Comme l'affiche lady Gaga : La viande c'est bon, mais ça craint un peu quand même.
En mars 2008, la journaliste Marie-Monique Robin sortait Le Monde selon Monsanto. Le livre et le documentaire, gros succès, relataient sa longue enquête sur l'entreprise Monsanto, leader mondial des OGM et fournisseur d'herbicides ou d'hormones de croissance bovine et laitière interdites en Europe. Elle s'attaque aujourd'hui avec Notre poison quotidien (en librairie en mars) à la façon dont "l'industrie chimique empoisonne notre assiette".
Entretien > Quand Jonathan Safran Foer décrit l'élevage des animaux aux Etats-Unis, est-ce qu'on peut se rassurer en pensant qu'en France c'est différent ?
Marie-Monique Robin - Aux Etats-Unis, les élevages sont tellement grands que le problème est décuplé mais c'est pareil en Bretagne avec les porcs ou en Indonésie avec les poulets. Le modèle intensif fait qu'on arrive à ces aberrations. Je ne suis pas végétarienne. Je continue à manger un peu de viande. Mais on ne peut pas promouvoir un modèle qui veut qu'on mange de la viande deux fois par jour.
D'abord parce que cela se fait au détriment des cultures des pays du Sud car l'élevage intensif entraîne un système de monoculture qui pénalise les cultures vivrières et met en péril la sécurité alimentaire des peuples du Sud. Je ne peux plus imaginer acheter un poulet qui vient d'un élevage industriel dans un supermarché. C'est monstrueux ce qu'on fait subir aux animaux. En plus, c'est une viande de très mauvaise qualité bourrée d'antibiotiques.
Le Centre d'information des viandes a diffusé une campagne de pub radio rappelant que la plupart des porcs en France sont élevés dans des exploitations familiales. Ça ne vous convainc pas ?
J'aimerais savoir sur quelles statistiques ils se basent. Je n'arrive pas à trouver du porc bio. Le porc en Bretagne, c'est trois bêtes par mètre carré avec tout le problème du lisier (les déjections animales - ndlr) et des bactéries qui deviennent d'une violence inouïe à force de donner préventivement des antibiotiques.
Certains critiquent le bio en disant qu'il y a des petits malins qui trichent. Evidemment, dans ce domaine comme dans d'autres, il doit y en avoir. Mais les contrôles sont réels. Je connais bien le monde agricole. S'il y avait le quart de ces contrôles dans les fermes chimiques - je n'aime pas dire fermes conventionnelles -, on aurait moins de problèmes de santé.
Jonathan Safran Foer met en cause les lobbies américains qui influencent les informations sur ce que devrait être notre alimentation. Ce problème existe aussi en France ?
Quand vous entendez sur France Inter une campagne parrainée par un ministère qui dit qu'il faut boire et manger trois produits laitiers par jour, c'est qu'il y a un énorme lobbying de l'industrie laitière derrière. Pareil pour les campagnes qui encouragent la consommation de viande. L'OMS le dit : les épidémies de cancers, de maladies neurodégénératives, de diabète, d'obésité sont liées à l'environnement et au style de vie.
La malbouffe, ce n'est pas seulement les colorants et les produits chimiques mais aussi une nourriture qui s'appuie sur un apport excessif de graisses, de sucre et de protéines animales.
J'ai rencontré quelqu'un aux Etats-Unis qui travaille sur les rapports entre alimentation et santé à l'université Cornell : il souligne le lien entre viandes rouges et cancer, en particulier pour le cancer du colon. En Europe, en vingt ans, les taux de cancer ont augmenté de 35 % chez les hommes et de 43 % chez les femmes - après déduction du facteur vieillissement de la population. Quand on regarde les cartes de taux d'incidences des cancers, on voit du rouge en Amérique du Nord, en Europe, en Australie... C'est clairement une maladie chronique liée aux pays développés. En Inde, où les taux d'incidence sont trente fois inférieurs, ils sont inquiets parce que ça commence à changer dans les mégapoles.
Pensez-vous que le consommateur ne s'interroge pas assez sur l'origine de la viande dans son assiette ?
Le consommateur n'a souvent pas le choix, mais ça commence à changer. Si vous réduisez votre consommation de viande, vous pouvez avec ce que vous économisez acheter du pain, des fruits et des légumes bio. Il faut recréer des liens avec les producteurs d'aliments pour court-circuiter la grande distribution. Il faut que les consommateurs se réapproprient leur assiette.
Propos recueillis par Guillemette Faure
Source Les Inrocks
Entretien > Quand Jonathan Safran Foer décrit l'élevage des animaux aux Etats-Unis, est-ce qu'on peut se rassurer en pensant qu'en France c'est différent ?
Marie-Monique Robin - Aux Etats-Unis, les élevages sont tellement grands que le problème est décuplé mais c'est pareil en Bretagne avec les porcs ou en Indonésie avec les poulets. Le modèle intensif fait qu'on arrive à ces aberrations. Je ne suis pas végétarienne. Je continue à manger un peu de viande. Mais on ne peut pas promouvoir un modèle qui veut qu'on mange de la viande deux fois par jour.
D'abord parce que cela se fait au détriment des cultures des pays du Sud car l'élevage intensif entraîne un système de monoculture qui pénalise les cultures vivrières et met en péril la sécurité alimentaire des peuples du Sud. Je ne peux plus imaginer acheter un poulet qui vient d'un élevage industriel dans un supermarché. C'est monstrueux ce qu'on fait subir aux animaux. En plus, c'est une viande de très mauvaise qualité bourrée d'antibiotiques.
Le Centre d'information des viandes a diffusé une campagne de pub radio rappelant que la plupart des porcs en France sont élevés dans des exploitations familiales. Ça ne vous convainc pas ?
J'aimerais savoir sur quelles statistiques ils se basent. Je n'arrive pas à trouver du porc bio. Le porc en Bretagne, c'est trois bêtes par mètre carré avec tout le problème du lisier (les déjections animales - ndlr) et des bactéries qui deviennent d'une violence inouïe à force de donner préventivement des antibiotiques.
Certains critiquent le bio en disant qu'il y a des petits malins qui trichent. Evidemment, dans ce domaine comme dans d'autres, il doit y en avoir. Mais les contrôles sont réels. Je connais bien le monde agricole. S'il y avait le quart de ces contrôles dans les fermes chimiques - je n'aime pas dire fermes conventionnelles -, on aurait moins de problèmes de santé.
Jonathan Safran Foer met en cause les lobbies américains qui influencent les informations sur ce que devrait être notre alimentation. Ce problème existe aussi en France ?
Quand vous entendez sur France Inter une campagne parrainée par un ministère qui dit qu'il faut boire et manger trois produits laitiers par jour, c'est qu'il y a un énorme lobbying de l'industrie laitière derrière. Pareil pour les campagnes qui encouragent la consommation de viande. L'OMS le dit : les épidémies de cancers, de maladies neurodégénératives, de diabète, d'obésité sont liées à l'environnement et au style de vie.
La malbouffe, ce n'est pas seulement les colorants et les produits chimiques mais aussi une nourriture qui s'appuie sur un apport excessif de graisses, de sucre et de protéines animales.
J'ai rencontré quelqu'un aux Etats-Unis qui travaille sur les rapports entre alimentation et santé à l'université Cornell : il souligne le lien entre viandes rouges et cancer, en particulier pour le cancer du colon. En Europe, en vingt ans, les taux de cancer ont augmenté de 35 % chez les hommes et de 43 % chez les femmes - après déduction du facteur vieillissement de la population. Quand on regarde les cartes de taux d'incidences des cancers, on voit du rouge en Amérique du Nord, en Europe, en Australie... C'est clairement une maladie chronique liée aux pays développés. En Inde, où les taux d'incidence sont trente fois inférieurs, ils sont inquiets parce que ça commence à changer dans les mégapoles.
Pensez-vous que le consommateur ne s'interroge pas assez sur l'origine de la viande dans son assiette ?
Le consommateur n'a souvent pas le choix, mais ça commence à changer. Si vous réduisez votre consommation de viande, vous pouvez avec ce que vous économisez acheter du pain, des fruits et des légumes bio. Il faut recréer des liens avec les producteurs d'aliments pour court-circuiter la grande distribution. Il faut que les consommateurs se réapproprient leur assiette.
Propos recueillis par Guillemette Faure
Source Les Inrocks