelles, 450 €/ha pour les cultures légumières de plein champ et la betterave sucrière, 900 €/ha pour les surfaces en maraîchage et en arboriculture. La mission tient à souligner l’importance de soutenir fortement toutes les actions en faveur de l’agriculture biologique car elle permet à la fois de préserver efficacement les ressources en eau et de réduire l’exposition aux pesticides de synthèse par voie alimentaire. L’attractivité des mesures agro-environnementales et climatiques est à renforcer Les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) permettent aux agriculteurs de bénéficier d’une aide financière en contrepartie de pratiques agricoles vertueuses pour l’environnement pendant une durée de cinq ans. Les MAEC « systèmes grandes cultures » ou « systèmes polyculture-élevage » s’appliquent sur l’ensemble de l’exploitation dans une vision systémique du changement de pratiques. Le bénéficiaire identifie la thématique sur laquelle il souhaite faire évoluer son exploitation, parmi lesquelles figure la stratégie phytosanitaire. L’indicateur de résultat est une réduction obligatoire des indices de fréquence de traitement (IFT) herbicides et hors herbicides de l’exploitation d’au minimum 30 %. La rémunération est attribuée sur la base d’un montant à l’hectare, fixé en fonction du niveau d’ambition auquel l’agriculteur s’engage. Les MAEC « localisées » s’appliquent aux parcelles que l’exploitant a souhaité engager. Parmi celles-ci, les MAEC surfaciques « grande culture phytosanitaire » portent sur des pratiques de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en système de grandes cultures. Les cahiers des charges fixent des objectifs de baisse de l’IFT plus ou moins ambitieux selon le niveau (1 à 3) de la mesure. La mission a constaté que, de manière générale, ces MAEC ne peuvent assurer seules le changement et la pérennité nécessaires pour améliorer la qualité des ressources en eau. Pour être efficaces sur le temps long, elles doivent être associées à un changement plus structurant du système de production contribuant à la transition agroécologique des exploitations. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 71/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine La mission a observé que les MAEC « système-grandes cultures » et les MAEC localisées « grandes cultures - phyto » sont très peu souscrites, car jugées trop risquées et peu rémunératrices pour les grandes cultures. De fait, la France est l’État membre de l’Union européenne qui alloue aux MAEC la plus faible part du second pilier de la PAC, avec comme objectif 5,9 % de SAU couverte par des MAEC en 2027, contre 6 % en 2020. La mission considère qu’il convient, à l’occasion du réexamen du PSN en 2025 et sur la base d’un retour d’expérience des MAEC souscrites en 2023 et 2024, de réviser certaines d’entre elles pour accroître leur attractivité et le cas échéant leur efficacité dans les secteurs où la reconquête de la qualité de la ressource en eau impose une limitation des usages des produits phytopharmaceutiques. Les paiements pour services environnementaux sont à développer Les paiements pour services environnementaux (PSE) rémunèrent le service environnemental effectivement fourni. Ils peuvent être mis en œuvre et financés par des acteurs publics, associatifs ou privés. Outre le régime « de minimis » qui permet de verser des aides aux agriculteurs, hors notification à la Commission européenne, dans la limite d’un plafond de 20 000 € sur 3 ans, le principal dispositif de PSE financés par des acteurs publics est celui élaboré par le MTECT et notifié en 2020 à la Commission européenne. Sur l’ensemble du territoire,113 projets ont déjà été sélectionnés couvrant 278 684 ha (1 % de la SAU totale), dont un peu plus de 20 % situés dans des AAC. Le montant total d’aides attribuées est de 131,7 M€ sur 5 ans, financées en totalité par les agences de l’eau, pour rémunérer les 3 041 exploitations engagées (entre 75 et 125 €/ha). La mission a constaté que ce dispositif de PSE a permis de concevoir des projets et des indicateurs adaptés aux problématiques de chaque territoire, mais que, seul, il ne suffit pas pour inciter et pérenniser le changement. Le dispositif a été prolongé jusqu’en 2027, avec une enveloppe de crédits de 30 M€/an, avec comme cible principale les pratiques agricoles à bas niveau d’intrants dans les AAC. En 2020, Eau de Paris a notifié à la Commission européenne un régime spécifique de PSE qui comporte 4 mesures. Celles-ci visent un changement durable de systèmes, à favoriser le bio et les prairies, à réduire les intrants, à gérer la fertilisation et les transferts de polluants vers le milieu. Les mesures portant sur l’agriculture biologique prévoient une aide au maintien sur une dizaine d’années après la conversion et des rémunérations/ha supérieures aux aides à la conversion de la PAC pour les cultures annuelles, légumes de plein champ et betterave sucrière. Pour la campagne 2023-2024, sur les 4 AAC d’Eau de Paris, 115 exploitations agricoles sont engagées sur une surface totale de 17 305 hectares, dont 58 % en agriculture biologique et 79 % en grandes cultures. Les 32,8 M€ d’aides engagées sont subventionnées à 80 % par l’agence de l’eau Seine-Normandie. Les résultats présentés en annexe 8 confirment l’intérêt de l’agriculture biologique pour préserver les ressources en eau. Des exemples de PSE financés par des fonds privés commencent à émerger tels que ceux mis en place par Suez et par l’association « Pour une Agriculture du Vivant », présentés en annexe 8. Ce type de PSE n’est pas soumis à notification auprès de la Commission européenne. La mission a constaté que les montants moyens par hectare du PSE d’Eau de Paris et des PSE privés sont plus rémunérateurs que les MAEC. La situation est plus contrastée entre les MAEC et les PSE financés par les agences de l’eau car cela dépend des mesures et des agences. Le dispositif PSE est toutefois globalement considéré par les acteurs de terrain comme plus attractif qu’une MAEC. Ainsi, 78 % des agriculteurs engagés dans un PSE n’avaient auparavant jamais souscrit de MAEC. Par ailleurs, les aides CAB restent plus rémunératrices que les PSE. La mission préconise qu’une comparaison des cahiers des charges entre PSE et MAEC soit réalisée lors de l’évaluation finale du dispositif PSE du MTECT. Sans anticiper sur cette évaluation de l’expérimentation des PSE, l’objectif de massification des changements de pratiques justifierait qu’une première amélioration soit apportée au dispositif du Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 72/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine ministère chargé de la transition écologique en ne rémunérant que les surfaces comprises dans les zones à enjeux, en premier lieu les AAC les plus prioritaires. Cela éviterait de disperser les moyens et inciterait les collectivités PRPDE à cofinancer des PSE. La mission préconise également de bien calibrer le montant des PSE à déployer sur les grandes cultures afin qu’ils soient suffisamment incitatifs au regard des valeurs ajoutées constatées sur ces systèmes de culture dominants sur les AAC les plus prioritaires. Il serait utile de prévoir une phase transitoire avec une aide dégressive au maintien de certaines pratiques, comme le fait Eau de Paris à l’issue de la conversion à l’agriculture biologique. Enfin, il serait judicieux d’inclure dans les projets de PSE un accompagnement technique individuel et collectif, condition déterminante de l’efficacité du dispositif. Les entreprises délégataires des services d’eau doivent être incitées à développer des PSE privés qui permettent d’augmenter la capacité d’action sans être contraint par les règles des aides d’État. Pour ce faire, elles peuvent constituer un fonds de protection de la ressource dans le cadre des contrats de délégation de service public (DSP). Le PSE serait financé par la part de la redevance acquittée par l’usager qui revient au délégataire. Des structures associatives sont également à promouvoir pour regrouper des entreprises intéressées à financer des PSE dans le cadre de leurs cahiers des charges d’approvisionnement ou de leur politique RSE (annexe 8). Les filières à bas niveau d’intrants sur les ressources en eau doivent être soutenues Les objectifs de reconquête de la qualité des ressources dégradées ne seront pas atteints sans le développement d’actions plus efficaces pour développer la transition agroécologique. Dans les AAC, il s’agit notamment de faire évoluer les assolements afin d’augmenter les surfaces agricoles avec des cultures à bas niveau d’intrants (BNI)34 . La mission retient qu’outre les productions biologiques, ce sont les prairies permanentes, le sainfoin ou encore la luzerne qui présentent les risques les plus faibles vis-à-vis de la qualité de l’eau, ainsi que certaines productions annuelles conduites avec très peu d’intrants comme le chanvre ou le soja (annexe 8). Les agences de l’eau interviennent pour soutenir le développement de ces filières en agissant sur les outils de production, de stockage, de transformation et de commercialisation. Les taux d’aides varient selon les agences entre 25 et 80 %. La Banque des territoires dispose de 20 M€ sur la période 2024-2028 pour prendre des participations en fonds propres au capital d’entreprises pour développer des filières BNI. Ces filières sont favorisées par des circuits courts de commercialisation (production à proximité d’une agglomération ou pour la restauration collective) qui peuvent être promus par les projets alimentaires territoriaux (PAT). Des actions d’accompagnement des agriculteurs dans ces démarches sont présentées en annexe 8 (« Terres de Sources » initiée par Eau du bassin Rennais, EC’eau responsable en Isère, AgriParis Seine). La mission estime que l’intégration d’objectifs zéro phyto ou zéro-résidus de pesticides dans les cahiers des charges de productions labellisées constitue également un levier intéressant. Elle considère que toutes les initiatives qui permettent d’organiser et de développer des débouchés pérennes pour ces cultures BNI sont à soutenir ainsi que le préconise la mesure 2.4 de la stratégie Ecophyto 2030. Les investissements pour réduire l’utilisation ou le transfert des produits phytosanitaires Dans le cadre du plan stratégique national (PSN) de la PAC 2023-2027, les conseils régionaux sont les autorités de gestion des mesures de soutien aux investissements des agriculteurs dans le cadre de plans de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Ces aides sont très appréciées des exploitants agricoles notamment dans le cadre de la CAB qui demande 34 Les cultures à bas niveau d'impact (BNI) sur la ressource en eau sont l'ensemble des cultures ou des systèmes de cultures ne nécessitant pas ou peu de fertilisants et de produits phytosanitaires et limitant les transferts de polluants vers le milieu. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 73/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine d’investir dans de nouveaux matériels. Les équipements les plus fréquemment subventionnés sont du matériel de désherbage alternatif et de travail du sol qui permet de supprimer ou de réduire l’usage et l’impact des produits phytosanitaires. Le taux d’aide des agences de l’eau varie entre 32,5 et 60 %. La mission considère qu’il est pertinent de poursuivre le financement de ces équipements, en particulier de désherbage mécanique qui est une technique alternative très efficace pour réduire la pression en herbicides. En complément, une aide aux agriculteurs qui s’engagent à pratiquer le désherbage mécanique serait à envisager, comme le fait Eau 17, afin de faciliter l’intervention de prestataires. De manière plus générale, le déploiement des alternatives non chimiques devrait être soutenu dans les AAC : variétés tolérantes et résistantes, produits de biocontrôle, lutte biologique, méthodes agronomiques, méthodes physiques, plantes attractives et répulsives, mosaïque paysagère, etc. Les investissements pour réduire les transferts de polluants vers le milieu restent minoritaires en proportion des autres dispositifs préventifs. Dans le cadre du PSN 2023-2027, seulement sept régions ont ouvert la possibilité de soutenir des investissements de plantation et entretien de haies, la mise en place de systèmes agroforestiers intra-parcellaires, le boisement de terres agricoles, ainsi que les travaux concernant les zones tampons épuratoires. Les agences de l’eau participent au cofinancement de ces programmes en complément du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), mais certaines d’entre elles peuvent également soutenir directement ces investissements non productifs dans des régions qui n’ont pas ouvert cette mesure dans le cadre du PSN. 3.3.3 Le financement des mesures préventives Les principaux moyens de financement public des mesures de prévention de la dégradation de la qualité des ressources en eau sont, en premier lieu, les aides de la politique agricole commune (PAC) et, avec des moyens financiers bien moindres, celles des agences de l’eau, complétées de crédits du budget de l’État et de certaines collectivités territoriales PRDPE ou non (conseils régionaux et départementaux). Les financements d’origine privée restent encore rares ou expérimentaux. Des mécanismes assuranciels complémentaires privés pourraient couvrir le risque associé à une agriculture « zéro phyto » (annexe 8). Les aides de la PAC doivent contribuer davantage à préserver la qualité de l’eau Une partie des mesures préventives susceptibles de contribuer à préserver la qualité de l’eau bénéficie de financements de la PAC dotée, en France, de 8,7 Md€/an sur la période 2023/2027. La mesure 2.3 de la stratégie Ecophyto 2030 indique qu’il convient de préparer la révision à mi parcours, en 2025, du PSN pour en améliorer notamment la cohérence avec les objectifs de la planification écologique. À ce titre, la mission préconise trois ajustements afin que les moyens de la PAC puissent mieux contribuer à la préservation des ressources en eau. Le PSN 2023-2027 détermine les pratiques agricoles éligibles à l’écorégime, présenté comme un outil de diversification des cultures « accessible à tous », qui mobilise 1 684 M€/an soit 25 % du montant des aides directes. La deuxième voie d’accès à l’écorégime s’adresse aux agriculteurs dont l’intégralité de l’exploitation est engagée en agriculture biologique (AB) ou certifiée à haute valeur environnementale (HVE). La certification HVE qui devrait bénéficier à plus de 80 % des agriculteurs, ne présente aucun bénéfice environnemental supplémentaire par rapport à celui apporté par le simple respect des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). Par ailleurs, le niveau d’aide dont bénéficient les producteurs certifiés AB via l’écorégime (82 €/ha/an, hors crédit d’impôt) est inférieur au niveau versé sur la période 2014-2020 pour ceux ayant bénéficié de l’aide au maintien en agriculture biologique (122 €/ha/an, en moyenne), ce qui réduit l’attractivité pour cette certification, alors que c’est elle qui emporte les incidences les plus positives pour l’environnement. La mission considère que la révision du PSN doit être l’occasion de Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 74/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine rehausser le niveau d’ambition environnementale des aides allouées dans le cadre de l’écorégime.35 Ainsi, les exploitations en agriculture biologique doivent bénéficier d’un montant d’écorégime revalorisé et significativement plus élevé que celles qui sont simplement certifiées HVE. Pour les aides du deuxième pilier détaillées en annexe 8, la mission rejoint l’avis de la Cour des comptes et préconise que, dans le cadre de la révision du PSN, une priorité soit donnée au renforcement des mesures favorables à la préservation de la qualité de l’eau vis-à-vis des produits phytosanitaires. Des projets agro-environnementaux et climatiques (PAEC) devraient être mis en œuvre en priorité sur les aires de captages sensibles afin de concentrer les moyens là où cela est le plus nécessaire. A l’occasion du réexamen du PSN en 2025 et sur base du retour d’expérience des MAEC souscrites en 2023 et 2024, la mission rappelle l’importance de chercher à accroître l’attractivité et le cas échéant l’efficacité de MAEC à enjeu eau dans les secteurs de grandes cultures. Enfin, la mission partage l’avis exprimé par de très nombreux acteurs de terrain sur la nécessité d’ouvrir la possibilité d’indemniser les servitudes sur les aires de captage sensibles inscrites dans les SDAGE soit en activant l’article 72 du règlement UE 20212/2115, soit en notifiant une mesure similaire au titre des aides d’Etat. Les aides des agences de l’eau doivent être mieux ciblées Sur la période 2019-2023, les agences de l’eau ont financé des mesures préventives visant à améliorer la qualité des ressources en eau vis-à-vis des pollutions diffuses agricoles pour plus d’1 Md€, soit de l’ordre de 200 M€ par an (annexe 8). La mission estime que les financements des agences de l’eau constituent un levier déterminant de la reconquête de la qualité des eaux. C’est pourquoi, elle préconise que les 12èmes programmes d’intervention marquent une augmentation significative des moyens en faveur de la réduction des pollutions diffuses liées aux produits phytopharmaceutiques et à leurs métabolites. Ceci suppose une augmentation significative de la RPD, déjà évoquée, dont la recette devrait être affectée à des mesures bénéficiant directement aux agriculteurs pour rémunérer les services rendus par des pratiques vertueuses. En outre, les agences devraient concentrer les aides à la réduction des pollutions d’origine agricole des 12èmes programmes d’intervention sur les aires de captages sensibles et privilégier les mesures les plus efficaces : acquisitions foncières assorties de baux environnementaux ou ORE, agriculture biologique et filières à bas niveau d’intrants, PSE adaptés aux systèmes agricoles des AAC prioritaires, pratiques alternatives à l’usage de produits phytopharmaceutiques. La mission préconise que ces aides soient conditionnées ou proportionnelles aux résultats obtenus. 35 " Source : Etude INRAE/Institut Agro d’avril 2021 portant sur la PAC 2014-2022 et relative à la « sensibilité du revenu des exploitations agricoles françaises à une réorientation des aides dans le cadre de la future PAC post 2023 " Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 75/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine [DGPE et DGALN] Lors de la révision du programme stratégique national de la PAC : i) Mieux valoriser l’agriculture biologique dans l’écorégime ; ii) Accroître l’attractivité et le cas échant l’efficacité de MAEC à enjeu eau dans les systèmes de grandes cultures et de cultures industrielles. Promouvoir l’émergence d’un dispositif privé de couverture du risque lié à la transformation agroécologique. [DGALN et agences de l’eau] Dans les 12èmes programmes des agences de l’eau, utiliser l’augmentation de la RPD pour augmenter les moyens consacrés à la réduction des pollutions par les pesticides et les concentrer sur les AAC les plus sensibles dans des contrats territoriaux portant sur les mesures les plus efficaces pour réduire la pression phytosanitaire : conversion à l’agriculture biologique, cultures et filières BNI, PSE spécifiques eau en systèmes de grandes cultures, infrastructures agroécologiques pour limiter les transferts, actions foncières dans les périmètres de protection rapprochée des captages, actions d’animation et de conseil aux agriculteurs (avec un financement lié à des objectifs de résultats). Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 76/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Conclusion Au terme de ses travaux, la mission souligne que la dégradation constatée de la qualité des EDCH résulte avant tout d’une évolution du « thermomètre » (nouveaux métabolites analysés). L’accent mis sur les substances actives et métabolites de pesticides dans les EDCH ne doit pas faire oublier les autres voies d’exposition principales que sont l’alimentation et l’air. Aussi, les travaux sur l’exposome sont à développer afin de mieux caractériser les apports relatifs des différentes sources de pollution et leurs effets sur la santé. La mission a relevé que la réglementation repose sur une évaluation des effets de chaque substance individuelle sur la santé. Elle ne prend pas suffisamment en compte les effets combinés potentiels sur la santé de mélanges de différentes substances chimiques. Pour ce qui concerne les pesticides et leurs métabolites, le seuil de 0,5 µg/l des concentrations cumulées dans les eaux distribuées conduit à faire la somme de molécules ayant des toxicités disjointes, ce qui ne semble guère pertinent. Des travaux seraient donc à mener, notamment par l’Anses, pour déterminer des seuils de qualité à appliquer au cumul de métabolites retrouvés dans les EDCH en les classant par groupes selon leurs effets. La mission insiste également sur le fait que l’instabilité des conclusions de l’expertise sur la pertinence des métabolites conduit à des mesures de gestion difficiles à comprendre par les consommateurs. Il ne faudrait pas que ces situations d’incertitude conduisent à remettre en cause la confiance que les consommateurs peuvent avoir quant à la qualité des EDCH qui sont un des produits alimentaires les plus contrôlés. Enfin, la mission relève que les PRPDE, les préfets et les autorités sanitaires sont obligés de porter une responsabilité en continuant à distribuer des EDCH dont la qualité n’est pas conforme et alors que les causes de la dégradation de cette qualité relèvent de tiers. Il est illusoire de prétendre régler le problème de la qualité des EDCH sans renforcer l’évaluation des effets des métabolites lors de l’approbation de leurs substances mères et de la mise sur le marché des produits associés. Ce renforcement doit nécessairement s’accompagner de la généralisation de pratiques culturales à bas niveau d’intrants dans les aires d’alimentation de captages. Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 77/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Maryse Fourcade Valérie Gervais Frédérique Simon-Delavelle Inspectrice générale Inspectrice générale Inspectrice générale Patrick Lavarde Adèle Veerabadren Alain Joly Inspecteur général Inspectrice Inspecteur général Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 78/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de Page 79/586 pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Juin 2024 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine Tome 2 - Annexes Maryse FOURCADE - IGAS Valérie GERVAIS - IGAS Frédérique SIMON-DELAVELLE - IGAS Patrick LAVARDE - IGEDD Adèle VEERABADREN – IGEDD Alain JOLY - CGAAER Rapport n°M2023-096 Rapport n°015411-01 Rapport n°23111